Origin. Avant 2008, on pouvait considérer ce groupe comme un joli poids lourd du Death horriblement brutal et technique à la fois, ceux qui ont eu des dizaines d’orgasmes de violence sur I.I.I. et
Echoes of Decimation peuvent en témoigner. Mais il manquait un truc, ce machin, cette chose qui est capable de faire passer un album au stade de monument, de classique. Comme touchée par un dieu avide d’albums cultes de Death, leur dernière oeuvre naquît.
Antithesis, telle fut son nom, nom qui résonne encore aujourd’hui chez les fidèles de la belle violence extrême.
Pouvait-il faire plus rapide ? Facile. Allait-il repousser les limites d’un style qui se reposait sur ses acquis ? Personnellement, je ne l’avais pas prévu. Alors qu’en ce moment, il est simple d’aller toujours plus vite, toujours plus fort grâce à des productions en béton armé, des arrangements électroniques et des claviers soit-disant épiques,
Origin fait fi de tout ce qu’on peut trouver de superficiel, tape du poing sur la table, et crie au monde entier «Je vais vous montrer ce que c’est, le vrai Death technique». Cherchez comme vous voulez, mais aucun artifice n’est utilisé. Ces dégénérés créent leur ambiance par leur seule musique, mettant en scène une apocalypse intersidérale, une fin de l’univers pleine d’explosions toutes plus violentes les unes que les autres. La production fait son boulot, sans trop en faire, nous permettant d’apprécier pleinement la technique innée de nos destructeurs de mondes. Innée ? Oui, car il est des talents que l’on ne peut apprendre, et certains membres nous le font bien comprendre : jouer leurs morceaux, c’est pas le premier pouilleux venu qui va y arriver. La performance du cogneur Longstreth peut être touchée du doigt, mais ceux qui peuvent réellement l’atteindre tiennent sur les doigts d’une main. Le monsieur nous offre la diversité d’un Kollias, la rapidité du jeu aux pieds d’un Kiilerich et la vitesse aux fûts d’un
Inferno. Plusieurs fois, on jouira devant tellement de maîtrise, comme dans le mid-tempo de Wrath of Vishnu où ses pieds sont au bord du décollage et dans la dernière accélération du morceau éponyme. Tout aussi parfait dans la rythmique, ce monstre de Flores nous gratifie de lignes de basse sorties d’un autre univers, et seul le live nous permet de vérifier qu’il n’a pas trois bras. Son solo d’Ubiquitous a sûrement fait pleurer des dizaines de bassistes, autant devant la beauté que devant l’impossibilité de reproduire une telle partition. Au-dessus d’eux, le bon vivant James Lee montre encore une fois que le growl, ça ne nécessite pas que quelques vocalises sous la douche. Pour offrir tant de variété, d’articulation et de vitesse dans ses vocaux pleins de mots destructeurs, il faut des années et des années de travail, voire un coffre taillé sur mesure à la naissance ("Tu seras un growler mon fils !"). Encore une fois, sa performance sur Finite donnera des crampes à la langue et des brûlures à la gorge pour beaucoup. Et bien sûr, comment ne pas parler des guitares, avec ce diable de Paul Ryan qui fait chauffer sa guitare, la fait pousser jusqu’à la violence inhumaine, pour finalement la faire retomber dans un dernier cri plaintif, cri qui clôturera l’album dans un déchirement mélodique.
Car oui,
Origin sait utiliser la mélodie dans ce monde de brutes intergalactiques, pour nous faire monter au septième ciel en quelques secondes. Et même sans elle, le groupe sort des carcans tordus et alambiqués du Death Technique. Alors qu’en général, il faut plusieurs écoutes pour n’appréhender ne serait-ce qu’un riff d’un
Spawn of
Possession ou d’un Faceless (si tant est qu’il y ait des riffs bien précis),
Origin balance sa maîtrise dans des compos accrocheuses, simples mais pas simplistes. Dès la deuxième et troisième écoute, on aura ses repères : le mid-tempo de Wrath of Vishnu, la furie annihilatrice d’Ubiquitous, la puissance de feu rapide et millimétrée de Finite, ou encore le grand final. La qualité prime sur la quantité, et les Américains l’ont compris. L’exemple parfait est le dernier morceau, une composition ayant sa place au Panthéon du metal. Commençant par un Oppenheimer désabusé, les Space Marines de la musique nous explosent les tympans directement après. Et vont s’enchaîner 9 minutes de furie, de folie, d’une intensité quasiment jamais atteinte. Les parties s’enchaînent, chacune réparties bien stratégiquement, avec chacune son mot d’ordre, et ce, pour tous les membres du groupe. Et au moment où le growler s’éteint sur quelques mots, les instruments nous gratifient d’un des plus purs déchaînements de violence, d’un tourbillon technique, comparable à un roulement de tambour exécuté par un batteur allant de plus en vite, où l’arrêt sera la mort. Et justement, tout meurt, pour renaître quelques secondes plus tard, pour donner en offrande aux amoureux de la musique un des plus beaux mid-tempo jamais réalisés.
On peut être étourdi après l’écoute de cet album, surtout la première fois. D’autres, comme moi, sont peut-être restés vides, à regarder les murs de l’appartement pendant quelques dizaines de secondes, comme si la musique ne s’était pas encore arrêtée.
Origin a créé son chef d’oeuvre, son massacre intergalactique empreint de beauté, le petit plus qu’on attendait pour qu’ils passent à la postérité. Comme pour d’autres albums cultes, ils ont réussi à créer une rupture : il y a un avant, et un après
Antithesis.
Un album ahurissant de violence et de technicité. Tous amateurs de death metal se doivent de posséder cet album qui n'a rien perdu de sa superbe malgré les années.
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