Nombreux sont ceux qui se souviennent aujourd'hui de l'onde de choc provoquée par la sortie du One Second de
Paradise Lost, celui-ci étant la cause d'une virulente polémique sur le bien fondé d'une telle démarche artistique. A la même période,
Tiamat lançait discrètement un
A Deeper Kind of Slumber bien plus novateur encore. Si
Wildhoney, chef-d'œuvre du
Metal Atmosphérique et précédente offrande des Suédois, avait occasionné une prise de risque majeure, elle avait aussi projeté le groupe hors de la stricte sphère de l'Underground. Ne s'attardant pas sur ce succès outre mesure, les Vikings proposent cette fois une œuvre plus complexe, pétrie d'influences très variées.
"Une forme de sommeil plus profond", un tel choix de titre n'a-t-il pas de quoi rebuter les hordes de fans ayant suivi tant bien que mal l'évolution du groupe depuis son retrait, toutefois progressif, de la scène Extrême? Le leader Johan Edlund est en tout cas plus ambitieux que jamais en abordant cette nouvelle création.
Seul le fidèle batteur Lars Sköld poursuit l'aventure entamée sur l'opus précédent ; les nouveaux membres, dont le bassiste Anders Iwers encore présent de nos jours, sont parfaitement à la hauteur. Toujours porté sur l'ésotérisme et les Atlantes (Atlantis As A Lover), le chanteur guitariste créée un monde plein d'ambiances, saluant les entités divines des civilisations passées. En proie à des démons plus tangibles, le songwriter se confesse sur Alteration X 10, dans lequel il réinvente son univers sous l'emprise de psychotropes. L'énumération des immondices figurant dans ce texte provoque un malaise certain pour l'auditeur.
Définir la musique de
Tiamat à cette période m'apparaît comme une gageure tant sa richesse est grande. Mais bon, si vous m'avez suivi jusque là, il me semble que je vous dois quelques explications. Je vais donc m'atteler à retranscrire mon ressenti du mieux que je peux.
Tiamat évolue dans un
Metal/Rock tout à la fois Gothique, Progressif et Electro d'une élégance à mon sens inégalée à ce jour. J'assume!
Paradise Lost,
Anathema et autre
Samael sont en pleine révolution ; le gang de Stockholm les coiffe au poteau dans une surenchère créative effrénée.
Seul titre exploitable commercialement, le single
Cold Seed taillé pour les dancefloors préfigure les titres accrocheurs qui deviendront ensuite une des marques de fabrique du combo. Si la chanson est entraînante, elle donne des indications sur le renouveau du style à travers l'absence de chant guttural et la multiplicité des pistes sonores, rendue cohérente par la production impériale de Dirk Draeger. Dès Teonanacatl, champignon sacré des Aztèques, voilà Edlund et ses compères planant à cent lieues du plancher des vaches ; l'ambiance ne fait pas dans l'exotique, guacamole et Corona sont abolis au profit du mescal et du peyotl. Le maestro, avec sa dégaine à la Bela Lugosi, inquiète ses fans en avouant ses douloureux penchants pour les expériences éprouvantes. D'un point de vue artistique, la narration de cette expérience est pourtant indubitablement réussie.
The
Desolate One et son introduction Trip Hop (un style musical qui m'insupporte hors cet album où son influence est très présente) donne dans un rythme lent, le chant incantatoire et caverneux est très apaisant. Le calme est d'ailleurs ce qui prédomine sur l'ensemble de cette galette. Ainsi, Atlantis As A Lover, avec son incroyable mixage de percussions sorties d'outre-tombe accompagnée de superbes violons, dispense une mélodie bienfaisante pour peu que l'on soit dans l'état d'esprit adéquat. Les guitares ne sont jamais en reste bien que rarement mises au premier plan, comme sur les distorsions d'Alteration X 10.
Beaucoup de morceaux sont enchainés les uns à la suite des autres, tout comme sur
Wildhoney, ce qui renforce l'impression d'écouter un vrai-faux concept album. Four Leary Biscuits mené par l'invité de marque Sami Yli-Sirniö -
Waltari, futur
Kreator- jouant de la cithare fait penser à un
Dead Can Dance sans rien lui céder en qualité, ce qui n'est pas peu dire. L'Electro Only In My Tears It Lasts invite Edlund à placer un solo de guitare tout droit sorti du Pink Floyd des années 80. L'homme ne cache d'ailleurs aucunement son admiration pour David Gilmour et l'oeuvre du flamant rose.
Toujours bien barré, The
Whores Of Babylon nous convie à une sorte de danse/transe hypnotique. Soucieux du détail, le gourou de la Church Of
Tiamat nous pond un joli instrumental de quelques secondes avant d'entamer un
Phantasma De Luxe définitif de beauté mélancolique. En fin de parcours, le titre éponyme clôt magnifiquement les débats dans une ambiance éthérée.
Nous sommes donc un présence d'une absence totale de concessions. Johan Edlund aurait pu se contenter de fournir un
Wildhoney 2 ; plutôt que de trahir l'esprit novateur de ce diamant brut, le Suédois s'est totalement affranchi des formats de l'industrie musicale et des attentes immédiates de son public pour offrir ce somptueux résultat fait de compositions alambiquées et arrangées en grande pompe. Un disque fait pour ceux que le calme n'effraie pas, un disque à fouiller encore et toujours tant il vieillit bien et regorge de merveilles.
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