Depuis leurs débuts dans les méandres du deathcore, les Écossais de
Bleed From Within n’ont cessé de faire évoluer leur son vers des territoires plus vastes et ambitieux. Si leur rage initiale reste intacte, c’est désormais avec un sens affûté de la mélodie, du groove et sur un style metalcore qu’ils construisent leur approche musicale. Leurs deux derniers albums, à savoir
Fracture (2020) et
Shrine (2022), marquent un tournant majeur dans cette métamorphose.
Fracture a amorcé un premier virage déterminant. A la fois harmonieux et structuré, le disque a brillé par la puissance de ses riffs et l’équilibre maîtrisé entre chant hurlé et chant clair. On y perçoit l’influence de formations comme Lamb of
God ou
Gojira mais maintenait une identité propre portée par une production dense.
Shrine est venue confirmer et amplifier cette évolution. Entreprenant et tempétueux, l’œuvre a su exploré des textures orchestrales et des ambiances presque cinématiques. Le groupe y a poussé son écriture dans des retranchements nuancés, qui mêlent à la fois introspection, engagement et intensité brute, un point de convergence entre fièvre viscérale et grandeur sonore.
Néanmoins, le collectif écossais n’a jamais réussi jusqu’à présent à atteindre l’excellence, la faute à des ouvrages copieux, aussi bien sur la durée que sur le contenu, qui finissaient quelque peu à s’essouffler. Avec leur septième essai baptisé
Zenith, le quintet a désormais comme ultime objectif d’atteindre son apogée, son point culminant, son … zénith.
Dans une certaine suite logique de
Shrine, nos artistes poussent davantage le tempérament orchestral de ses compositions et y intègrent un caractère épique, mystique grâce à une omniprésence de chœurs. S’ils ne sont pas spécialement perceptibles sur les premiers morceaux, on les distingue dès l’introduction d’
Immortal Desire en featuring avec Brann Dailor (
Mastodon) et parviennent parfaitement à s’intégrer au riffing complexe et au chant clair de l’invité. Il n’est d’ailleurs pas si surprenant de déceler quelques accents progressifs marqués principalement par la différence d’amplitude entre les couplets et le refrain. Pour autant, on reste quelque peu sur notre faim, la faute à une structure finalement très conventionnelle.
Cette impulsion progressive est mieux contrôlée sur des titres tels que
Dying Sun où l’intro maintient un suspens et un mystère insolvables. Les Ecossais en viennent même à entreprendre des expérimentations, en témoigne par exemple ce chant robotisé qui accentue cette atmosphère à la fois étrange et impénétrable. Ces recherches emmènent même les musiciens à travers des contrées qu’ils ont rarement scrutés jusqu’à maintenant comme sur
Chained To
Hate où les riffs mordants et les percussions hâtives nous projettent au sein d’un thrash metal à la production cristalline.
Hands of Sin aspire également dans ce registre thrashy, la présence de Josh Middleton (
Sylosis, ex-
Architects) y étant certainement pour beaucoup. Le riffing est impétueux, les blastbeats renforcent cette véhémence et le breakdown est redoutable par ses accords complexes.
Si cette fois-ci la formation écossaise ne perd pas en brillance, elle n’affiche toutefois pas la cohérence de ses précédents travaux. Arrivé au final Edge Of
Infinity, nous sommes assez déboussolés de trouver devant nous une balade certes touchante et dont la montée en puissance est remarquable mais qui est en totale contradiction avec l’animosité proposée tout au long de l’album. Le groupe déçoit également sur des instrumentalisations un peu trop simplistes lorsque l’on s’appelle
Bleed From Within, comme sur
God Complex qui, si l’on retire les solides solo de guitare, n’a pas la créativité de ses compères. Ces petits faux-pas sont largement rattrapés par des compositions remarquables. In Place Of Your
Halo en fait facilement partie grâce à sa cornemuse lors du breakdown totalement inédit et qui permet au morceau de gagner en majestuosité et d’être un hymne national à part entière.
Bleed From Within ne révolutionne pas sa formule mais la pousse dans ses retranchements les plus raffinés. Entre envolées orchestrales, passages progressifs et incursions thrash aussi inattendues que réussies, le quintet écossais démontre une volonté de dépassement indéniable. Si tout n’est pas parfaitement maîtrisé avec certaines transitions maladroites et une conclusion déconcertante, ce septième tableau offre néanmoins de nombreuses fulgurances qui prouvent que le groupe est toujours en grande forme.
Plus que jamais, les Ecossais semblent déterminés à inscrire leur nom parmi les figures majeures du metalcore mélodique européen. Il reste pour cela à canaliser toute cette richesse dans un récit sonore plus cohérent pour que leur zénith devienne réellement un sommet.
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