Les annonces de ce nouvel album "
Zeit", avec ce surprenant artwork bétonné les représentant descendant le Trumeldurn, et un clip iconoclaste de "
Zick Zack" brocardant la culture du bistouri ont pu surprendre ; on attendait pas si tôt une nouvelle sortie discographique de nos allemands préférés. A l'échelle géologique des dinosaures du metal, les trois petites années qui nous séparent de "
Rammstein", l'album du retour gagnant aux affaires, sont passées d'autant plus vite que le temps s'est un peu suspendu et détraqué avec les confinements. Ajoutons à cela un quasi-mutisme, à croire que le groupe avait benoitement oublié de faire des interviews - j'en ai bien trouvé une, en version originale sur un site allemand. A tout le moins ont-ils annoncé à leurs fans la création de leur clinique de chirurgie esthétique et leur cryptomonnaie, la Rammcoin, le 1er Avril 2022… uh uh ! Un poisson d'avril, groBe rigoladeuuu ! Et même qu'ils ont fait écouter à Thomas Pesquet le premier single sur l'ISS des mois avant tout le monde, mais ça, c'était vrai.
Il se trouve que sans la pandémie, "
Zeit" n'aurait pas existé, et que les six musiciens, subissant les reports successifs de leur tournée, ont préféré en profiter pour mettre en chantier un nouvel album, sans aucune pression, en laissant libre cours à leur créativité. Les onze morceaux ont été enregistrés sous la houlette du producteur Olsen Involtini, au studio La Fabrique, en Provence, avec une sortie prévue juste avant le démarrage de leur tournée au printemps 2022. En attendant, Richard Kruspe a pu sortir son quatrième album avec
Emigrate, et Till
Lindemann continuer sa carrière solo avec une série de six dates en janvier de cette année.
Autant le dire tout de suite, ce nouvel album pourra en déconcerter certains, surtout à la première écoute, car il délaisse volontiers les guitares pour les claviers, à l'image de ce que fait Muse depuis plusieurs années. On est effectivement plus proches par moments de Depeche Mode que de
Ministry, au point de se demander si le sextet fait toujours du metal industriel. Moins martial, moins mécanique, presque pas dissonant -si, sur deux notes sombres au milieu de "Schwartz", qui vrillent sournoisement la belle unité du morceau- et on pourra se demander si le troublant duo de Till
Lindemann avec Zaz n'a pas ramolli son cœur de pierre, quand ce sont la douceur et la mélancolie qui prennent le pouvoir ("
Zeit", "Lügen").
Rammstein est posé, triste, mélancolique, grave et sombre, pour ne s'envoler que lors d'acmés courtes et intenses comme sur les harmonies Mastodonniennes pleines d'espérance de la fin de "Meine Tränen". Till est toujours aussi impérial, captivant. Pourtant, il reste égal à lui-même, ronronnant comme un gros lion pas encore fatigué. Avec son charisme, son sens de la diction, il fait chanter la langue de Goethe comme per
Sonne. Il brave les interdits les plus tabous des pisse-froids, par ses textes évidemment, mais aussi envers son propre camp, en rajoutant de l'autotune sur "Lügen" tel le JUL moyen, oui, l'insupportable effet de correction mélodique qui ratiboise les notes au massicot. Alors qu'il était tout gentil, "Lügen", avec son ambiance de comptine de jour d'orage…
On compte heureusement quelques hymnes pachydermiques, implacables et ténébreux ("
Angst"), ou méchamment provocateurs (l'hilarant "
Dicke Titten" orné de dodelinants cuivres pompiers). Des morceaux comme "
Zick Zack" peuvent amener la simplicité au bord du précipice de la débilité assumée avec ces gimmicks de synthés pop, comme on en abusait dans les années 80. Cet album est finalement dans le prolongement du précédent, avec des titres simples et rentre-dedans, comme "
Angst" et "OK", construits autour d'une idée et demie, et aussi contagieux qu'un variant dans les starting blocks.
Les titres de cet opus peuvent donner une impression d'extrême linéarité, d'autant plus qu'ils restent sur des tempos assez voisins. Il faut attendre la fin de "OK" pour enfin, entendre un vrai break, qui m'a un peu cassé la colonne vertébrale en deux, voilà ce qui arrive quand on est pas préparé.
La production est énorme, comme de tradition chez
Rammstein, spécialiste incontesté du gros son. Cependant, on pourra être déstabilisé de ne pas retrouver impression de mur de guitares si caractéristique chez eux. Les guitares étant moins présentes que dans leurs autres albums, l'intérêt se porte parfois sur les claviers ("Armee Der Tristen"), ou sur un son de caisse claire très travaillé qui se détache du reste de la musique ("Schwartz"). On notera une grande ouverture sonore, et de la précision dans les détails, qui mettent en valeur tous les petits accidents qui donnent du sel à un plat aux ingrédients bien connus.
J'avais très peur d'être franchement déçu par "
Zeit", surtout au premier abord, car Till et ses hommes ont délaissé la force de frappe frontale, arrondi les angles, en évitant soigneusement de verser dans la facilité et le racolage commercial. Pour une fois, la première impression n'est pas la bonne, et ce disque se révèle attachant, laissant le poison des réminiscences vous pousser à le réécouter…
Merci pour la chronique.
Déçu également par cet opus. Comme annoncé à un pote il y a quelques mois, c'est comme si on avait des chutes du précédent, comme pour Rosenrot! Cette galette s'écoute bien, j'y prends du plaisir, mais ça manque cruellement de refrains ou chants fédérateurs qui martèlent les oreilles dès la première écoute et qu'on retient plus facilement que nos leçons scolaires.
J'aime beaucoup Giftig pour ce fait mais je ne la trouve en rien extraordinaire: Rammstein klassik quoi!
Pour Lügen, le chant bisouillé me plaît bien, et m'a interpelé et plu dès la première écoute. Je n'ai aucune référence sur ce type de voix modifiée, je ne connais point JUL cité dans la chronique.
Ils tentent encore des choses comme sur l'album précédent qui avait été très rafraîchissant me concernant!
Je sais que la prochaine écoute sera encore différente grâce à cette chronique. Merci.
Agréable mais pas une claque style Reise Reise. Je suis surtout surpris qu'ils en ressortent un, n'avaient-ils pas dit que l'éponyme de 2019 serait leur dernier ?
Plus je l'écoute, plus je le trouve décevant.Le sentiment qui domine est celui du déjà-vu, l'ennui en plus et les pseudo expérimentations n'apportent que bien peu de choses.Pour moi, peut être leur pire album.Il ne vaut pas plus qu'un 10/20.
Tout d'abord, merci pour vos commentaires ! Effectivement, oui a un peu l'impression d'avoir du Rammstein light, et ça en a déçu beaucoup. J'avais pas trop envie de le chroniquer au départ, vu les premiers extraits, et je pensais les saquer, mais au final cet album me plaît. Le déjà vu est assez cuisant à la première écoute, d'autant plus que les riffs et Idées sont assez basiques, mais ça m'est bien rentré dans la tête à force...
Alors que le dernier Muse "Simulation Theory" m'a déçu et encore moins convaincu sur le long terme, en comparaison... et encore plus en concert, quel comble !
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