Widow's Weed ? Les vêtements de deuil de la veuve…
Dans cet album tout semble gris et morne, mais telles les fleurs du mal, l'icône gothique des romans du XVIIIe siècle portant le masque de la candeur et de l'innocence, Vibeke, la chanteuse, de sa voix angélique, se bat contre ce monde si sombre, apportant la lumière là où il n'y a que ténèbres… Le principe de base même du metal gothique donc.
L'album compte onze pistes (jusqu'à douze dans certaines versions, qui incluent le superbe morceau symphonique et instrumental
Siren et sa magnifique introduction à la guitare acoustique, rappelant un peu le plus récent "
Seven Siren and
Silver Tear" de
Sirenia, second groupe de Morten Veland… Le second bonus étant le magnifique "Cease to
Exist" qui est quasiment une ballade -excepté quelques rares passages- de près de dix minutes, le plus long morceau du groupe !).
Tout commence sous une lourde pluie, on entend au loin le son des cloches, l'heure de l'office… Et là s'élèvent des choeurs, chantant des louanges en latin, une voix de femme se démarque quelque peu… L'intro s'achève, et là, l'album démarre vraiment, sur les vocalises harmonieuses de la chanteuse, dans le titre
Evenfall. On remarque de suite la musique, un doom atmosphérique à la fois minimaliste mais dans des compositions techniques, accompagné d'arrangements classiques et symphoniques.
Les guitares, la basse et la batterie semblent en arrière-plan, surpassées par les nappes de claviers. On entend sur certains morceaux les pleurs d'un violon, les douces larmes desservies par les notes d'un piano, les cloches d'une église dans le prélude et les derniers morceaux de l'album… Il y a aussi quelques samples, comme les rires d'enfants sur le sublime
Angellore ou des bruits d'ambiances, comme le bruit de l'eau coulant d'une fontaine ou le vent, donnant un côté réaliste et terre-à-terre…
L'ambiance est sombre, très sombre, mais la musique reste très planante, dûe au fait que les instruments "metal" sont mis en arrière-plan, de même que les choeurs et la voix féminine, qui semblent un peu lointains, perdus dans l'épais brouillard qui plane sur l'oeuvre. Beaucoup de mélancolie donc, mais tout en beauté, rien de vraiment violent dans la musique, les textes parlent d'amour déçu, de l'orgueil humaine, de la mort omniprésente, du temps qui passe et de la vanité de la vie...
La sublime voix fantomatique et glaçante de Vibeke, se veut beaucoup plus douce et chaude par moments, parfois même elle parle ou chuchote. Elle nous fait don aussi de ses sublimes vocalises sur plusieurs titres… Le sommet de puissance étant atteint sur
Wasteland's Caress, ou elle atteint des notes hautes très aiguës. Elle officie aussi en tant que choeur par moments, mais dans les cas, comme la musique, sa voix est mise au second plan, ce qui donne un effet d'écho lugubre, languissant...
Elle est accompagnée par les puissants grunts caverneux de Morten Veland, qui chante aussi parfois en voix claire. Tandis que Vibeke chante généralement les refrains, lui s'occupe plutôt des couplets (je dis bien en général) et est donc plus présent que sa compagne, bien que le chant de celle-ci détonne beaucoup plus… C'est une dispute perpétuelle entre les deux vocalistes, le bien contre le mal... En outre, sur
Angellore, le chant clair masculin est assuré par Osten Bergoy et sa superbe voix de ténor très sensuelle…
Les paroles elles sont écrites dans un anglais très raffiné, shakespearien (à l'image de Theatre of
Tragedy), poétique, difficilement compréhensible. D'ailleurs, toutes les paroles ne sont pas écrites dans le livret, une démarche volontaire de Morten Veland pour laisser libre court à l'imagination de l'auditeur. Par ailleurs, les vocaux des prélude et postlude (entre autres) sont en latin, pour renforcer cette fois non pas le côté poétique, mais le côté sacré et religieux de l'oeuvre.
En fait, on pourrait définir
Tristania par un habile mélange entre
Theatre Of Tragedy pour le côté poétique,
The Sins Of Thy Beloved pour les instrumentations et les thèmes (au passage le violoniste de cet album, Pete Johansen, a aussi officié chez ce groupe, entre autres) et le petit frère
Sirenia (sans le côté rock gothique…) ; mais tout en gardant une identité propre, personnelle et reconnaissable entre mille… Un très bon premier essai pour le groupe, à peine moins bon que le suivant,
Beyond the Veil, qui marquera l'apogée du groupe et du metal gothique en général. D'ailleurs, ces deux albums restent parmi les grandes références du genre, dont il est, au passage, l'un des pionniers, des fondateurs, aux côté de
Theatre Of Tragedy et The Sins of Thy
Beloved (que j'ai déjà cité un peu plus haut). 18/20
pour un album qui meritait une ode pareille!!!!
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