Mine de rien, que l’on aime ou que l’on n’aime pas, on pourra difficilement nier que
Lamb of God est un groupe incontournable dans sa catégorie : fondé en
1994 sous le patronyme de
Burn The Priest, le combo délivre depuis maintenant plus de vingt ans et sept albums un metal à la fois groovy, puissant et rageur à la violence et à l’aura destructrice sans pareilles.
Le plus impressionnant est peut-être qu’il n’y a pas vraiment de baisse de régime à déplorer dans la discographie conséquente du groupe, et si on peut parfois sentir les Américains en pilotage automatique sur certains titres – ne serait-ce pas après tout, à long terme, l’apanage des groupes qui ont un style très personnel et immédiatement identifiable ? -
Lamb of God reste bien au-dessus de la masse core soit trop souvent affétée et geignarde, soit donnant au contraire dans la surenchère d’une violence creuse et stérile.
Ceci dit, les
Rednecks virginiens auront connu un sacré coup d’arrêt en
2012, avec l’incarcération de leur leader et le long procès qui suivra, plongeant le groupe dans un long et douloureux hiatus plein d’incertitudes et d’angoisses. Heureusement pour nous – et pour lui quand même ! -, Blythe finira par être acquitté, et ce qui ne tue pas rendant plus fort, le combo nous revient donc en juillet 2015 pour remettre les pendules à l’heure avec son huitième album studio,
Sturm und
Drang, dont le titre évocateur pourrait bien révéler une catharsis pour le fameux hurleur.
Still
Echoes nous rassure de suite quant à la forme de la bête,
Lamb of God n’a rien perdu de sa niaque, et c’est un titre fracassant qui nous cueille d’emblée, démarrant presque aussitôt sur un roulement de batterie aux allures de blast et un hurlement terrifiant de
Randy avant que ces riffs saccadés et brise nuque si typiques du groupe, délicieux de complexité et de puissance, n’embraient pour un mélange toujours aussi bien dosé de violence et de mélodie. Le tout forme un amalgame irrésistiblement headbangant et fédérateur, c’est bien simple, on a envie de scander ce refrain le poing levé en se dévissant les cervicales, et la fin du titre est tout simplement énorme avec cette montée en puissance vocale soutenue par ces petites notes de guitare hurlantes avant que le riff central ne vienne résonner une dernière fois histoire de clôturer le titre proprement.
La maîtrise technique des cinq gaillards n’est évidemment plus à démontrer (écoutez voir le riff central d’
Embers !), l’équilibre entre passages dévastateurs et leads entêtantes est toujours parfait, respectant ainsi l’identité musicale du groupe, et même si les grincheux pourront déplorer à raison que le groupe a parfois tendance à se répéter et à sortir quelques morceaux plus faciles sans grande prise de risque (Footprints, très bon en soi, mais un peu générique et déjà vu pour
Lamb of God), on constatera que même les titres les moins bons se distinguent par un super solo, un break génial ou au moins un riff qui tue.
Sur
Embers , c’est carrément Chino Moreno qui vient donner de la voix, ajoutant une dose de mélancolie onirique dans cet océan de saturation et de violence.
On dénotera parfois même un petit côté death mélo qui n’est pas sans rappeler At the
Gates ou Arch Ennemy dans certains riffs ainsi que l’utilisation de la guitare rythmique, ce qui n’est pas pour déplaire et ne fait que mettre en avant la virtuosité mélodique du combo (certaines parties de Erase This).
Ceci dit, affirmer que
Lamb of God fait du surplace et se contente de remâcher toujours la même formule serait de mauvaise foi, et tout auditeur attentif constatera que les compos sont d’une manière générale moins compactes et brutales, comprenant plus de changements de rythmes et d’humeurs et misant moins exclusivement sur la puissance, même si les p’tits gars de Richmond savent toujours distribuer de bonnes mandales, la preuve en est avec des titres comme Still
Echoes, Footprints ou Delusion Pandemic.
Oui, c’est un fait, ce nouvel essai est un peu moins agressif et rapide que par le passé (Antropoid, très moderne et mécanique, parfois à la limite du cyber,
Engage the Fear
Machine, lourd et glauque), privilégiant la création d’une ambiance sombre à un impact plus direct : citons notamment le très réussi 512, à l’intro inquiétante et rampante, qui impose une puissance pesante et douloureuse et nous inonde de ce superbe riff mélodique et de ce refrain de toute beauté où Blythe hurle toute sa rage et sa douleur; quand on sait que 512 est le numéro de la cellule où le chanteur a été incarcéré et que les paroles traitent de la douloureuse expérience de l’enfermement, ce côté plus poisseux et suffocant n’étonne pas; on relèvera aussi Torches qui clôt l’album, s’ouvrant sur ces arpèges inquiétants et la voix claire d’un Greg Puciato méconnaissable, enchaînant sur ces riffs hachés, massifs et un brin monotones avant une montée en puissance salvatrice en milieu de titre qui vient relancer la machine avent le silence final.
Ceci dit, la surprise de l’album, vient d’
Overlord, avec son intro bluesy étonnante, longue balade nonchalante qui s’écoule paisiblement, à la croisée d’un
Pantera en mode slow et de
Soundgarden ou Alice in Chains. Le titre n’est pas une franche réussite, décollant trop paresseusement et manquant quand même méchamment d’intensité et d’émotion réellement palpable, avec un refrain un peu gentillet et fade, mais il a le mérite de nous montrer une voie que nos barbus n’ont que timidement et partiellement explorée depuis
Wrath, mettant en avant le chant clair de Blythe, juste et pas désagréable à défaut d’être transcendant. On appréciera tout de même la prise de risque, ainsi que cet excellent solo bien rock n’ roll en milieu de morceau, qui marque la montée en puissance du titre pour une deuxième partie de morceau plus intéressante, sauvée par d'excellents riffs et les hurlements toujours aussi possédés du frontman.
Car oui, s’il est définitvement une chose que l’on ne peut pas passer sous silence, c’est la performance vocale de Randall qui, encore une fois, bluffe dans tous les registres, tant guttural qu’hurlé, et qui impressionne toujours autant par sa puissance, sa justesse et sa rage: on entend vraiment que cet album lui a permis de libérer ses démons et cela ne fait que déculper la puissance émtionnelle de l'album.
En définitive, si
Sturm und
Drang n’est peut-être pas le meilleur album de
Lamb of God, il s’inscrit tout de même bien dans la lignée de son prédécesseur, avec ces passages plus lourds et sombres, et semble ouvrir de nouvelles perspectives à un groupe qui semblait de toutes façons avoir tout dit dans un art metal groovy, violent et décomplexé. Certes, cette nouvelle livraison n’est pas aussi directe que les méfaits précédents, et certains fans du combo risquent de faire un peu la grimace, mais ces 48 minutes s’apprécieront à la longue, délivrant leurs subtilités et leurs ambiances au fil des écoutes. En tout état de cause, c’est encore un (très) bon album que nous livre
Lamb of God, et quand on sait en plus d’où revient le groupe, on ne peut que savourer cette nouvelle livraison avec respect, admiration et reconnaissance...
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