Liste des groupes Grunge Live V

Difficile de s'essayer à de nouveaux mélanges et de s'éloigner du grunge mélancolique et tubesque des débuts, lorsque l'on sait pertinemment que depuis la publication de leur plus grande oeuvre dont on ne présente plus désormais (« Throwing Copper ») - Live a parfois pu décevoir ses fans (si l'on occulte les principaux singles délivrés et si l'on prend les albums dans leur globalité bien entendu). C'est donc après avoir goûté à un premier succès bien mérité en 1994, que les Américains ont donc pu arpenter les chemins risqués du grunge oriental avec « Secret Samadhi » pour finalement se perdre avec de nouveaux éléments pop/jazz combinés à des structures parfois lisses et convenues que l'on pouvait découvrir sur le très accessible « The Distance to Here ».

Faute est de reconnaître que les nouveaux espoirs misées sur le groupe étaient fortement compromis et qu'en plus de cela, la scène crasseuse de Seattle se voyait s'affaiblir de plus en plus par de violents événements successifs (décès de Kurt Cobain, séparation de Soundgarden, de Screaming Trees...). Comme si toute cette peine ne suffisait pas, les Etats-Unis viennent à présent de connaître l'événement le plus tragique et douloureux de leur histoire, les attentats du 11-Septembre. Bien plus qu'une simple anecdote qui relèverait du commun des mortels, alors que « Throwing Copper » avait été délivré deux semaines après le décès du charismatique Cobain, ce nouveau méfait lui, intervient sept jours seulement après cet accident.

Que les puristes du grunge puissent d'ores et déjà se tenir informés, ce cinquième essai au nom étrange de « V » (anciennement nommé « Ecstatic Fanatic ») prendra une toute autre tournure que les albums passés avec un style expérimental plutôt innovant et donc peu commun chez le groupe. Il suffit par exemple, de remarquer la présence de Tricky, véritable pilier du trip-hop et ancien membre fondateur de Massive Attack avec lequel Ed Kowalczyk avait signé une collaboration sur « Evolution Revolution Love » - pour s'en apercevoir. Présent sur le titre « Intro » au concept très étonnant, qu'il est même d'autant plus lorsque la voix de Adrian Thaws nous est inconnue (comme ce spécial « Someone, Should Take Your Microphone » dont le phrasé est au plus original) ainsi que sur « Simple Creed » où il nous exerce un brillant solo accompagné des lancées pêchues et optimistes de Ed et de cette instrumentation empruntant plus largement au rock progressif, ce nouveau bébé nous promet déjà de belles surprises.

Certes, la finalité de cet album n'est autre que de se renouveler et non pas de surfer sur le succès des premiers travaux mais on pourrait tout de même penser que le quatuor a voulu profiter de cette nouvelle vague néo-metal amorcée par Limp Bizkit ou Linkin Park entre autres, pour intégrer des sons rap/rock à sa musique (« Like a Soldier » ou « People Like You » ). Ainsi, le chant de Ed contient toujours autant d'aiguës et garde bel et bien sa marque de fabrique très spéciale mais il se trouve que sa nouvelle maîtrise des chants rappés dont les flows accrocheurs découverts sur « Deep Enough » (avec des riffs prog' simples et efficaces) vise à nous montrer une fois de plus, son aisance à couvrir de larges styles musicaux.

Cependant, des refrains comme ceux de « Transmit Your Love » peuvent être à double tranchant pour l'auditeur. Il faut dire que le chant de notre vocaliste contient de façon assez naturelle, sa petite dose de douceur exagérée, parfois agaçante, tant les mélodies semblent simples et optimistes. Mais cela ne lui empêchera pas de chanter à la perfection ce funk/soul groovy, accompagné par des claviers bien rêveurs. Plus impressionnant encore, les relents typiquement stoner de « Flaw » avec un titre se permettant même la présence de Adam Duritz (de Counting Crows) aux backing vocals et de la basse très lourde de Shawn Williams à qui on doit ces nouvelles influences. Que donc dire de ces excellents guests présents, et même du producteur Alain Johannes qui s'essaye avec talent à la sitar sur « The Ride » ?

Pour beaucoup, ce « V » ne sera nul autre que du gros rock Américain saupoudré de quelques ballades basiques mais la richesse est de mise sur « Nobody Knows » où est exposé un slow magique et enflammé, des couplets presque mystiques, des sifflements rappelant l'opus « The Death of a Dictionnary » (datant de 1989) et de très belles orchestrations orientalisées survenant sur l'outro (un peu plus de guitares distordues et le « Lakini's Juice » n'était pas loin). Bon, et cerise sur le gâteau avec la mélancolique « Overcome » - power ballade interprété à la mémoire des victimes des attentats (également un engagement humanitaire puisque les ventes de ce single sont destinés à être reversés). Preuve que si de nombreuses personnes ont pu découvrir Live via les crédits du film Le Retour de la Momie avec le tube hard-rock à la sauce égyptienne nommé « Forever May Not Be Long Enough » où le chant macabre et effrayant de Ed demeure très prenant, cet album n'est pourtant pas celui de ce seul hit.

Finalement, « V » est un album mystérieux qui se détache très largement des autres productions du groupe et offre ainsi, une nouvelle vie à la bande. Tricky aura été de la partie et sa collaboration aura beaucoup profité à la formation. Malheureusement, ce nouveau style sera de courte durée puisqu'il s'agit là d'un album purement expérimental. Il marque néanmoins une très nette coupure dans la musique produite par Live. De ce fait, deux périodes se distinguent : celle allant de 1988 à 2001 et celle démarrant à 2001. L'originalité semble donc avoir repris du pas avec ce premier album expérimental et finalement, « V » est un opus marquant et plutôt réussi mais qui sera par ailleurs très vite oublié par les fans et les autres auditeurs.