Il y a des artistes où, rétrospectivement, rien ne laissait prévoir qu’ils évolueraient ainsi. Lorsque l’on regarde les débuts des Poitevins de
Klone, peu d’éléments laissaient entrevoir ce qu’ils deviendraient aujourd’hui lorsqu’ils fondèrent le groupe voilà désormais plus de vingt ans.
Émergeant quand la scène française était en ébullition, en même temps que les
Gojira,
Scarve,
Hacride ou Trapalium,
Klone croisait le fer entre le death metal, le prog et cette envie d’expérimentation propre à cette scène cherchant constamment à se démarquer dans la violence et l’originalité.
Cependant, le temps a passé et les fans de "
All Seeing Eye" et "
Black Days" ont vu, de fil en aiguille, que
Klone changeait inéluctablement et s’éloignait de ses racines. Là où un
Hacride a conservé sa violence déstructurée, que
Trepalium s’est intensifié, qu’un
Gojira a changé de dimension ou qu’un
Dagoba s’est américanisé à l’excès, les Poitevins ont fait le choix du minimalisme et de la pureté, se rapprochant toujours plus près de la pureté musicale absolue.
Dire que la sortie d’"
Unplugged" surprend les observateurs avertis serait un mensonge tant il apparait comme une évidence et une réponse au sublime "Here Come the Sun" présenté il y a un an et demi. Passé le cap de l’acoustique, rejetées la saturation et la base rythmique basse-batterie pour ne plus garder que les guitares et la voix de Yann. L’opus précédent avait déjà posé des bases. L’absence totale de chant guttural, les nombreuses pistes planantes, les riffs en retrait au profit des mélodies et d’un habile jeu au doigt… Dès lors, "
Unplugged" apparait comme une évidence, comme pour fermer un chapitre et en ouvrir un nouveau ensuite.
C’est donc en live, dans le théâtre de Rochefort, que Yann Ligner, Guillaume Bernard et Aldrick Guadignino ont enregistré l’album, accompagnés par Armelle Doucet concernant certaines percussions et un accordéon qui viendra tenir compagnie à certaines compositions.
Plus que de simples versions acoustiques, Guillaume a proposé des titres à la relecture parfois complète, changeant certaines structures pour les adapter au format voulu.
Huit compositions des deux derniers opus, deux reprises (« Summertime » et « People are People » de Depeche Mode) ainsi qu’un inédit, voici le menu d’un disque différent où chacun aura un avis différent et où les plus metalleux n’adhèreront peut-être pas, même si l’exercice du
Unplugged réveillera peut-être certains souvenirs nostalgiques des 90s.
"Immersion" débute l’album de manière évidente et finalement ne surprend pas tant que ça tant sa version originale est déjà épurée et fluide. La voix de Yann y est peut-être encore plus fragile et sur la corde raide, pleine d’émotion. La montée en puissance d’origine est naturellement remplacée par des arrangements d’accordéons qui développent une atmosphère chaude et chaleureuse, apportant probablement plus d’espoir que dans "Here Come the Sun".
Klone a avoué que les titres étant composés initialement ainsi, cette relecture était finalement comme un retour aux sources pour eux. Et si l’ensemble est acoustique, ce n’est pas pour cela que les musiciens ont fait preuve de manque d’imagination. On trouvera dans ce "Fog" une place pour l’accordéon qui comble parfaitement l’absence de synthés ou dans le déjà magnifique "
Nebulous" une complémentarité des deux guitaristes permettant une émotion à fleur de peau proprement splendide.
"Into the
Void", choix risqué par son caractère plus expérimental, se veut bien plus brut et rugueux, Yann s’y montrant également plus cru dans son attaque vocale lançant le titre. Pourtant, impossible de ne pas reconnaitre le titre et cette ligne vocale si particulière. On trouve même la présence d’un saxophone assez étrange sur la fin, venant remplacer les expérimentations bizarres de Matthieu Metzger. "Rocket
Smoke" est, quant à lui, assez chamboulé dans sa structure et on peine plus à le reconnaitre, le groupe ayant pris plaisir à le modifier plus particulièrement.
"The
Silent Field of
Slaves" est un inédit écrit pour l’occasion relativement triste et contemplatif, s’acclimatant parfaitement au reste. Côté reprise, si "Summertime" avait déjà été revu sur "Here Come the Sun", "People are People" est une nouvelle surprise prouvant que
Klone aime décidément les reprises atypiques. Beaucoup moins « dansant » et collant finalement mieux à la gravité et à la noirceur du texte, le titre de Depeche Mode trouve un écho particulier dans cette interprétation, le groupe parvenant à s’extraire complètement du modèle original pour en faire une nouvelle composition à part entière, d’une grande force prenant aux tripes.
Inutile de noter cet album. Chacun se fera son avis.
Klone va le promouvoir grâce à une tournée acoustique exclusive pour partager avec le public cette expérience sensorielle si particulière. Ce que l’on retiendra avant tout, c’est cette volonté d’être libre et unique, de jouer des a priori et de n’avoir peur de rien, quitte à secouer un auditorat qui se complait parfois dans une certaine facilité.
Quid de l’avenir ?
Plus que jamais, impossible à dire tant les Poitevins semblent prêts à tout. Continuer ainsi ? Un retour à la violence ? Aux étrangetés sonores ? A un prog encore plus riche ? Seuls eux ont la clé…la seule chose certaine est que nous les suivrons pour savoir ce qu’ils ont à nous raconter…
Un album absolument magnifique qui tourne très régulièrement. Mon meilleur concert de 2018 (et pourtant j'ai vu de super groupe notamment la magistrale tournée de Maiden) mais rien à faire, les émotions procurées par ce set acoustique sont indescriptibles. "Immersion", "Grim Dance" et surtout "Nebulous" qui m'émeut aux larmes.
Ma-Gi-Strale vous dis-je!
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