Godflesh : ce nom n'est pas le plus connu parmi les innombrables groupes de metal existants mais il est bien entendu une référence au pays du metal industriel.
Godflesh est même un des pionniers du genre avec
Ministry. A l'époque de "The
Land of Rape and Honey" et de "The Mind is a Terrible Thing to
Taste", voilà que Justin Broadrick (qui a été un temps guitariste de
Napalm Death) et George Christian Green sortent ce premier album après notamment une démo/EP intitulée "Tiny Tears", qui sera d'ailleurs par la suite intégrée sous forme de bonus tracks lors de la réalisation de cet album "
Streetcleaner". L'album sera enregistré seulement un an après la formation du groupe à Birmingham en 1988. Lors d'une récente chronique du premier album de
Killing Joke j'avais rappelé qu'ils avaient été nombreux les groupes à voir et reconnaître dans
Killing Joke une inspiration directe, ou indirecte, ou simplement une direction artistique. Eh bien voilà
Godflesh, un groupe de plus dont un des leaders reconnaît publiquement une certaine filiation avec le combo londonien. D'ailleurs le nom premier du groupe était en réalité "
Fall of Because". S'il n'y a pas là un lien avec l'album "What's this for !" de
Killing Joke sorti en 1981 ...
Une première production je disais donc. Et cette première production est véritablement un coup de maître. C'est un peu, bien que dans un genre différent, une sorte de "
Monotheist" de
Celtic Frost avec plus de quinze années d'avance. S'il y a un lien entre ces deux oeuvres c'est bien dans cette atmosphère délivrée. Même en plein jour, sous un soleil brillant, s'écouter cet album revient à commander aux nuages les plus noirs de venir recouvrir le ciel et de transformer la lumière alors aveuglante en des ténèbres si enveloppantes qu'on ne distingue plus que de vulgaires ombres en lieu et place du paysage. Chez
Godflesh il en sera toujours plus ou moins ainsi. Aucun rayon ne peut filtrer à travers cette épaisse couche de nuages noirs. Il n'y a rien d'autre qu'un paysage dévasté et sombre qui tient lieu de décor. La seule lumière que vous pouvez espérer est celle projetée par la lueur du brasier. A l'image de celui représentant l'enfer dans le film "Altered States", duquel est tirée l'image de la pochette représentant des crucifiés qui finiront carbonisés, engloutis sous les magmas de lave projetés par un volcan en furie. Assez représentatif finalement de l'ambiance de la galette. L'alliance des ténèbres et du feu. L'image qu'avait sans doute en tête Broadrick quand il a composé.
Dès le premier morceau "
Like Rats" le ton est donné. La beat box impose d'entrée une rythmique lourde. Ce n'est pas une course à la vitesse ici. La voix rageuse est distordue par les filtres donnant l'impression d'être tout droit sorti des enfers. La basse finit d'assombrir le climat alors qu'une guitare en retrait contraste avec sa sonorité parfois perçante, presque stridente, renforçant le côté démoniaque de cette atmosphère. Tout ce climat ne cessera pas. Oppressant à souhait. Et sans fin. Ce n'est rien d'autre qu'un gros monolithe qu'on se prend dans la tronche. Dès fois on se dit quand même qu'écouter plus d'une heure de musique de cet acabit doit nous faire passer pour des dérangés tellement l'alliance des ténèbres et du désespoir est ici perceptible. Tout est lourd dans ce monde. La batterie, la basse, les riffs. Quand le plomb n'est pas en fusion on en a 20 kgs collés sous chaque semelle. Comme dans "Chrisbait
Rising", où le final du riff se traîne en longueur afin d'accentuer cette sensation. Ce titre est un peu surprenant d'ailleurs avec ses cris déclamés à la façon hip-hop. Rassurez-vous, c'est à peine perceptible. Rien de bien dérangeant donc, y compris pour ceux qui comme moi ne sont pas vraiment fans de ce style. On retrouvera cette influence hip-hop également sur "
Head Dirt".
Parfois la voix est plus lointaine comme dans "Pulp". Pourtant, toujours efficace elle transcrit bien cet univers de folie, sous les rafales industrielles de la boîte à rythme. Tourments et tortures, voilà ce qui s'en dégage. Un univers de suppliciés. D'autres titres sont plus "ambiant", si on peut utiliser ce terme. Car à partir de "
Dream Long
Dead" la voix se fait moins présente cédant l'espace aux instruments pour délivrer l'ambiance. Puis la lourdeur reprendra toute sa place sur "
Life is Easy". Sur "
Streetcleaner", les rythmes martiaux, et la guitare qui joue en symbiose avec la batterie pourrait rappeler plus tard
Fear Factory. La voix est proche de celles passées à la moulinette des filtres de l'Electro-Indus, et ici
Purement diabolique, nous amène tout droit en Enfer et les croix des suppliciés défilent devant nous. L'Enfer est grand ...
Sur "Locust Furnace", morceau le plus lent, on se traîne tel le condamné qui marche à l'échafaud. Un skeud à ne pas mettre dans les mains d'un dépressif ou suicidaire. S'agissant des quatre derniers titres bonus et bien je peux vous dire qu'ils ne sont pas pour une fois sans intérêt. Quatre titres de qualité qui correspondent à leur première démo. Que ce soit le "Tiny Tears" plus rapide, le plus martial et electro "
Wound" ou le groovy "Suction". Déjà cette transcription des enfers était déjà là, nettement palpable ...
Pour conclure je répèterai donc simplement que ce premier album est une réussite totale. Il est
Purement démoniaque, mais attention toutefois s'enfiler quatorze titres de cette teneur peut être dangereux pour la santé. On ressort de là complètement assommé et on regarde instantanément par la fenêtre pour s'assurer que la lumière est toujours présente. Que notre tour n'est pas venu d'affronter les enfers, pas encore ...
Note : 17/20.
Je me suis forcé à écouter "Streetcleaner" un paquet de fois, et j'accroche vraiment pas! C'est pas faute d'avoir essayé...
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