La souffrance... Il fut un temps où la musique était composée pour être belle, et significative d’une grandeur de l’esprit n’ayant d’égale que dans l’exécution de partitions complexes et savantes, irrémédiablement réservées à une frange élitiste de la population.
La souffrance…A l’orée du troisième millénaire, la musique est devenue une masse aussi large qu’informe, irrégulière boule de sons et de saveurs aussi disparates que peuvent séparer Bach d’une fanfare. L’urbain se mêle à une industrialisation de masse de la musique, délaissant un peu plus à chaque instant les éléments qui en firent un art noble fut un temps lointain. Il n’est plus question de complexité, d’émotions, d’intrisangeance ou d’art, mais d’un éternel et pathétique profit, d’un gain irrémédiable, d’une volonté farouche et suicidaire de se montrer dans une lumière illusoire et autodestructrice.
La souffrance…Mais il reste une frange d’artistes, d’architectes sonores, d’anticonformistes des notes, de visionnaires du son. Ils se trouvent dispersés un peu partout sur la planète musicale, beaucoup se retrouvent dans une frange avant-gardiste de la musique…une frange dans laquelle un certain
Devin Townsend apporta une légende pleine d’ambition à l’intérieur d’une âme profondément torturée, simple, humaine et honnête.
Un certain
Devin Townsend, qui traumatisa le monde entier coup sur coup, à travers les affres d’une brutalité extrême dans un "
City" inhumainement violent et démentiel, dans un "
Ocean Machine" à la beauté troublante et un "
Infinity" à la schizophrénie et la folie des plus déroutantes.
Puis la démence, la vraie, réelle…la psychiatrie, la divagation mentale, le traitement neuronal…la descente aux enfers. C’est dans un concept de rédemption, de haine, de colère et d’expiation que naquit "Physicist", opus violent sans réelle accroche, dévoilant un Devin épuisé et malade…avant un Terria qui emporta tout sur son passage dans un havre de paix, de beauté, de nature, de douceur et d’une certaine magnificence, une mélancolie à pleurer et surtout une sincérité déchirante.
Et la surprise…la stupeur…tandis que Devin avait publiquement affirmé que
Strapping Young Lad était derrière lui, que rien ne dépasserait jamais "
City" et qu’il était inutile de revenir dessus, que le groupe de son adolescence reprend vie, renait de ses cendres, dans un line up inchangé et pour toujours lié. Comment s’attendre à la résurrection d’un des chantres de la brutalité extrême et barge alors que le canadien venait alors de livrer son album le plus adulte, vision d’un homme semblant (tout n’était qu’illusion) alors en paix avec son âme. Ce qui devait alors arriver arriva…le syndrome "Physicist" fut de nouveau présent sur un troisième opus éponyme relativement fade et inconsistant, à la furie ne semblant que partiellement assumée (nous sommes loin de ce que deviendra le summum de la démence
Alien).
Une profonde linéarité se ressent dès les premiers instants, tandis que "Dire" introduit un disque tout d’abord moins bien produit que précédemment, profondément bordélique, aliénant mais ne touchant pas réellement son but, car trop fouillis, parfois à la limité d’un capharnaüm inaudible ("Rape Song").
Néanmoins, dans ce bordel semblant savamment organisé de cet esprit maladif si créatif (bien que le cerveau du monstre
Gene Hoglan paraisse également des plus dérangés…), on dénote des perles de barbarie à la créativité inouïe, sans pour autant ne jamais mettre un frein à la violence pure. "
Relentless", en à peine trois minutes, combine la plupart des éléments les plus jouissifs de
Strapping Young Lad, à savoir des blasts monstrueux, des riffs industriels et froids, un chant dément se permettant des incartades dans des clairs aussi troublant que déroutant, alors qu’une multitude de couches sonores abreuvent un esprit qui a parfois du mal à comprendre l’écrasante expérience qui se passe sous ses oreilles.
Quelque part, c’est un immense malaise que l’on ressent à l’écoute de certaines compositions aussi approximatives, comme perdues dans un vivier trop intense d’idées, noyées dans un surplus de créativité et une volonté malsaine d’extérioriser une haine belle et bien présente, comme le démontre un livret schizophrénique et cruel (les poupées d’enfants parsemées d’aiguilles…).
Si S.Y.L n’est finalement pas un album mauvais, il est néanmoins le moins marquant de leur discographie, marqué par un "Dirt Pride" par exemple renvoyant avec trop d’insistance aux "
Skin Me" ou "Happy Camber" de "
Heavy as a Really Heavy Thing" ou un "Consequence" ouvrant l’album de manière bien fade et peu inspirée.
Là où l’album souffre parfois d’un condensé sonore trop important, c’est lorsque les claviers se font plus présent que Devin subjugue, particulièrement sur un "
Aftermath" anthologique. On retiendra un riff de Jed Simon des plus monolithiques, des écarts mélodiques grinçants et surtout des vocaux hallucinés d’une beauté effroyable, entre schizophrénie maladive et beauté contemplative. Puis ce pont, cet apport futuriste et industriel dans les claviers, montant doucement en puissance pour une progression ultime, menée par un
Gene Hoglan métronomique et impressionnant de maitrise.
Et même si "Devour" se laisse déguster pour sa brutalité directe et ses ambiances quasi oniriques, surplombées par le cauchemar de Devin et des chœurs inhumains et bestiaux, ou si "Force Fed" dégage une violence et une folie jouissive, laissant apparaitre un vocaliste au bord du gouffre, près à se trancher définitivement les veines, il n’en restera pas moins que lors l’écoute complète, cette impression de toucher du doigt le divin ne ressort pas.
Devin y est fatigué, une nouvelle fois, absent de réels sentiments, sa tête n’étant malheureusement pas avec son cœur (plutôt du côté d’un "Accelerated
Evolution" en préparation à cette époque) et la déception est plutôt de mise après un "
City" culte parmi les cultes.
Ce troisième opus est donc clairement en demi-teinte, malgré quelques moments intenses, les sommets attendus reste loin devant. Reste, une fois de plus, un témoignage important de l’état d’esprit de Devin à ce moment de sa vie, un homme perdu dans son propre génie, ne sachant plus quelle direction prendre et tournant finalement à vide dans son surplus de divinité…ce qui le rend, peut-être, tout aussi indispensable que n’importe quel autre disque de cet électron libre musical, qui jamais, non jamais, n’a déshonoré sa sincérité dans son art. Jamais…
Alien qui suivra aura selon moi l'effet inverse, fou à lier, mais aucun contrôle.
Par contre je n'ai pas du tout aimé The New Black qui est pour moi l'album de la sénilité pour ce groupe, l'album de trop.
C'est un très bon album mais il est très en dessous de HaARHT et de City.
1 bon album bien mené, violent et joué de mains de maîtres.
s'il ne surprend pas....c'est souvent le fait d'une ecoute trop conséquente des opus precedents qui dictent probablement le jugement à tord....
cet album mérite 1 bon 14
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