Alors qu’Earache Records semble désormais tourner le dos au deathmetal durant ce milieu des nineties, perdant progressivement ses groupes phares sans recrue parallèle, il surprend pourtant avec la signature d’
At The Gates, transfuge de Peaceville Records. Ainsi fort d'un contrat en béton, le groupe d'Anders Björler réinvestit les studios Fredman durant l'été 1995 pour les sessions de son quatrième album
Slaughter of the Soul, une année et demie après son dernier passage, sous l'oeil bienveillant de Fredrik Nordstrom.
A la manière du virage de
Carcass sur son fameux Heartwork, l’une des pierres angulaires du deathmetal mélodique (n’en déplaise aux puristes),
At The Gates épure également la structure de ses morceaux, amorce déjà entamée sur son précédent mini-album
Terminal Spirit Disease. Ces derniers sont majoritairement articulés autour de quelques riffs, laissant de côté les constructions architecturales au profit de plans plus directs. Le groupe conserve toutefois la patte mélodique qui le caractérise, à la manière de ses voisins de Göteborg du moment, tel
Dark Tranquillity ou
In Flames (avant la chute douloureuse de ces derniers dans des bains aseptisés).
At The Gates frappe fort dès son premier titre, le mémorable Blinded by Fear, sur les riffs très percutants de Martin Larsson et Anders Björler, soutenus par les rythmiques rapides d’
Adrian Erlandsson et
Jonas Björler.
Plus direct, le groupe gagne parallèlement en agressivité, d’une part grâce à son riffing si meurtrier, mais également grâce au chant éraillé de Tomas Lindberg, définitivement rageur sur cet opus.
Sans perdre une once d’intensité,
At The Gates enchaine sur des morceaux dégageant cette même énergie, tout en mixant cette furie et ces mélodies fines si renversantes, renforcés par les soli intenses & éclatants du couple Björler / Larsson. Depuis le superbe moment d’accalmie d’Under a
Serpent Sun jusqu’à la furie de Nausea, aux accélerelations fracassantes, en passant par les harmonies entêtantes de
Suicide Nation et Unto
Others, le break acoustique de
Cold, ou encore par les interludes apaisants Into the
Dead Sky et The
Flame of the
End, chaque titre possède de surcroît l’élément qui le singularise et apporte toute la force à l’ensemble.
Visiblement très enervé,
At The Gates frappe un grand coup en cette année 1995, lâchant, n’ayons pas peur des mots, un classique de l’école deathmetal suédoise. Rageur, mélodique et entêtant, à l’instar du fabuleux
The Gallery de
Dark Tranquillity sorti cette même année,
Slaughter of the Soul s’impose ainsi sans conteste dans la discothèque de chaque deathster. La séparation de la bande des frères Björler peu de temps après reste certes regrettable, mais offre néanmoins l’avantage de conserver le mythe intact.
Fabien.
Petite info qui en intéressera peu j'imagine, mais au cas où... J'ai découvert en décortiquant le booklet que le titre éponyme avait été inspiré par la lecture de "L'Homme-dé" de Luke Rhinehart, roman américain subversif et passionnant sorti en 1971 que je me suis envoyé il y a quelques temps. Sous couvert d'une (fausse) autobiographie (on a cru plusieurs décennies que l'histoire était vraie), l'auteur prône l'Anarchie la plus totale et le rejet des codes de la société. Le personnage qui s'emmerde dans une petite vie bourgeoise décide un soir de beuverie de confier toutes les décisions de sa vie à un dé, annihilant ainsi tout son libre arbitre. Slaughter Of The Soul. A chaque décision qu'il doit prendre, il choisit désormais 6 alternatives (3 au moins doivent être "dangereuses") et s'impose de respecter le choix du dé, quel qu'il soit (5 : je quitte ma femme, 6 : je quitte ma femme ET je monte à l'étage violer ma voisine etc.). Le roman, sorti début '70s par un petit éditeur a rapidement trouvé son public qui le vénère et a fait de cette philosophie un mode de vie. C'est encore le cas aujourd'hui. Si le sujet intéresse certains, il suffit de taper Diceworld ou Dice Living sur YT pour tomber sur des reportages où l'on voit des baroudeurs expliquer où les a amené le Dé. Voilà voilà...
Sinon, j'ai personnellement moi aussi eu un peu de mal à rentrer dans ce disque que je trouvais relativement "générique" aux premières écoutes, mais j'ai fini par trouver la lumière.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire