Terminal Spirit Disease constitue assurément un tournant décisif dans l’approche musicale d’
At The Gates. Ses deux albums précédents étant tout à la fois des preuves évidentes d’un immense potentiel et des concepts ardus, complexes et difficiles d’accès, le death metal des Suédois avait l’impérieuse nécessité de gagner en efficacité et en impact pour s’émanciper pleinement.
Mais avant de rentrer dans le vif du sujet, et une fois n’est pas coutume, nous allons commencer par les choses qui fâchent.
Terminal Spirit Disease est dans un sens une véritable arnaque. Comment présenter ce disque comme un album full length, sauf à tromper l’acheteur ? La seconde partie du skeud n’est rien d’autre qu’un live, certes de qualité et intéressant pour se remémorer les morceaux les plus marquants des deux premiers albums d’
At The Gates, mais l’évolution stylistique et le contraste avec les premiers morceaux est tel que c’est une terrible faute de goût. Je ne suis pas fan des albums live, de toute façon. Et quand bien même on fait fi de cela, sur les 6 inédits restant, on doit compter avec une instrumentale acoustique, certes joliment composée et pleine de mélancolie (
And The World Returned), et d’un morceau passable, lent et besogneux qui devient dispensable au bout de deux écoutes (The Fevered
Circle).
Si vous comptez bien, la substantifique moelle de
Terminal Spirit Disease se compose en fait de 4 morceaux, pour un quart d’heure de musique qui vaut le détour.
A ce stade, vous pourriez vous poser la question de la pertinence du 16/20, vu le tableau...
Oui mais voilà, ces 4 titres... comment le dire sans pondre une longue litanie de superlatifs... et bien si je devais proposer un top 10 des meilleurs morceaux de death mélodique, les 4 y figureraient. Quatre joyaux qui justifient sans l’ombre d’un doute l’achat les yeux fermés de TSD, quatre perles qui frisent la perfection.
De l’introduction poignante de The
Swarm, violons et guitares vous filant la chair de poule, au refrain percutant et délicieusement riche en émotions de
Terminal Spirit Disease, en passant par les riffs dévastateurs et pourtant si finement ciselés de Forever
Blind ou de The Beautiful
Wound, jamais le death mélodique à la sauce suédoise n’a connu un équilibre aussi parfait entre agressivité, vigueur, subtilité, élégance et richesse émotionnelle. Comme si le potentiel des premiers albums avait été soudainement synthétisé en un tout cohérent d’une fluidité désarmante, avec l’utilisation très complémentaire des deux guitares sur des riffs en plusieurs dimensions, conférant puissance et élégance, percussion et beauté sauvage. La simplification globale des tempos utilisés (le blast disparaît au profit d’un tempo typiquement thrash sur les parties rapides) n’empêche pas les constructions soignées, qui gagnent en compacité et en force de frappe.
Le génie est bien là, dans la capacité d’
At The Gates à épurer sa musique sans en perdre l’extraordinaire richesse. Il en résulte dans ces quatre titres une atmosphère alternant avec beaucoup de justesse entre colère et mélancolie, d’une intensité à vous filer des frissons.
Doté en outre d’un son plus puissant et d'une exécution plus rigoureuse que ses prédécesseurs, le death d’
At The Gates atteint sans doute ici son sommet artistique, surpassant toute la concurrence en cette année 94.
Imaginez un peu ce qu’aurait donné un vrai album, bâti sur la longueur avec la même qualité intrinsèque... les regrets ne sont cependant pas de mise, puisque c’est (presque) ce que réalisera
At The Gates avec
Slaughter of the Soul l’année suivante, chef d’œuvre qui n’est plus à présenter. Presque ? Compact et furieusement efficace, celui-ci n’a pas tout à fait la petite étincelle émotionnelle du meilleur de
Terminal Spirit Disease. Dois-je sincèrement en rajouter ?
Quand au live, "Kingdom Gone" étant un de mes titres préféré, c'est du tout bon. Mais je trouve le choix de "The Burning Darkness" etrange. Ils ont tant de titres excellents de toute facon.
C'est vrai que grâce à ce petit Live, on entend la différence de style. J'irais pas jusqu'à dire que c'est une faute de goût...
Pour le reste, je crois avoir été plus enthousiaste que sévère :)
Terminal est une très bonne transition entre les structures alambiquées des deux premiers albums et le côté direct & percutant de l’excellent Slaughter Of The Soul. Il marque de plus le retour des violons et violoncelles, que j’avais particulièrement appréciés sur The Red In The Sky.
Seul The Fevered Circle se situe en retrait, Martin Svensson ne possédant pas la richesse d’écriture d’Anders Björler, qui parvient quant à lui à entremêler les mélodies avec une brillance époustouflante.
Enfin, je me tairai sur les lives. Ils ne m'intéressent pas plus que ça.
Bref, un At The Gates remarquable.
Merci de vos conseils judicieux, les aminches.
Fabien.
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