Le retour discographique des suédois de
At The Gates était un secret de polichinelle, mais donner un successeur à «
Slaughter of the Soul », album référentiel et véritable pierre angulaire du genre, n’est pas chose aisée, de surcroît, lorsque 20 années séparent les deux opus. «
At War with Reality », qui vient d’être lâchée par
Century Media, a été enregistré par Fredrick Nordström au Fredman Studio, mixé par Jens Borgen, produit et interprété par le groupe lui-même, qui n’a pas changé d’un iota.
Pour fêter le retour du prodige,
Century Media a mis les petits plats dans les grands, en publiant plusieurs formats de l’album et celui, possédé par votre serviteur, est magnifique, il est sous la forme d’un digibook avec livret de 40 pages, un patch et deux titres bonus. L’artwork est quant à lui, assez sobre et énigmatique, présageant, peut-être, d’une évolution musicale du quintette, accompagné d’une prise de risque certaine.
Après une introduction narrative et hispanique, relatant le thème principal du disque, qui tournera autour du réalisme magique, thème littéraire latino-américain, apparu dans les années 60, «
Death and the Labyrinth » lance les hostilités et nous entrons de plein pied dans ce nouveau cru. Ce titre est complètement à l’avenant de ce le groupe avait l’habitude de nous proposer avec une rythmique alambiquée, des riffs appuyés et une interprétation sans faille, cette composition nous place instantanément en terrain connu et s’inscrit complètement dans le moule de «
Slaughter of the Soul », cette composition n’est pas orphelin car le morceau titre, « The circular ruins », « The conspiracy of blind », « Eater of gods » ou « Upon pillars of dust » et l’attaque de « The book of sand (the abomination) » sont du même acabit.
Plutôt que de foncer dans le tas à outrance,
At The Gates essaie de varier les plaisirs en ralentissant la cadence, en proposant de gros breaks massifs («
Death and the Labyrinth » ou le refrain de « The circular ruins ») et en incorporant des atmosphères sombres comme sur « Heroes and tombs », le funéraire « Order from chaos », l’instrumental « City of mirrors » et «
Night eternal », cela confère à l’ensemble un aspect mélancolique, différence notoire entre cette dernière offrande et «
Slaughter of the Soul ». Mais, la mélodie inhérente au style qui a fait la réputation de
At The Gates, n’est pas en reste, jetez donc une oreille à «
At War with Reality », « The head of the hydra » ou « The conspiracy of the blind », pour ne citer que ceux-ci.
Côté interprétation, ce n’est pas une surprise, la qualité est bien au rendez-vous. La section rythmique fait office de centrale nucléaire, la manufacture à riffs tourne à plein régime et le père Tomas éructe à s’en arracher les cordes vocales dans son style si caractéristique et immédiatement identifiable.
Cependant, et peut être est-ce dû au fait que nous sommes repus de «
Slaughter of the Soul », selon votre serviteur, «
At War with Reality » n’a pas le même impact immédiat que son mythique prédécesseur. Même si certains morceaux ressortent inexorablement du lot («
Death and the Labyrinth », « At wat with reality », « The conspiracy of the blind », voire, « The head of the hydra »), l’ensemble se révèle, au fil des écoutes, assez plat, avec une grosse absence de moments forts et de réelles surprises,
At The Gates se reposant sur ses lauriers et proposant à ses aficionados ce qu’ils attendaient, avec une prise de risque minimale. Alors, bien sûr, ce disque comporte quelques mises en place d’atmosphères obscures, mais elles ne sont pas mémorables et amènent en plus, un sentiment de mollesse et d’ennui. Aussi, pour finir de noircir le tableau, sont à déplorer ici ou là, des longueurs (« The night eternal »), quelques riffs quelconques sans intérêt (« The book of the sand »), des mélodies bancales (« Order from chaos ») et quelques plans rappelant fortement certaines compositions de «
Slaughter of the Soul » (l’arpège introductif de «
Night eternal » renvoyant directement à « Into the dead sky »).
En fait, le réel souci de cet opus, est sa déficience temporelle car, aujourd’hui encore, 20 ans après son acquisition, et malgré le nombre pléthorique d’écoutes, mes cages à miel se réjouissent encore de «
Slaughter of the Soul » et y prennent beaucoup de plaisir, là où «
At War with Reality » procure en moi une lassitude certaine après seulement 15 jours d’écoutes intensives. Pour finir, victime de son succès et après avoir influencé un très grand nombre de combos, voilà que le maître, lui-même, n’arrive pas à s’extirper de la masse, c’est effectivement le paradoxe de la situation dans laquelle se trouve
At The Gates.
At The Gates signe, avec «
At War with Reality », un retour mi-figue, mi-raisin, qui ravira, assurément les inconditionnels du groupe mais la prise de risque frôle le niveau zéro et force est de constater que l’inspiration y est moindre, cet opus est moins accrocheur, manque de moments forts (point de titre aussi impactant que « Blinded by fear ») et de spontanéité, tout est calculé et rien ne dépasse. «
At War with Reality » n’est pas le bide de l’année, mais représente (pour moi) une semi-déception tout de même.
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