« L’éternité c’est long, surtout vers la fin »
Woody Allen
Quoi de mieux après avoir visité les affres de l’
Immortalité que de se pencher vers nos propres origines ?
Never looking back ? Et pourtant…
C’est probablement lorsque l’on pense qu’un artiste est au plus profond du gouffre qu’il tentera le plus résolument possible à démontrer que son savoir est éternel et que, surtout, il est plus vivant que jamais. C’est en travaillant à une œuvre impérissable que l’on devient éternel, dit-on.
Shaman fait partie de ces groupes à la destinée extravagante, né sous les cendres encore fumantes d’
Angra. Naissance provoquée d’un divorce commun et d’abord impensable,
Shaman se compose d’une charnière alors solide comme un roc, entre André Matos, le taulier Ricardo Confessori et le plus discret mais indispensable Luis Mariutti, où viendra se greffer son frère à la six-cordes,
Hugo.
Deux albums…deux légendes désormais, chef d’œuvre d’inventivité et de créativité pour l’un ("
Ritual"), d’émotion, d’intelligence musicale et de poésie pour l’autre ("
Reason")…puis le split, lui aussi inévitable mais plus incompréhensible.
Quelques années plus tard, personne n’a jamais réellement compris…
Reste que si André, aidé des deux frères, continua à voguer sous son propre nom avec un succès tout aussi relatif mais une importante désillusion musicale ("Mentalize" pour ne pas le citer), Ricardo Confessori décida courageusement de suivre la voie, non sans une certaine ironie de la part d’un Matos dont on ne sait aujourd’hui plus quoi penser.
Trois nouveaux membres…un album, "
Immortal", pour symboliser une vie qui n’est pas près de s’arrêter, des concerts, deux dvd…
Shaman désirait prouver qu’il était plus vivant que jamais. C’est aujourd’hui aux racines de cette vie qu’il désire revenir, en retraçant le périple véritable d’un jeune shaman, de la découverte de son don à l’apprentissage en passant par les cruelles épreuves de la vie.
"
Origins" était né.
Dès le premier regard, c’est l’onirique et magnifique artwork qui attire l’attention, prenant toute sa dimension lorsque l’on prend la peine de le déplier, le livret prenant la forme d’un immense poster. Ce bleu intense, évoquant celui du livret de "
Reason", tranche radicalement avec les couleurs agressives de son prédécesseur.
Plus froid, plus profond. "
Origins", sans représenter un nouveau départ, symbolise un line-up aujourd’hui soudé, n’ayant plus à supporter la pression sur ses épaules. Que de bonnes volontés…néanmoins, la magie des deux premiers opus reste bien loin.
Définitivement plus agressif et hargneux que jamais, "
Lethal Awakening" prend à la gorge l’auditeur dès les premières secondes, et s’installe comme l’un des morceaux les plus brutaux ouvrant un disque de
Shaman, à la technicité affolante, à l’image du riff d’ouverture monstrueux de rapidité, s’ouvrant rapidement sur une ligne mélodique typique d’
Angra. Thiago Bianchi reste dans la même veine que sur l’opus précédent, agressif et haut perché, parfois en décalage avec l’instrumentation mais montrant une détermination et une volonté salutaire. La production, réalisée par le vocaliste, se veut encore une fois très progressive, métallique et claquante, pas assez encline aux atmosphères probablement, même si on retiendra ici un final splendide, où Thiago s’envole dans des aigus qui, même s’il les maîtrise imparfaitement, marque justement par cette humanité imparfaite représentant parfaitement le concept. "
Inferno Veil" enfonce le clou avec un riff monstrueux, un beat de batterie proche du blast et une intensité que l’on n'avait encore jamais entendue chez les Brésiliens.
Leo Mancini se régale en distillant des riffs tous plus épais les uns que les autres, tandis que Thiago, sûrement plus à l’aise sur ce genre de morceau hyper-agressif, se veut complètement à son aise, dévoilant le spectre plus que large de son organe vocal. Des lignes de piano viennent se balader entre les riffs, indépendantes et volontaires, à l’instar d’un "
Distant Thunder" ou d’un "Tribal by
Blood"…pour conserver l’héritage. Et ce solo…
Alors qu’est-ce qui cloche ? Peut-être ce sentiment global de ne pas toucher du doigt le divin, de ne pas respirer la créativité comme avant, de ne simplement plus être génial mais « juste » au-dessus du lot. Le fardeau d’un nom sûrement trop lourd à porter.
Néanmoins, on ne retiendra presque que du positif. La superbe suite "Ego pt I" / "Ego pt II", rappelant les auditeurs aux bons souvenirs d’
Angra. Magnifique introduction aux percussions brésiliennes, ouvrant sur une mélodie superbe à la guitare et au clavier, montant rapidement en puissance (cette densité de jeu impressionnante de Ricardo, évoquant les meilleurs passages de "Holy
Land") pour se révéler une nouvelle fois très intense et agressive. "No Mind" développe également la même gamme de sensations mais commence à essouffler le schéma…tout est bien fait, bien réalisé, bien produit…mais que ce soit un Thiago parfois poussif, c’est peut-être ce manque d’émotion pure qui manque parfois (ce refrain n’est-il pourtant pas, une fois de plus, très beau ?).
C’est tout le paradoxe de ce disque, parfait objectivement mais qui, subjectivement, ne parvient pas à emporter complètement l’auditeur avec lui. "Finally
Home" retrouve les vertus du groupe, ses envolées lyriques, sa beauté naturelle, son ambiance dépaysante, étrange, « shamanique » dirons-nous, mystérieuse…Une mélodie, simple, pure, belle simplement…laissant cette sensation de légèreté, de bonheur et de poésie, particulièrement sur le plus beau solo de l’album, véritable merveille d’inspiration de Léo.
"S.S.D (Signed, Sealed & Delivered)" ferme l’épopée dans une sensation similaire à celle de "The Yellow Brick
Road". De quiétude…d’une pureté infinie. Là où la mélodie finale de flute de pan déchirait les tripes sur le final d’"
Immortal", ici ce sera, lorsque l’on pense que tout est fini, cette mélodie de claviers, sublime à pleurer, fermant ce morceau acoustique et très folklorique, prenant et beau, sur lequel Thiago s’y révèle complètement à ses aises, susurrant parfois ses mots, touché par la grâce.
Parfait ? Non.
Décevant ? En aucun cas.
Mauvais ? Il n’en est pas question…
Shaman vit simplement avec un patrimoine et une culture difficile à porter et pêche à concrétiser comme le fit
Angra avec son majestueux et (presque ?) parfait "
Temple of Shadows". Néanmoins, c’est encore un beau voyage que nous offrent les Brésiliens, et même si nous n’y retournerons pas forcément constamment, ça sera indéniablement une bouffée d’air frais bienvenue à chaque fois pour quiconque prend la musique comme un voyage, et un album comme une destination…
Bonne chronique l'ami, je pense qu'avec le temps mon avis rejoint un plus le tiens, mais Origins est certainement ce que les brésiliens nous on offert de moins intéressant.
J'ai bien aimé cet album, sans pour autant l'adorer. Après, je ne suis pas très connaisseuse du genre. Et oui, à la base, c'est surtout la pochette qui m'a tapé dans l'œil et qui m'a poussé à écouter ce disque. C'est plutôt rare que j'agisse de la sorte et Ô miracle, je ne suis pas mal tombée.
Donc voilà, un disque plutôt bon dans l'ensemble ... Qui fait effectivement voyager ...
La structure des compos m'a bien plu également.C'est bien fichu, faut dire ce qui est. Peut-être un peu trop répétitif à mon goût, pour ce genre de musique, mais ce n'est pas des plus dérangeants. Le chant se cale plutôt bien à l'instru, c'est très agréable ... Mais si je ne suis pas friande de ce type de voix.
On comprend qu'ils poursuivent leur petit bonhomme de chemin sans vraiment percer. Mouais, j'attendrai un peu pour le coup.
Merci à toi Ether
Ça reste du bon et ça s'écoute avec agrément =)
Merci à vous!
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