Jeudi 20 février 2003, nightclub The Station de West Warwick dans le Rhode
Island. C’est à cette date et en ce lieu maudit perdu sur les hauteurs de la côte est états-unienne que le légendaire groupe de hard rock californien
Great White doit investir aux alentours de 11 PM la scène de ce club rock situé au 211 de la Cowesett Avenue pour gratifier les amateurs locaux de hard rock made in 80’s d’un show faisant la part belle aux hymnes passés du combo à l’instar des mythiques «
Rock Me », «
Lady Red Light », «
Once Bitten, Twice
Shy » et autres « Call It Rock N’ Roll ». Le groupe à peine entré sur les planches et alors que commence tout juste à raisonner la rythmique du très efficace «
Desert Moon » tiré de l’album «
Hooked » ; le plafond de mousse surplombant la petite salle s’enflamme tel un ballot de paille imbibé d’essence à cause d’une mise en scène pyrotechnique inadaptée à la configuration spatiale du Station. Malgré la sirène retentissante de l’alarme à incendie et la présence légale de quatre sorties d’urgence aux quatre coins de la venue, le brasier emportera la vie de cent personnes dont celle du guitariste de
Great White Ty Longley. Hommage à ce groupe de légende et aux trop nombreuses victimes d’une énième et insolente tragédie rock n’ roll.
Great White se forme à
Los Angeles sous le nom initial de
Dante Fox en 1978 autour du vocaliste
Jack Russell et du guitariste Mark Kendall. Après une relativement difficile stabilisation de son line up avec les arrivées inespérées de Lorne Black à la basse et de Gary
Holland derrière les fûts, le combo donne son premier gig en 1981 entre les murs du légendaire Troubadour de West Hollywood avant d’adopter d’après une suggestion de son manager Alan Niven le patronyme de
Great White s’avérant être le surnom donné par Russell à Kendall en référence à son imposante et naturelle crinière peroxydée et à son goût immodéré pour le port de costumes blancs à la scène comme à la ville. Grâce à la parution en 1982 d’un EP autoproduit baptisé «
Out of the Night » qui sera l’objet de 8000 ventes en moins de trois mois, le Requin Blanc s’attire les faveurs de EMI America qui le signe et sort son premier album éponyme en mars 1984. Après avoir ouvert pour
Whitesnake au Royaume Uni et
Judas Priest en Amérique du Nord pour les ‘Slide It In’ et ‘Defenders of the
Faith’ tours,
Great White continue sa progression en signant sur Capitol Records. Suite à la parution en 1986 d’un «
Shot in the Dark » qui voit la critique assez mitigée quant à la teneur globale de l’opus et au remplacement de Gary
Holland par Audie Desbrow au poste de batteur et enfin l’ajout d’un second guitariste et claviériste en la personne de Michael Lardie, le désormais quintette hard rock de
Los Angeles sort son premier véritable album à succès le 17 juin 1987 sous l’appellation «
Once Bitten ».
« Thanks for the company and sex in strange places, in dark hours. No. She’s not a whore, just the face in the neon glow when the rest of the world has put a shade on the lamp… ». Tel s’avère être le commentaire inhérent au premier morceau du disque que peut avoir le plaisir de lire l’heureux possesseur de «
Once Bitten » à l’intérieur du booklet de ce dernier. Dès lors, nul doute que ce troisième album de
Great White s’agit bel et bien d’un opus de rock n’ roll traitant encore et toujours de passion physique et autres plaisirs propres au lifestyle « sex, drugs & rock n’ roll ». Ainsi, le titre «
Lady Red Light » constitue l’introduction sonore d’un disque qui d’un point de vue thématique avouons le, ne sortira en rien des sentiers battus pour au contraire se complaire tête baissée dans tous les stéréotypes ayant forgé l’identité d’un genre dont on ne se lassera vraisemblablement jamais. Qu’importe, «
Lady Red Light » pose les bases d’un hard rock brut et efficace empreint ci et là d’un imparable feeling roots/bluesy trahissant les influences indéniables du combo californien que sont les immuables
Led Zeppelin,
Aerosmith, The Who et autres déités absolues de la religion rock n’ roll. A une heure ou il fait bon mélanger la rigueur des riffs heavy metal à l’intempérance affichée du rock n’ roll justement et ce pour le plus grand bonheur de la bande FM et des labels assoiffés de billets verts,
Great White persiste et signe dans un registre alors old school tendant ainsi à le différencier de ses principaux concurrents. Sans néanmoins paraître has been, la bande de
Jack Russell prend un malin plaisir à distiller des morceaux structurellement simples, efficaces et directs dont il semble être impossible de ne pas accompagner quelques uns des refrains jusqu’à s’annihiler les cordes vocales. A ce titre, relevons les très bons « Gonna Getcha », « All Over Now », «
Mistreater » et autres «
Never Change
Heart » sur lesquels
Jack Russell gratifie l’auditeur de son timbre de voix on ne peut plus expressif rappelant incontestablement celui de l’anthologique
Robert Plant du légendaire Dirigeable pour lequel le Requin Blanc voue une admiration sans limite immortalisée notamment à travers le tribute album « Great Zeppelin : A Tribute to
Led Zeppelin » de 1998 édité sur le label français
Axe Killer Records.
Autre marque de fabrique de l’identité musicale de
Great White, le sens inné du riff et les soli relativement bien sentis de Mark Kendall qui à défaut d’être un virtuose de la six-cordes comme peuvent l’être les hallucinants Eddie
Van Halen,
George Lynch et autres
Steve Vai pour ne citer que quelques uns des plus gros branleurs de manche de la décennie 80, s’avère être l’homme de la situation lorsqu’il s’agit d’empreindre les titres de «
Once Bitten » d’une efficacité guitaristique à toute épreuve. Bien qu’étant un disque tendant à frapper l’auditeur de par un caractère global relativement direct et efficace, le troisième opus de
Great White présente néanmoins quelques morceaux inférieurs au reste de l’album qu’il conviendrait à juste titre de qualifier de dispensables et qui auraient certainement trouvé une place plus adéquate en tant que b-sides de singles ou sur une compilation de leftovers à l’image de l’intéressant « Collage » de
Ratt de 1997. Ainsi, il est assez difficile d’éprouver le même enthousiasme qu’au début de l’album à l’écoute des poussifs « Fast
Road » et autres « On the Edge ». Quintessentiellement antithétiques, ces deux titres se distinguent de par leurs rythmiques respectives qui contrastent avec surprise l’une par rapport à l’autre. En effet, alors que la bien nommée « Fast
Road » s’avère être sujette à un tempo soutenu assez maladroit qui conviendrait bien plus au heavy metal incisif d’un
Judas Priest qu’au hard rock d’obédience roots de
Great White, le peu inspiré « On the Edge » est quant à lui marqué d’un mid tempo haletant qui ferait presque passer les minutes pour des heures, constat d’autant plus prononcé et visible compte tenu de la bonne facture propre à la première partie du disque. Parce qu’un bon album ne doit jamais se clore sur une note négative et qu’il s’avère absolument inconcevable de donner naissance en 1987 à un opus de hard rock/glam metal dépourvu de ballade ; «
Once Bitten » tire son humble révérence via la somptueuse «
Save Your Love » indéniablement marquée du sceau de la beauté et de l’émotion. Cristalline, limpide ; cette innocente et naïve ode au retour d’un amour perdu irretrouvable est à placer sans conteste au Panthéon des ballades qui inexplicablement possèdent cette capacité irrationnelle de pousser l’auditeur à regarder sa propre existence et se recueillir solennellement au détour d’un arpège ou d’un solo sibyllin.
Troisième disque inspiré et efficace objet d’un hard rock imparable d’obédience roots, «
Once Bitten » s’avère être un album doté d’un charme indéfinissable et authentique qui à lui seul justifierait de le placer parmi les pierres angulaires du genre auquel on le rattache. Bien que présentant quelques maladresses et approximations qu’on saurait certainement lui pardonner compte tenu de la bonne facture globale de l’opus, «
Once Bitten » marque également l’auditeur de par sa fraîcheur à l’image de sa pochette qui n’est pas sans rappeler celle de « Innocence Is No
Excuse » de
Saxon paru deux ans plus tôt. Ayant atteint avec honneur la 23ème place du Billboard 200 et certifié 2x
Platinum aux Etats-Unis, «
Once Bitten » est à conseiller promptement tant aux simples amateurs de hard rock efficace et sans fioritures qu’aux maniaques invétérés de la scène hair metal pour lesquels son écoute revêtira la forme d’un énième voyage dans les bas fonds des clubs les plus sordides de Sunset Strip.
Bien entendu, je peux améliorer encore le rangement, mais pas tant que ça ...
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