D’une étonnante longévité, la carrière de Bleeding Though n’est pourtant pas un long fleuve tranquille. Entre ses deux séparations et les multiples départs de ses musiciens, la formation américaine a aussi vécu divers courants artistiques parfois radicaux. Alors que le groupe se révèle à la fin des années 90 au travers d’un metal/deathcore mélodique, celui-ci va le gratifier de ce qui va devenir sa représentation sonore future à savoir un clavier influencé par le black metal symphonique de
Dimmu Borgir.
Le milieu des années 2000 voit le premier tournant majeur du collectif et l’immersion dans un metalcore purement mélodique largement dirigé par Killswitch Engaged. Le combo va dans cette période goûter à ses principaux succès avec les albums
This Is Love, This Is Murderous (2003) et le très controversé
The Truth (2006). C’est à partir de 2008 et par le biais de l’opus
Declaration que les Américains vont définitivement revenir vers leur racines death et black metal, une réception globale en dents de scie.
Après ses deux divorces, le sextet se reforme en 2017 pour inaugurer l’année suivante son huitième disque
Love Will Kill All, toujours sous une forte inspiration death et black metal. Le retour du groupe américain sur le devant de la scène est assez discret et l’opus aura d’ailleurs un accueil plutôt mitigé, certains regrettant que les conventions musicales de la formation aient aussi peu évoluées au fil du temps. C’est donc dans une quête de réconciliation avec son public que Bleeding Though présente son neuvième ouv
Rage appelé sobrement
Nine. La maison de disques SharpTone Records, spécialisé dans le metalcore, a réitéré pour la seconde toile consécutive sa confiance auprès du collectif.
Sans forcément bousculer ses codes, la troupe américaine est pourtant beaucoup plus convaincante et aguichante dans son approche blackened ainsi que dans son abord symphonique. La production est la principale raison de cette résurrection puisqu’elle met en lumière des instrumentations grandioses et une perception presque irréprochable de chaque élément. Ces orchestrations prennent parfois une perception théâtrale et cinématographique digne des plus grands films d’horreur. C’est le cas par exemple d’un
Our Brand Is Chaos où l’atmosphère résolument morose s’intensifie par ces claviers majestueux à la
Cradle Of Filth lors du breakdown, dans l’optique de nous angoisser jusqu’à en suffoquer.
Certaines compositions s’éloignent quelque peu de cette mouvance blackened pour se concentrer sur le cachet nostalgique/old school du metalcore.
Dead But So Alive en est une parfaite illustration avec ces couplets agressifs aux riffs acérés, à la batterie frénétique et aux indémodables « BLEGH ». La frontière avec le deathcore est infime, en témoigne les breakdowns pondéreux et le chant parfois à la limite du growl.
Pour autant, au milieu de cette ambiance ténébreuse, les refrains apportent le rayonnement grâce à un riffing pur et à des prestations à la palette vocale claire. La seconde partie du titre voit sa claviériste s’illustrer par sa voix cristalline et harmonieuse, un souffle inattendu mais néanmoins bienvenue. Le solo de guitare qui précède cette section n’est pas en reste et amplifie ce tempérament mélodique et éthéré.
Bien qu’il parte d’une intention louable, ce chant féminin est régulièrement dans un contexte où il ne peut pas briller. Dans un morceau comme
Path Of Our
Disease, cette proposition vocale n’affiche aucune nuance ce qui la rend très conventionnelle, pour ne pas dire lassante. Au sein d’une atmosphère sombre, une voix rauque ou écorchée aurait certainement eu plus de retentissement. De manière générale, ces sections vocales épurées sont trop contrastées par rapport aux instrumentaux menaçants et sinistres.
War Time est sans conteste l’exemple le plus frappant par ses refrains aérés qui sont à l’exact opposé des couplets qui se veulent effrayants et mélancoliques.
Fort heureusement, cette écriture ne concerne que deux-trois titres et la formation américaine se rattrape largement sur d’autres compositions. Parmi elles, il est impossible de passer à côté de l’excellent I Am
Resistance en collaboration avec
Comeback Kid. Les accents thrashy, la dualité vocale, les blastbeats et les riffs chantants sont autant de qualités pour un morceau qui prend de multiples risques. Le solo de guitare est la cerise sur le gâteau, la fraction de la chanson qui la rend étincelante et même si l’influence black metal est moins soulignée (due à des claviers davantage en retrait), elle n’en reste pas moins sensible.
Avec
Nine,
Bleeding Through prouve qu’il est encore capable d’être engageant avec sa fusion unique de blackened symphonique et de metalcore incisif. Si ce neuvième album ne révolutionne pas vraiment l’identité sonore du groupe, il affine néanmoins sa formule et lui insuffle une production ambitieuse et une atmosphère immersive. Certes quelques choix d’arrangements vocaux peuvent diviser mais l’énergie brute et la puissance des compositions suffisent à maintenir l’attention. Cet opus doit être vu comme une référence de la part de la formation américaine, un nouveau tremplin de départ pour marquer les esprits et titiller les étoiles. Il marque également un véritable retour en force qui a le mérite de rappeler pourquoi le sextuor reste une référence dans son style.
"Blackened Symphonic Metalcore" les etiquettes ont encore de beaux jours devant elles. Très bonne chronique.
Les styles n'ont pas de limite pour certains groupes ... et c'est tant mieux ainsi car cela permet de belles découvertes comme celle-ci !
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