Début d’une ère nouvelle ou sempiternel recommencement d’un immuable cycle ?
La promesse de découvrir un nouveau visage ou d’en retrouver un qui me serait parfaitement familier ? ...
… Telles sont les questions que je me posais à l’énoncé de cet ambigu titre de "Nouvelle Lune", dernière et récente livraison des finlandais de
Swallow The Sun somptueusement illustrée de gravures qui l’on croirait provenir des siècles passés. La réponse apportée par le corps circulaire renfermé en ce packaging des plus cossus se situe à mi-chemin entre les deux pôles érigés par ces interrogations à la teneur ambivalente.
Le style développé par les six de Jyväskylä est certes immédiatement identifiable, puisant son inspiration dans le doom / death mélodique des old-
My Dying Bride et
Anathema, combinant à merveille la frappe de fer et la caresse de velours, faisant cohabiter le cauchemar ténébreux et le rêve cotonneux. Mais comme il est de coutume depuis leur tout premier et très réussi opus "
The Morning Never Came", c'est à force d'écoutes répétées qu'émane la sensibilité particulière de chaque nouvelle création. Ce fût le cas d'un "
Ghosts of Loss" extrêmement plombé et étouffant, se maintenant parfois à l'extrême limite du funeral, d'un "
Hope" plus contrasté et laissant filtrer quelques rayons d'une luminosité apaisante, de même qu'un "
Plague of Butterflies" à l'approche narrative aussi ambitieuse qu'aboutie.
Et ce dernier-né "
New Moon", sans révolutionner la marque STS, fait une fois de plus naître quelques germes inaccoutumés et révèle certaines pousses autrefois discrètes, tout en restant enraciné dans un terreau de grande tradition.
Ainsi, la polyvalence du chant de l'étonnant Mikko Kotamäki tend cette fois-ci bien plus à la mise en exergue des vocaux black metal, en témoigne la rude ouverture "These Woods Breathe
Evil" où son âpreté traduit pleinement l'esprit dément du criminel psychopathe dépeint par les paroles. Un morceau dans la directe lignée de "The Empty Skies" sur "
Hope" avec une facette black davantage développée. A croire que la multiplication des expériences de Kotamäki en la matière (
Alghazanth,
Empyrean Bane,
Funeris Nocturnum,
Verivala), loin d'étancher sa soif de hurlements torturés, l'a au contraire décuplée.
D'un autre côté, sa douce voix claire typée coldwave, toute en sensibilité et retenue, se retrouve également en place d'honneur, dominant les sobres mais néanmoins touchantes "Falling World" et "
New Moon", deux compositions à classer parmi les plus aérées et atmosphériques du répertoire des finlandais.
Quant au growl abyssal, bien que moins écrasant que jadis, il n'en a pas pour autant été relégué six pieds sous terre, parvenant à se tailler le bout de gras sur les titres les plus "calibrés STS" que sont "
Sleepless Swans", "…
And Heavens Cried
Blood" et "Servant of
Sorrow", les plus chargés en réminiscences du passé, bien que profilant la personnalité de ce "
New Moon", celle d'une richesse accrue.
Que ce soit les riffs telluriques, l’égrènement de la mélancolie pianistique ou des arpèges tantôt langoureux tantôt angoissants, que ce soit l’éploiement de raffinées orchestrations néoclassiques ou l'émergence épisodique de double pédale et blasts radicaux, tout concourt à encore accentuer des contrastes déjà bien marqués par le passé, grâce au travail d’orfèvre réalisé par le maître à composer Juha Raivio, particulièrement inspiré sur le monumental "Weight of the
Dead" voguant d'une ouverture mouvementée et symphonique à une clôture down-tempo soutenue par d'imposants chœurs gothiques, sans cesse rythmé par un clavecin nocturne.
Et que dire du troisième volet de la série des "Horror", le superbe "Lights on the
Lake" narrant l'histoire d'un père fou de chagrin à la perte de son épouse, morte en mettant au monde une enfant qu'il assassinera en la noyant dans un lac, la chanson s'articulant sur le dialogue entre le père meurtrier et l'esprit de l'enfant tuée. Une tragédie où les larmes des leads pleurants, l'innocence des notes acoustiques et la tonalité spectrale de la fragile voix de Aleah (partenaire de Juha Raivio dans
Trees Of Eternity) s'opposent aux cris haineux de Kotamäki, à ses grondements coléreux, aux tourbillonnants remous de riffs impitoyables et à la violence d'une rythmique impétueuse, tandis que le martèlement du piano et les pincements de cordes dessinent un décor fantomatique. Un moment d'une intensité émotionnelle rare.
L'indestructible
Swallow The Sun, toujours sûr de lui et fort d'un savoir-faire impressionnant, a su faire fructifier ses acquis pour proposer des évolutions intéressantes dans le canevas d'une tradition rassurante pour les adeptes du sextet finlandais.
L'arrivée de l’expérimenté Kai Hahto au poste de batteur en lieu et place de Pasi Pasanen n’a donc pas bouleversé la donne, bien que cet évènement (de taille pour un groupe à la stabilité aussi exemplaire) constitue leur premier changement de line-up en presque 10 ans.
Pas plus que la séparation d'avec leur ingé-son, producteur et ami de toujours Sami Kokko (le "septième homme") pour côtoyer le désormais incontournable Jens Bogren (
Opeth,
Katatonia,
Draconian,
Todesbonden, …).
Le guitariste Juha Raivio tient fermement la barre et il va très certainement falloir compter avec lui et son
Swallow The Sun dans les années à venir. Et s'ils continuent à nous confectionner des perles de la trempe de "
New Moon", je m'en réjouis d'avance …
Avec le temps, il ne me touche plus vraiment ..
A écouter avec modération en ce qui me concerne.
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