Les Suédois de
We Are The Catalyst n'auront pas attendu bien longtemps pour revenir boostés à bloc depuis leur discret et fragile EP «
Panem et Circenses » (2013). Cofondé par la chanteuse Catrin Feymark et le guitariste/bassiste/batteur et vocaliste Kenny Boufadene (tous deux ex-
One Without) en
2012, le quintet de metal mélodique gothique remet le couvert un an plus tard à l'aune de «
Monuments », premier album longue durée, sorti chez
Ferocity Records. Assistés du bassiste Joni Kaartinen, du batteur Hakan Strind, issus du même groupe d'origine, et du guitariste Kristoffer Andersson (ex-
Sonic Syndicate), nos acolytes nous mènent dans les interstices d'une œuvre à la fois charismatique, énergisante, énigmatique, sensuelle, profonde et jouissant d'une qualité de production désormais bien supérieure à ce qu'elle fut lors de leur premier effort, à commencer par un mixage plus ajusté et un enregistrement de bonne facture.
Pas moins de quatorze pistes égrainées sur un ruban auditif d'une heure nous sont dorénavant octroyées, où les compositions se sont techniquement solidifiées, atmosphériquement diversifiées, et les paroles affinées au fil du temps. Entrons dès lors dans le vaisseau amiral.
De prime abord, on ne pourra faire l'économie de titres émoustillants, d'inspiration metal mélodique gothique, minutieusement élaborés et restitués avec panache. Ce qui permettra au combo de s'éloigner véritablement de ses débuts tâtonnants. Et ce, à commencer par l'entame de l'opus. Ainsi, des riffs graveleux et une rythmique plombante nous attirent sur «
Fight for Air », vivifiante piste metal mélodique aux couplets finement ciselés et aux refrains catchy, entonnés par une Catrin au top de sa forme qui, de ses claires inflexions, suit un cheminement harmonique plus qu'engageant. Dans la veine de
One Without, on est prestement happé par la tourmente et jamais l'étincelle ne faiblira sur un morceau aux multiples rebondissements et éminemment taillé pour les charts. Pour sa part, le vrombissant et entraînant « On Your Knees », titre électro gothique, non sans rappeler
12012, fait onduler un serpent synthétique qui jamais ne nous quitte, sur une assise percussive martelante, à la régularité métronomique, étreinte par des riffs rugueux et frénétiques. On ne restera pas de marbre au contact d'une ligne mélodique aux incommensurables délices, la douce se chargeant de nous impacter plus que de raison, le long d'une alternance de luminescents couplets et d'enchanteurs refrains. Et le headbang n'est que rarement esquivé sur cette soyeuse plage incitative à une inconditionnelle adhésion. De son côté, le dansant « Time
Will Show » déroule sa rythmique enjouée et ses riffs acérés, pour une traversée aux enivrantes ondulations atmosphériques. Si les refrains se montrent un poil linéaires, les couplets sauront oeuvrer pour que l'attention jamais ne s'affadisse, au gré de frappes sèches et régulières inlassablement réalimentées par Hakan. La déesse complète le tableau en s'insinuant dans le corps de la piste, en tapinois avec un zeste de puissance. Enfin, l'entraînant « The Edge » nous projette au sein d'une souple rythmique corroborée à des riffs rocailleux, pour une agréable escapade au cœur d'un luxuriant paysage de notes, dans la veine d'un
Within Temptation de la première heure. Un break opportun surmonté d'un petit pont mélodique s'efface soudain face à la montée des eaux sur la crête du refrain. Ce faisant, l'instant posé regorge de vitalité et d'emphase couplé à des harmoniques taillées au scalpel. Dès lors, on commence à comprendre que les approximations techniques et esthétiques de jeunesse se sont envolées, la chrysalide s'étant désormais muée en papillon. Mais, le spectacle est loin d'être terminé...
Par moments, nos acolytes se sont montrés plus mordants, sans pour autant verser dans la surenchère en instants virulents, avec de belles réussites à la clé. Ainsi, le colérique « What You Are » fait rugir la lead guitare, crépiter les riffs, rougeoyer les fûts, tout en usant d'un tapping martelant. Sur des charbons ardents, la belle se fait rejoindre par un growler caverneux, évoluant de concert sur un chemin de traverses à l'ambiance peu sécurisante. Ce faisant, l'empreinte mélodique n'a pas été laissée pour compte, loin s'en faut, parvenant même à relever la sauce d'un plat déjà fort épicé. Un break opportun nous permet de souffler quelques instants avant que la piste ne se clôture progressivement.
Plus impactant, l'offensif « Change » met au coude à coude la belle et la bête au sein d'un étrange ballet, parallèlement à une rythmique syncopée, à des riffs corrosifs et à une lead guitare au picking alerte et aux accords ajustés. En outre, un tapping martial se cale au milieu d'une orchestration qui s'épaissit au fur et à mesure de sa progression, l'ensemble nous plaçant alors au beau milieu d'éléments se déchaînant pour mieux nous cingler le tympan. Surtout, les claires impulsions de Catrin font mouche où qu'elles se meuvent, dans une ambiance sulfureuse à la sauce
One Without, notamment à l'attaque du refrain, délectable moment s'il en est. On continue donc à déambuler dans un univers fringant sans que le combo y perde son âme, ni la nôtre...
Par ailleurs, le combo a veillé à ralentir la cadence pour varier son propos, et l'exercice semble, là encore, porter ses fruits. Ainsi, le rafraîchissant mid tempo «
The Void » offre un profond espace percussif, des riffs crayeux et une atmosphère un poil mystique, suivant un tracé mélodique aux charmes indéfectibles, avec de faux airs de
Within Temptation. Entraînant par le déploiement de ses couplets et immersif par le truchement de ses refrains, ce titre octroie une succession d'accords finement esquissés, non sans rappeler
The Flaw. De saisissantes montées en puissance parsèment une pièce où la lead guitare, par un joli délié, n'a de cesse de se mouvoir, assistant la belle dans ses frasques oratoires calées dans les médiums, avec quelques envolées subreptices en réserve. Même traitement pour son voisin de bande. Un serpent synthétique introduit « Under the Surface », puissant mid tempo metal mélodique gothique, sachant desserrer la bride au moment opportun. Foncièrement accessible, la ligne mélodique n'en recèle pas moins des trésors d'ingéniosité pour nous rallier à sa cause, et ce, non sans évoquer
Delain. Et la sauce prend, sans l'ombre d'une difficulté sur cette piste aux allures d'un hit. Des effets de réverb permettent à la jeune interprète de faire glisser ses vibes avec célérité, se faisant escorter par Kenny pour un échange poignant. Un break calme le jeu quelques secondes avant de se faire balayer par une explosive reprise sur la crête du refrain, redoutable d'efficacité. De son côté, le mid tempo « Our Way to the Sun », vibrant titre metal mélodique à la croisée des chemins entre
Autumn et
Within Temptation, se déploie sur des nappes synthétiques enveloppantes au gré de portées radieuses et aériennes. Un duo mixte s'inscrit dans la trame pour une romantique traversée, entrecoupée de growls en faction. Mais, rien ne semble pouvoir arrêter la machine une fois lancée, et nos émotions seront à nouveau touchées en profondeur, tant couplets et refrains se montrent à la fois veloutés, un poil corrosifs et mélodiquement puissants. Enfin, tout doucement, «
Don't You Worry Child » glisse tout d'abord dans nos pavillons alanguis, nous caressant par ses jolis accords et sa succulente ligne mélodique. Cette semi-ballade revêt alors l'aspect d'un mid tempo progressif, livrant une rythmique plombante et des riffs roulants, suivant un cheminement harmonique assez convenu mais plutôt bien charpenté. Fort bien agencé et restitué à la note près, avec une pointe d'inspiration, ce morceau n'en demeure pas moins impressionnant de brio eu égard à l'organisation de son instrumentation. Pour sa part, sans que l'on s'y attende, la sirène va jusqu'à tutoyer les notes les plus haut perchées qu'elle tient parfaitement sur la longueur. On est alors pris dans ses filets sur un titre aussi charismatique qu'attachant. Autant dire qu'on en aurait déjà pour notre compte. Mais, là ne s'arrête pas encore le voyage...
Le collectif suédois n'a pas non plus omis ses moments tamisés, sachant communiquer ses mots bleus, et ce, de deux manières différentes. Ainsi, un piano/voix nous ouvre les portes de « Every Minute Every Day », sensuelle ballade progressive à la rythmique originalement syncopée, où la déesse laisse glisser ses volutes oratoires, à la fois angéliques et délicatement éraillées, pour infilter nos âmes au point de ne plus s'en départir. Difficile de se soustraire au magnétique refrain, distribuant ses séries de notes toutes parfaitement harmonisées entre elles. Aussi, l'instant suspendu s'avère sensible jusqu'au bout des ongles, s'achevant, en prime, par une agréable dégressivité de l'intensité sonore. D'autre part, la troublante ballade progressive «
Not Alone » dissémine de lumineux couplets aux truculentes harmoniques et propulse d'hypnotiques refrains tout le long de cette sculpturale pièce d'orfèvre. Dans la veine de
Passionworks, la sirène module ses envolées au fil d'une piste délicatement composée, pour une heureuse ronde des saveurs. Se faisant rejoindre par son comparse au moment où l'instrumentation se densifie, le charismatique instant gagne en épaisseur artistique et devient quasiment imparable.
Dans un second mouvement, « A
Life a Lie » se cale, lui aussi, dans le sillage atmosphérique de
Passionworks. On découvre alors une power ballade à l'ambiance mordorée, aux harmoniques rigoureusement échafaudées nous assignant à résidence. L'élégance du tracé mélodique, quant à lui, rend l'instant proprement magique. La douce devient féline, déployant ses fines patines pour mieux nous enserrer dans ses griffes, notamment sur les souriants refrains qu'elle escalade avec une soufflante aisance, leur conférant ainsi une voluptueuse teneur. Bref, un instant de pure jouissance auditive. Enfin, «
Never Fall » se pose comme une touchante power ballade, dans le sillage de
Delain. Ce faisant, elle offre une lumière mélodique tamisée tout en jeux de nuances, servie par la jeune sirène qui, par un léger vibrato et sur une tonalité aérienne, remporte les suffrages. Assistée de choeurs, elle laisse le titre s'achever par un joli dégradé de l'intensité sonore. Et là, le rideau tombe sur l'écran.
Qu'a-t-on retenu de cette heure d'un metal mélodique gothique bien enlevé d'un groupe qui, désormais, souhaite gravir les échelons susceptibles de l'insérer parmi les valeurs montantes de ce registre ? Un groupe qui a mis les petits plats dans les grands, livrant un propos logistiquement et techniquement abouti, artistiquement plus affiné, à la mélodicité plus travaillée, distribuant un set ultra complet. Ayant appris de ses erreurs du passé, le combo a prestement relevé la barre pour octroyer une œuvre équilibrée entre moments offensifs et instants veloutés, ayant diversifié ses jeux oratoires ainsi que ses ambiances. Si l'on ressent l'ombre de
One Without planer ça et là, le collectif a fait évoluer ses portées sur chacune de ses partitions, sans pour autant rester rivé à ses sources d'influence. Signe qu'il appose déjà son sceau sur sa généreuse et remarquable galette, ayant, de surcroît, relevé d'un cran le niveau de ses prérogatives. On conseillera donc chaudement cette rondelle à tout amateur de metal mélodique gothique, atmosphérique et symphonique à chant féminin. A l'aune de ce gemme susceptible d'éveiller d'authentiques plaisirs, nul doute que la remise du couvert sera au rendez-vous. Et nos compères, mus par une inébranlable force créatrice, comptent ne pas en rester là. Selon votre humble serviteur, il se peut que leur retour sur le devant de la scène, à l'instar d'un second album full length, ne se fasse pas attendre bien longtemps. Ils y travaillent déjà. Affaire à suivre...
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