On sait aujourd’hui que la musique de film peut être envahissante plus qu'autre chose, surtout si elle cherche à ponctuer tous les moments émotionnels d'une oeuvre cinématographique. Les travaux de Howard Shore en sont un bon exemple, lui qui a pourtant su nous gâter avec une bande sonore bluffante pour les trois volets de l’adaptation de Lords of the Rings réalisée par le pas-toujours-très-subtil Peter Jackson. Et dans le microcosme
Metal, quels groupes, quels albums, quels morceaux isolés peuvent être un bon support d’imagination pour une lecture idéale des écrits de J.R.R. Tolkien ? Dresser une liste complète prendrait la nuit. Si on reste dans le Black
Metal des années 90, on tombera nécessairement sur
Burzum,
Gorgoroth ou encore
Summoning.
Minas Morgul fait suite à
Lugburz, debut-album enregistré alors que les chefs d’orchestre Silenus et
Protector étaient épaulés par le batteur
Trifixion. Le départ de ce dernier n’empêcha pas le duo de sortir très rapidement leur second effort studio mais en recourant cette fois à la BAR pour générer les percussions.
Passée une classique intro bien intrigante comme il faut, la colossale "
Lugburz" (le morceau, pas l’album) interpelle immédiatement : les secs riffs black et les pulsations des percus reviennent encore et encore dans une langueur martiale ; au loin, de brumeux instruments à vent et des coups de tonnerre résonnent ; l'armée du
Mordor passe les portes de la déchue Minas Ithil mais aussitôt en réponse, les vents et percussions des claviers entament un air de complainte médiévale ; guitares et batterie suivent le rythme : c'est "le passage de la Compagnie Grise". Nos deux conteurs poursuivent leur chant torturé, tels des shamans orques prévoyant et redoutant la chevauchée des fiers cavaliers elfes et humains qu'accompagne le fier Gimli.
Pendant tout l’album,
Protector et Silenus font pleuvoir leurs compositions minimalistes, entre des cordes distordues et des claviers reprenant les mêmes notes. Les breaks ambiants et les arrangements néoclassiques sauront apporter les quelques variations essentielles, de même que les ponctuelles accélérations des percussions.
Pour évoquer les contrées de la Terre du Milieu marquées par l'empreinte de
Sauron ou celle de
Morgoth (les noms des pistes "
Dagor Bragollach" et "Dor Daedeloth" trouvent leur explication dans le livre Silmarillion), l’instrumentation se fera majestueuse, parfois menaçante. Le mystère plane aussi ; "
Morthond" s'illustre ainsi par ses grandes nappes brumeuses.
Rien que "Dor Daedaloth" suffira à démontrer la maîtrise des Autrichiens à développer une fresque black atmosphérique, quitte à user ici d'un volontaire sous-mixage des guitares et d'abuser de longs slow-tempi pour les percussions.
Tandis qu' "
Orthanc" se veut une évocation instrumentale assez exotique, toutefois un peu surajoutée par rapport au reste, "
Dagor Bragollach" dénote de tout l'album comme thème ambiant chanté laissant les claviers à la manœuvre pour ressusciter les fantômes des guerriers tombés au combat. En ce qui concerne le piano de "
Legend of the
Master-Ring", je me refuse à l’évoquer davantage, sans quoi je verserais dans la vénération outrancière.
L'épique "Marching Homewards", le vertigineux "Ungolianth" n'hésitent pas à reprendre à la note près les riffs des morceaux initiaux, "
Lugburz" et "The Passing...", mais comme "
Morthond" et l'ultime morceau du disque, ces pistes sauront se distinguer par des notes de clavier scintillantes, telles des étoiles dans un ciel noir - l'image est naïve ? Et alors ? Bande de rabats-joie !
Quant au brutal "
Through the
Forest of
Dol Guldur", il prouve en un temps record qu’un air aux consonances épiques peut aussi susciter une intense tristesse chez l'auditeur grâce à son pétrifiant break que vient renforcer une guitare sèche ; un morceau qui annonce la sauvagerie du combat et les inéluctables ravages à venir dans les terres défiant le pouvoir du
Mordor.
Lorsque le disque redémarre, je me vois perché sur le dos d'un oliphant, sentant la démarche massive du pachyderme, scrutant le moment où la horde reformée lance à nouveau sa charge furieuse, mue par la crainte que lui inspire la Tour Sombre, dont elle est l'impitoyable servante.
Nul besoin d’attendre les albums
Dol Guldur ou
Stronghold : en 1995,
Summoning est déjà un maître de l'évocation.
Tous les albums de Summoning ont été à un moment donné mes préférés ^^ C'est ça que je trouve génial. Mais au final je préfère Dol Guldur, je crois, dont il m'a fallut beaucoup de temps pour l'apprécier vraiment.
Hmm en passant j'adore la démo de Morthond ^^
Minas Morgul est un très bon album où l'aspect épique qui se retrouve sublimé sur leurs albums suivants, est ici plutôt bien introduit.
J'apprécie tout particulièrement les titres "Morthond" et "Dagor Bragollach" mais l'album s'écoute mieux dans son ensemble.
Concernant les sonorités très synthétiseur, cela n'est pas insurmontable et ça donne un côté retro qui finalement permet de s'immerger dans l'univers sombre des Terres du Milieu.
Dol Guldur mais surtout Oath Bound sont mes albums préférés ;-)
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