Il n’y a encore pas si longtemps,
1349 étaient les maîtres incontestés du black brutal, chaotique et destructeur. Forts d’une trilogie phénoménale à la puissance, à la rapidité et à la violence démentielles (
Liberation,
Beyond the Apocalypse et
Hellfire sortis respectivement en 2003, 2004 et 2005) les Norvégiens dominaient fièrement la scène extrême et leur nouveau méfait était attendu impatiemment par une horde de fans dévoués et masochistes. Seulement voilà, en 2009 se produisit l’impensable, et la troupe menée par
Ravn décida de changer son fusil d’épaule, amorçant un virage à 180 degrés en proposant un black ambiant lent, glauque et rampant à des années lumières de leur art barbare et supersonique : traîtrise infâme pour les uns, changement de tactique judicieux pour les autres qui voyaient dans ce nouveau full length une attaque plus insidieuse, toujours est-il que
Revelations of the Black Flames divisa, et que le trône noir de
1349 fut fortement ébranlé.
L’année suivante, la troupe nordiste remettra les pendules à l’heure avec un
Demonoir apocalyptique et imparable, mêlant sa jouissive violence d’antan à sa nouvelle face ambiant sous forme d’interludes, sans oublier d’apporter son lot d’expérimentations sonores, un grand cru pour un
1349 revenu au sommet de sa forme. Ce
Massive Cauldron of Chaos est donc un album important pour les Norvégiens, puisqu’il s’agit de confirmer le retour gagnant opéré avec l’album précédent et de balayer les derniers doutes de fans encore un peu frileux au souvenir du déroutant
Revelations of the Black Flames et de ses trop nombreuses incursions ambiant dans ces terres black brutal dévastées.
Première évidence qui saute immédiatement aux oreilles à l’écoute de ces 38 minutes, l’agressivité et la rapidité sont à nouveau de mise sur cette nouvelle livraison,
Satan merci :
Cauldron, très martial, débarque tous blasts dehors avec de furieux riffs black en allers retours et les éructations haineuses de
Ravn et nous rassure brillamment sur ce point. Néanmoins, on constate que le son est plus lisse et clinique que sur les réalisations précédentes, donnant un côté plus froid et aseptisé à la musique de
1349 et fatalement moins immersif, avec une batterie un peu plus en retrait et des guitares certes claires mais moins abrasives et remplissant moins l’espace sonore : le tout est moins opaque, moins poisseux, les instruments se détachent plus distinctement et cela enlève une partie de l’aura sulfureuse du combo.
Deuxième remarque, et qui a son importance quant à la nouvelle orientation musicale du quatuor, les Norvégiens ont mué leur black explosif et chaotique au profond pouvoir hypnotique en une attaque plus basique lorgnant très largement du côté du thrash : cette influence est très présente sur les huit titres de la galette, en témoignent les couplets de
Slaves qui feraient presque penser à du bon vieux Sodom, certains riffs de
Postmortem,
Chained, ou
Golem, court brulot black thrash aux blasts solides et aux riffs certes classiques mais entêtants, avec ce putain de solo hurlant de rigueur. De même, on constatera que la voix de
Ravn est moins haineuse et hurlée que par le passé, plus froide et distante, sonnant de façon rauque et incantatoire, rappelant un peu le travail vocal d’
Abbath. D’ailleurs, on se prendra parfois à penser à
Immortal à l’écoute de ce
Massive Cauldron of Chaos, la musique sonnant très martiale notamment grâce à la prestation toujours aussi phénoménale de
Frost*************************** qui alterne roulements apocalyptiques, parties de double supersoniques et blasts écrasants, ainsi que certains riffs glaciaux fleurant bon les plaines du grand nord (
Exorcist, le refrain de Mengele’s, le grain des grattes de
Chained).
Certes, cette nouvelle orientation peut dérouter, et il est indéniable que
1349 perd une partie de sa magie cauchemardesque et démoniaque, ceci dit, rassurez-vous, l’essentiel reste intact, à savoir, l’agressivité ainsi que le côté direct et brutal de la musique, même si la haine et l’intensité transparaissent moins que sur les oeuvres précédentes.
Et pourtant… Il s’agit ici plus d’une évolution que d’une réelle mutation, car si on tend bien l’oreille, on pourra retrouver de ci de là ces riffs si typiques et ces ambiances sournoises et réellement infernales qui ont en partie contribuées à créer l’identité du groupe : des titres comme
Slaves s’illustrent tout particulièrement, avec un refrain plus typiquement black, au riff vicieux et rampant qui s’imprime sournoisement dans le cortex, avec cette mélodie imparable et ces voix déshumanisées et robotiques, ou bien
Postmortem, au début très lourd fleurant bon le death metal, riffs saccadés et double pédale en mode mitraillette à l’appui, explosant ensuite sur des riffs thrash simples et efficaces à dévisser les cervicales et des secousses de basse jouissives, irradiant enfin sa sombre lueur avec un superbe riff black boosté par un blast démoniaque à 3,21 minutes. C’est surtout sur les refrains que la horde s’illustre, mettant en avant des mélodies de gratte noires et insidieuses qui viennent contrebalancer la violence des blasts pour mieux posséder l’auditeur (
Slaves, Mengele’s).
A
Massive Cauldron of Chaos reste donc incontestablement un bon album, direct et efficace, montrant un groupe à l’assise technique toujours aussi irréprochable et qui se plait à évoluer dans de nouvelles sphères metalliques sans pour autant totalement renier son passé musical. Néanmoins, cette nouvelle offrande reste tout de même en dessous de la précédente, sonnant un peu plus convenue et accessible, et perdant une partie de l’aura dérangeante et blasphématoire si typique du groupe. Objectivement, c’est d’ailleurs la seule chose que l’on pourra déplorer :à propos de chaos, c’est plus une bonne casserole qu’un chaudron massif que nous servent les Norvégiens.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire