En
2012, avec
Eternal Recurrence,
Sear Bliss avait surpris ses fans. De gros changements dans la composition du groupe et une certaine envie d’évolution auront conduit le bassiste-chanteur-claviériste András Nagy et ses nouveaux compères à sortir un album expérimental aux sonorités nouvelles. Malheureusement, ce que cet album nous aura prouvé, c’est avant tout que vouloir évoluer à tout prix n’est pas forcément la meilleure chose à faire et que se concentrer sur ce que l’on sait faire est souvent la voie à suivre. Créatif, né d’une volonté sincère d’apporter quelque chose de neuf, mais pas inspiré pour un sou, insipide… Beaucoup ont été déçus par cette offrande. Puis, en 2018, le groupe revient enfin, après (encore) un jeu de chaises musicales, puisque András Nagy est à présent le seul membre ayant joué sur
Eternal Recurrence encore présent.
C’est avec
Attila Kovács et Zoltán Vigh aux guitares et Gyula Csejtey à la batterie qu’András Nagy se lance dans la réalisation de
Letters from the Edge. Le groupe est complété par Zoltán Pál, qui reprend du service avec son trombone, fermant la parenthèse trompette de l’album précédent.
Le constat est clair et sans appel : les expérimentations audacieuses, mais ratées du dernier album ont été remisées au placard. On retrouve sur cet album le
Sear Bliss que l’on connaît, dans un style quelque part entre la période
Grand Destiny et
Glory and Perdition. L’aspect cosmique que le groupe a développé avec le temps a ici disparu et l’on renoue un peu avec l’ambiance des anciens albums, mais avec le côté parfois grandiose des sorties plus récentes. Il va sans dire que le fan y sera en terrain connu et retrouvera le black metal atmosphérique et mélodique pour lequel les Hongrois sont connus.
Pourtant, que l’on ne s’y trompe pas : le groupe ne revient pas la queue entre les jambes pour proposer du réchauffé composé à l’arrache en priant pour que les fans reviennent. Oh que non ! Il est clair que les 6 ans qui se sont écoulés depuis
Eternal Recurrence ont été mis à profit pour peaufiner un album véritablement intéressant. Si la patte
Sear Bliss est reconnaissable entre mille, notamment en partie grâce au chant caractéristique d’András Nagy, l’album a sa propre personnalité et apporte son lot de petites surprises.
Que dire par exemple du titre
Seven Springs, qui respire l’espoir, étonnant de la part d’un groupe qui a fait de la mélancolie et de la tristesse son fonds de commerce ? On peut aussi aborder A Mirror in the
Forest, avec ses notes lancinantes de guitare, on peut parler du court instrumental menaçant At the Banks of
Lethe… Tout au long de l’album,
Sear Bliss dissémine des sonorités nouvelles, qui ne révolutionnent en rien son style, mais évitent qu’un sentiment de déjà-vu ne vienne envahir l’auditeur. Et surtout, cela démontre que le groupe n’était clairement pas en panne d’inspiration et que la flamme est encore là. Petit détail en plus : le chant clair, récurrent sur
Eternal Recurrence (hohoho) revient à la fin du dernier titre, Shroud, mais déjà bien mieux intégré et amené. Une petite surprise en plus, en somme.
Et le trombone, me demanderez-vous ? Comme à son habitude,
Sear Bliss l’emploie avec parcimonie, plutôt que d’essayer d’en mettre plein la vue. Que ce soit pour souligner certains passages (comme dans le refrain de Forbidden Doors, qu’il renforce efficacement d’une simple note menaçante) ou qu’il soit utilisé au premier plan, pour apporter des mélodies grandioses et classieuses, comme sur le pont de
Seven Springs, chacune de ses interventions est indispensable et parfaite. On peut en dire autant des claviers, discrets, uniquement ici pour distiller des ambiances comme
Sear Bliss sait si bien en faire.
Bref, avec
Letters from the Edge,
Sear Bliss renoue avec son passé, sans qu’on n’ait l’impression de se faire servir du réchauffé. L’inspiration est là, on retrouve des atmosphères mélancoliques soulignées astucieusement et sobrement par les claviers et le trombone. Si le précédent vous avait déçu, donnez une chance à cet album, il est fort probable que vous y trouviez votre compte.
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