L’écoute d’un disque se veut parfois éprouvante, parfois difficile, mais l’insoutenable est très rarement atteint.
Nous évoquons une frontière où la souffrance psychologique infligée par les sonorités d’un cercle de miroir devient néfaste pour la santé mental de celui qui se prête à ce jeu meurtrier, un point de non-retour, celui qui séparera à jamais l’avant et l’après de l’expérience.
En cela, la torture symbolisée par "La Sanie des Siècles" atteint une morbidité sans doute inégalable à jamais.
Tel un messager de la vision apocalyptique de ce que fus la démence du nazisme,
Peste Noire délivre avec ce premier essai une trace indélébile de la cruauté et l’inhumanité de l’homme, de ce qui le ravale au rang de la bête sauvage, charognards et misanthropes, les compositions de ce disque se feront l’écho d’une vérité que l’on ne peut qu’espérer à jamais enfoui dans un passé définitivement derrière nous…et pourtant…
Dire que
Peste Noire véhicule la haine des camps de concentration serait un euphémisme que je ne souhaite pas développer, car il s’agit de bien plus que de la haine.
A travers des rythmes lents, hypnotiques, aliénants et scarificateurs,
Peste Noire nous isole totalement du monde réel, telle une chute inexorable vers l’infini néant, l’oubli collectif d’une scène d’histoire figée dans un espace temps désespérément réel.
Les nombreux solos au tapping (d’une technicité déroutante pour le genre pratiqué) de l’infâme "Laus Tibi
Domine" rendent le personnage de Neige encore plus déséquilibré, à l’ultime limite d’une santé mentale semblant lui échappée, comme l’évocation de vers trop ignobles à conter.
Continuellement au bord du gouffre, proche de l’irrémédiable, les vocaux complètement déshumanisés transpirent la puanteur des crématoires, le terme « écorché » prenant tous son sens ici, chaque syllabe apparaissant comme le coup froid mais si précis et tranchant d’une lame de rasoir pénétrant votre peau fragilisée par l’extrémisme de cette expérience dite musicale.
Car si l’on devait ne serait-ce qu’effleurer la notion de musicalité de cette œuvre, on ne pourrait qu’être incroyablement surpris par le niveau autant technique que lyrique. La production, si inaudible d’ordinaire apparait ici d’une clarté aussi malsaine que le propos abordé par la plume poétique de Feu Cruel, rédigeant vers en alexandrins d’une noirceur sans commune mesure, hérité du père fondateur de la poésie moderne Charles Baudelaire, dont le "
Mort Joyeux" est un hommage. Ainsi, le titre "
Spleen", aux élucubrations presque mélodiques défini de manière musicale ce que le poète aura tant défini lors de sa vie de libertin et de transgresseur. Une saveur crue, infiniment belle se détache de solos aux allures expérimentales et ondulantes.
La technique utilisée lors de déchirants solos apporte la lueur malsaine de la connaissance, la croyance futile d’un espoir bien trop lointain pour qu’il symbolise la fin de la souffrance actuelle.
De même, la douce mélancolie introduisant "
Phalènes et Pestilence - Salvatrice Averse", est rapidement rattrapée par une saturation de l’atmosphère sonore et un chaos environnant vomissant une complainte emplie de déchéance et d’une violence aussi déchirante que nécessaire. Ce long titre, détruisant et ravageant l’esprit pendant plus de onze minutes, ponctué par des rythmes joués à l’orgue, apportant une dimension religieuse et si hypocrite à la démence humaine, ronge la peau, les muscles et annihile tout espoir, toute beauté pour ne laisser qu’un cadavre en putréfaction, un squelette décharné, une loque amère en proie à ses terreurs les plus profondes.
Le chant se fait prophétique, indéfinissable, infini. Il semble se détacher une aura de sa voix n’annonçant que le mal et le chaos, prenant vos tripes pour ne plus réussir à vous protéger des assauts sonores répétitifs du disque, tandis que les doux arpèges, disposés presque maladroitement en superposition des riffs ultra saturés, ne font que vous enfoncer dans une spirale infernale, laissant entrevoir un espoir de lumière pervertie la seconde d’après.
Ressortir indemne de cette écoute est absolument impossible, l’écoute du seul "Retour de Flamme" étant déjà une épreuve en soi. Au détour d’une rapidité d’expression supersonique et de vocaux lyriques hallucinés, de solos tranchant l’air de leur mesquinerie, d’un vocaliste tapissant une épouvante exacerbée dans notre crane dont se défaire devient une volonté de bien être, "Retour de Flamme" expose un catharsis semblant trop important pour un unique homme.
Un catharsis devenant autodestructeur sur l’étrange et mystique "Deuil Angoisseux", le vocaliste devant probablement autant souffrir que nous, le point de non retour étant cette fois atteint, cet homme ne pouvant continuer à vivre après pareille performance, animal, terrifiante et minablement humaine.
Et comment réagir à l’écoute du discours religieux, repris en fond par ce qui me semble être un lépreux ou un individu en fin de vie, nous obligeant à couper ce son insoutenable, simplement trop horrible et effrayant pour ne pas en pleurer.
Car une fois l’écoute terminée, une fois l’ultime "Des Médecins Malades et des Saints Séquestrés" écouté, que nous reste-t-il ? Ce dernier titre semble nous avoir ôté le peu qu’il nous restait encore, l’obstination aveugle d’un mensonge universel, devenant d’autant plus cruel que la véracité des textes nous est jetées en pleine gueule sans aucun ménagement, déployant le black metal underground le plus émotionnel jamais entendu.
Rien ne semble calculé, et si la musique souffre de très nombreux écarts et défauts, le but est bien loin d’être bassement esthétique, mais bel et bien émotionnel, dans sa définition la plus infecte et hideuse possible.
La lumière ! C’est elle que nous voulons voir à présent, en espérant le plus fort possible que la nuit ne soit pas encore tombée, que l’apocalypse n’est pas encore débuté, que le spectacle entendu ne sera pas la scène découverte…sous peine de l’irrémédiable.
Malgré tout, au fil des écoute j'ai ressenti pas mal de lassitude. Le gros problème c'est le manque flagrant de cohérence, ça part dans tout les sens, un assemblage sans queue ni tête de riff (dont quelques-uns excellent). Il n'y a qu'a écouter "Des Médecins Malades et des Saints Séquestrés", son intro est géniales, mais ensuite ça part en couille sévère.
Au final pour moi c'est un 12-13, pour quelques riffs et le morceau "nous sommes fanés".
Sinon bonne chronique.
Peste Noire excèle. Le guitariste est véritablement très bon. Ca nous détourne de l'ambiance malsaine.
Une chanson comme Hate de Belktre sur le split avec Vlad Tepes est réellement plus malsaine à mon sens que cet excellent album de Petse Noire.
En revanche, je rejette les valeurs nazies de ces groupes. Mais ce sont peut-être ces valeurs qu'ils ont qui rendent leurs musiques si haineuses, et grandioses d'un point de vue d'experience musicales et auditives.
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