"Au-delà bien, mal et black metal"
Il était une fois, en 2007, un groupe qui s'appelait
Otargos, et qui était attendu au tournant, c'est bien ça ! Car les Bordelais avaient su marquer les esprits grâce à un premier album efficace à défaut d'être pleinement original, permettant à leur "black brutal" d'évoluer vers un "black metal" surproduit à la
Dark Funeral, lui conférant un aspect froid et mécanique, accrocheur, secondé par des performances scéniques remarquées.
En réalité, en 2007, le Black
Metal est rongé jusqu'à la moelle par une tripotée de groupes qui pourrissent le domaine, versant soit dans le mélo, ambient, dépresso-machin "t'as-pas-les couilles-de-prendre-un-gun-et-de-régler-le-problème-vermine", soit dans un trip old school qui tourne en rond, et en rond, et en rond, sur des boucles d'un millimètre. Ces deux courants partagent un point commun au-delà de leur inutilité pathétique, ils embaument de la même façon. Alors que le parfum de la charogne fraîchement décomposée devrait empuantir à des kilomètres à la ronde, cette vaste sous-classe de coprophiles est annoncée par un nuage de merde infâme, se distinguant toutefois par un fumet vaguement nostalgique digne de participants à cette grande émission qu'était la Chance aux chansons. De fait, en réalité, en 2007,
Otargos, tout le monde s'en fout ! Sincèrement avec tout le respect qui leur est dû, que peut-on attendre d'un quatuor bordelais de metal en 2007 ? La Révolution ? Désolé
Gojira, nos chers Landais sont déjà passés par là !!!
Alors, qu'en est-il de ce
Kinetic Zero ? Le trip commence dès le titre si j'ai bien compris, la pochette n'est pas mal non plus : en effet, rien de bien distinct, mis à part quelques formes qui se détachent sur un fond multicolore censé stimuler l'imaginaire de l'auditeur, sans doute. Le genre de pochette qui prête à mille et une interprétations plus fumeuses les unes que les autres. En voici une digne de JCVD : dans la lumière comme dans l'obscurité, rien n'est défini, tout est en cours, et les deux ne font qu'un, d'où
Kinetic Zero. Deux indices pourtant peuvent nous apporter un début d'explication: Le logo du groupe demeure le même, un ossuaire bâti à partir d'un crâne, un pentagramme et des cornes. Et une citation : "No
God to
Save us/ No
Demon to
Fight / No
Power to Resist / No Issue at Last...".
Ma foi, tout cela me semble tout de suite plus clair, la symbolique de l'éphémère prenant un sens inattendu. La musique, quant à elle, ne s'embarrasse pas d'autant de tergiversations, et nous projette dans un metal extrême à la brutalité maîtrisée, toujours aussi froid mais prenant le risque d'inclure des éléments atmosphériques qui permettent d'ouvrir le champ d'action d'
Otargos, évitant l'écueil de piétiner à l'infini le même pré carré. Ne cherchez plus le black metal, car le propos ne se joue plus du tout à ce niveau.
Otargos a, comme qui dirait, décidé de prendre de la hauteur. En gardant une base similaire, une section rythmique puissante et dévastatrice,
Otargos se lance dans le cosmos et y apporte sa touche de chaos, par l'intermédiaire de riffs toujours aussi tranchants, mais dans une perspective autre que de broyer l'auditeur dans une mécanique implacable. Cette fois, il est question de le perdre dans l'inconnu afin de le forcer à vivre le détachement ultime, celui qui peu ou prou l'amènera à un nouveau stade d'évolution, sans Dieu ni Maître d'aucune sorte, que son nom soit prononçable ou pas, ou qu'il faille le démasquer dans le désert.
Pour proposer une telle épreuve, il faut un peu plus que quelques riffs bien sentis sur une rythmique marteau piqueur, et c'est tout l'enjeu de l'album, de construire un contexte et de le transfigurer musicalement. Comment ? Grâce à la rencontre, car si le binôme originel,
Dagoth et
XXX, a du métier et du talent, cela ne sera guère suffisant dans ce genre de défi sans que l'auditeur ne se donne les moyens également de vivre le processus. Le coup de force ici n'est pas de donner la réponse, mais de pousser l'auditeur à se déconditionner de son quotidien à travers des vagues sonores hypnotiques, démultipliées par des textes hermétiques au possible, qui renforcent cette atmosphère cosmique, lugubre et dématérialisée abolissant passé, présent et futur. Le concept est risqué, la démarche musicale également. Et, en creusant un peu, c'est l'introspection de
Dagoth, l'âme d'
Otargos, qui nous est dépeinte ici comme une étape de transformation, aussi personnelle qu'artistique.
Je vous arrête de suite, même si j'ai été touché par cet album, il n'y a rien de comparable avec
Darkspace,
Inquisition ou encore
Midnight Odyssey.
Otargos taille sa route à sa façon. Et comme souvent, il y aura ceux prêts à vivre le voyage avec son contingent de peurs, de doutes et de rencontres et ceux qui le consommeront comme ils se laisseraient bercer par les contes que grand-mère leur lisait étant enfants, sans autre intérêt que d'occuper un moment de leur existence inutile, ce qu'il ne parviendront pas à faire. Ces derniers se sentiront dupés, alors qu'avec un peu de chance, ils auront touché du doigt le non-sens de leur existence, sans parvenir à s'y résoudre. Encore une expérience à part.
"Kinetic Zero" et "Stygian Metamorphosis" nous mettent cependant une putain de raclée et j'adore le concept de privilégier le cosmos et cette poussière de chaire que nous sommes.
Le vocabulaire des paroles est cependant hallucinant de par sa complexité !
Ça veut jouer les Einstein mais ça en oublie un peu la composition Black Metal.
l'album est descendu en flèche et pourtant le chroniqueur lui accorde 15/20...
Enfin, mon avis n'est peut-être pas objectif, mais je prends personnellement un immense plaisir à l'écoute de cet album.
Ah, et le son bizarre au début, c'est la voix du héros de 2001, s'écriant, dans l'intro de 2010: "Mon Dieu, c'est plein d'étoiles", altérée par une sorte de distortion spatio-temporelle...
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