Nostalgie. C'est probablement ce mot qui m'a invité à chroniquer ce cultissime et premier album du jeune groupe qu'était
Otargos à l'époque. Après une première démo auto-produite et un MCD chez
Deadsun Records, les bordelais sortent leur premier album en 2005 et imposent clairement leur style :
"
Ten Eyed Nemesis" voit alors le jour dans les plus noires ténèbres... Comment se peut-il me direz vous ? Mais parce que celui-ci n'a pas besoin de lumière pour vivre... Une pochette digne d'un
Fear Factory, laquelle est accompagnée du même logo macabre des précédents opus, le tout dans des couleurs sombres...
Pas de doute, c'est du Black
Metal, mais semble t-il mélangé à quelque chose d'autre... Le cosmos ? Cela s'est déjà vu chez nos confrères helvètes de
Darkspace. Mais ici tout est moins obscur et minimaliste, ne serait-ce que par cette pochette futuriste et les titres en anglais. Commençons par le commencement, qui n'en est pas un...
Et je pèse mes mots. Car il pourrait sembler paradoxal d'ouvrir un album avec un tel titre que "Havocalypse". Même si "
Apocalypse" signifie littéralement "Révélation", ce mot est généralement employé dans un contexte de fin du monde, et forcément de mort imminente. Ici il s'agit avant tout d'un titre, un des plus joués lors des concerts qui viendront, le plus représentatif et probablement le plus connu du groupe. Quelques mots en guise d'introduction, eux aussi très célèbres, du moins par certains... "Maybe he's anti-
God, bringing darkness instead of light" (cf. Prince of
Darkness, ou tout simplement
Darkspace III pour ceux qui ne connaitraient pas.)
Puis tout démarre en trombe. Un rythme diaboliquement entrainant, des guitares lourdes et des solos rasant (ceux de
Dagoth et Kernuun, désormais absent du line-up), un chant abyssal, une ambiance des plus chaotiques... Ce premier titre a le mérite de tout détruire sur son passage. Pour ceux qui découvre, vous pourrez noter une grosse influence dark-funéraire très primitive (époque "
The Secret of the Black Art", titre éponyme repris très souvent sur scène).
Satan est bel et bien présent sur ce premier opus, mais à ses forces destructrices s'allient désormais celles du cosmos, vaste et éternelle force de la nature que l'homme ne pourra dominer.
"
Warmachine XXX", autre titre très célèbre du quatuor, continue cette déferlante de chaos sonore dans une vraie guerre thermonucléaire. Petit détail très significatif : une explosion sur la fin de la musique, illustrant parfaitement les thèmes traités ici.
Tout cela me fait songer que l'Enfer, au fond, n'est pas une pure création de la religion pour effrayer le commun des mortels et les rallier à son unique foi. L'Enfer est ici et maintenant, sur Terre, dans les bombardements incessants provoqués par les armées de l'Homme, dans les trous d'obus tout chauds fumants baignés de sang, dans les vapeurs de souffre empoisonnées, les bâtiments en ruines irradiés, la poussière et le feu ravageant les dernières traces de vie et étouffant les faibles lueurs d'espoir... Voici l'Enfer : une simple réalité terrestre, non un mythe ou une simple histoire faite pour effrayer les âmes sensibles et pieuses.
Cette guerre entre le Mal et le Mal reste sur les titres suivants la principale source d'inspiration du groupe qui nous mène dans une réelle
Apocalypse. De "Unaltered
Negative God" (retour du monologue utilisé sur
Dark 3.16, solos torturés proches d'un Kerry
King possédé) jusqu'à "Ironflames", les flammes infernales embrasent tout, les milliers de noms de
Satan surgissent, et avec eux des créatures diaboliques et immenses, sorties de ces trous béants, ces vortex et autres trous noirs, spécialement ouverts pour nous dans un Black
Metal qui ralenti par moments, mais qui reste globalement acharné et d'une violence propre à son espèce.
C'est donc sans difficulté que les amateurs de musique extrême peuvent se pencher sur cette première production très talentueuse, au sommet de ce que pouvait produire
Otargos dans ses débuts. Même les pvristes de Trve Black
Metal norvégien peuvent ouvrir leurs oreilles et leur âme à cette boule de haine et de noirceur qu'est "
Ten Eyed Nemesis". Un son très propre - trop peut-être ? - pour un résultat des plus satisfaisants, loin des images mystiques, bibliques et magiques qui opposaient Dieu et
Satan au Moyen Âge. Loin de tout pentagramme et autres croix renversées, loin de la première vague de Black
Metal de la fin du millénaire dernier, mais d'une efficacité sans précédent.
++
Chronique publiée depuis
http://www.myspace.com/_razort_
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