"You must enter the nuclear portals of the electric castle!", tels sont les derniers mots du narrateur (Peter Daltrey, la "voix" de l'album) à la fin de la piste d'introduction de ce troisième album d'
Ayreon, le projet du multi-instrumentaliste hollandais
Arjen Anthony Lucassen. Difficile de faire plus aguicheur… mais en même temps, prendre la peine pour une fois de faire ce qu'on nous dit sans réfléchir au lieu de faire la forte tête en vaut largement le coup. "
Into the Electric Castle" fait suite aux deux premiers albums du projet, qui ont permis à A. Lucassen de se faire mieux connaître, ou en tout cas de mieux faire connaître son projet, car il était déjà dans le circuit avec d'autres groupes comme
Bodine ou
Vengeance depuis le fond des années
1980. Et bien qu'ils soient bien fournis niveaux idées et compositions, les morceaux de "
The Final Experiment" (1995) et "
Actual Fantasy" (1996) semblent parfois manquer d'ambition et de conviction, mais ceci est réparé avec le troisième opus. Il se présente sous la forme d'un double album, contenant dix-sept pistes pour presque 1h45 de musique. Paru initialement chez
Transmission, il sera réédité quelques années plus tard par
Inside Out / SPV. Et au niveau des invités, l'équipe se compose de noms connus et d'autres qui se feront connaître par la suite (rappel, nous sommes alors en 1998) : Damian
Wilson de
Threshold, Anneke van Giersbergen de
The Gathering, Sharon den Adel et Robert Westerholt de
Within Temptation ou encore Thijs van Leer de Focus…
Cet album est considéré par beaucoup comme un (des) chef d'œuvre du hollandais hippie (avec "
The Human Equation" de 2004), mais qu'en est-il au juste ? Alors certes, il ne bénéficie pas encore des listes d'invités prestigieux que le projet fera défiler sur ses albums futurs, mais qu'importe, les noms ne font pas tout le travail. Là où cet album est intéressant, et en tout cas surpasse les deux précédents, c'est qu'il va plus loin dans l'expérimentation, de sons, d'influences, d'ambiances, d'instruments… On retrouve bien évidemment ce qui sera la marque de fabrique Lucassen, comme ces passages planants, psychédéliques, délivrés par des claviers inspirés du rock prog' des années 1970 qui retrouvent une seconde jeunesse au travers de ses compositions. Alliés à des guitares acoustiques qui, si elles ne sont pas toujours présentes, ne sont jamais loin, on navigue en terrain relativement connu, à savoir un space-opera-rock prog' presque-mais-pas-tout-à-fait metal, mêlé à des nappes de claviers parfois à la limite du symphonique, bref, un genre toujours aussi difficile à décrire précisément tant il est riche et différent d'une chanson à l'autre. Le plus de cet album, c'est l'ajout sur quasiment toutes les pistes d'instruments divers et variés donnant des sonorités presque folk par moments, ou lorgnant vers le "médiéval" pour d'autres (beaucoup d'instruments à cordes et de flûtes). Mais aussi, et le sous-titre de l'album "A Space Opera" prend tout son sens ici, ce sont les dialogues entre les vocalistes sur une même piste, qui se passent le micro et enchaînent leur parties chacun dans leur style qui correspond à leur rôle dans le concept (parallèle faisable avec "
The Human Equation" de 2004, "THE").
Passage inévitable quand il s'agit de Lucassen donc, un concept se pose en trame de l'album : un groupe de personnages venant d'horizons différents (un Romain, une Egyptienne, une Indienne, un montagnard, un chevalier, un homme du futur, un hippie…) se retrouvent ensemble sans vraiment savoir pourquoi, et chacun interprète les événements qu'ils vont vivre à sa manière. La quête du
Graal, l'enfer pour avoir pêché, un trip hallucinatoire… Un beau bazar en perspective. Pour encadrer le tout, une "voix" (par pitié évitons tout amalgame avec quelques programmes de télé-réalité bidons, cet album est sorti il y a presque 15 ans !) qui guide les personnages, mais parfois ils sauront s'en méfier plutôt que de s'y fier aveuglément. Elle leur donne l'objectif d'atteindre "The Electric
Castle" et de découvrir ce qui s'y cache…
Il est toujours assez compliqué de classer ce genre de musique dans une case, l'album dans sa globalité n'est d'ailleurs presque pas metal au final, comme peuvent l'être "Flight of the Migrator" ou "
01011001" d'
Ayreon avec ce son rapide, massif ou puissant. Non, ici c'est vraiment un voyage plus léger que nous propose
Arjen, les titres portent bien leur nom d'ailleurs comme "Amazing Flight", ou "
Garden of Emotions". Sur le premier on se prend vraiment à voyager dans le ciel et l'espace, thèmes récurrents du projet, avec des sons qui portent par leur légèreté et leur clarté, mais en même temps on ressent cette profondeur qui laisse paraître le vide qui nous entoure. "
Isis and Osiris" est dans le même esprit. Sur "
Garden of Emotions", sur fond calme de guitare et claviers simplistes mais efficaces, la superbe et douce voix d'Anneke van Giersbergen (l'Egyptienne) répond aux délires du hippie (
Arjen Lucassen, tiens donc…) au milieu d'orchestrations de cuivres majestueux mais pas envahissants. Le tout entrecoupé de passages torturés où les guitares électriques se réveillent en compagnie du Romain et du barbare qui discutent énergiquement de comment sortir de ce "jardin des émotions"…
Anneke revient nous envoûter sur la très belle chanson "Valley of the Queens" en compagnie simplement d'une guitare acoustique et d'une flûte (et de quelques claviers discrets). Un temps de repos mérité avant l'entrée dans le château électrique, "The
Castle Hall". Ce morceau mêle passages calmes et plus énergiques, rapides et posés, avec un Damian
Wilson qui sublime le tout de sa voix si caractéristique, qui colle très bien à la musique. Sur la dernière partie du morceau, on a droit à un dialogue entre les instruments qui reprennent la même mélodie (guitares/flûte) très entraînant. On retrouvera d'ailleurs ce type de dialogues sur d'autres pistes de cet album, mais aussi plus tard sur l'album "THE" dans une version encore plus poussée sur la piste "Day Eighteen: Realization".
D'autres titres intéressants sont "Across the
Rainbow Bridge", "
Tower of
Hope" ou "the
Two Gates". Avec un son plus lourd, des tempos plus rapides, et des vocaux scandés plus puissants au lieu d'être "simplement" chantés, ces morceaux redonnent un peu de fougue à la musique qui a parfois tendance à s'assoupir à force d'enchaîner les parties planantes… C'est grâce à eux que l'on peut intégrer le mot metal dans le genre de l'album…
Un album plus ambitieux que ses grands frères, et cela paye. On se retrouve avec un ensemble très varié, de par la multitude de vocalistes et d'instruments présents, ainsi que par les manières de les exposer, et on peut même ajouter à la liste la diversité de thèmes et univers abordés via les différents personnages. Les 1h45 peuvent paraître un tantinet longues, et dans de rares occasions on aura des petits "coups de mou", mais cela est largement compensé par la richesse des compositions qui réussissent à rester homogènes tout en étant colorées de plein de manières différentes. Malgré ce "melting pot" très bien mené et réussi, dire s'il s'agit ici du meilleur album ou non d'
Ayreon est difficile, tant chacun de ses albums possède sa personnalité et son histoire (concept) propre, mais il est sûrement, et je me répète, le plus varié de la discographie, en explorant un peu toutes les voies qui seront ensuite reprises plus individuellement par chacun des albums suivants du projet. Il est donc, par la même occasion, un album à conseiller aux néophytes pour découvrir l'ampleur de ce qui se cache derrière le nom
Ayreon…
18/20.
@krakotte: Si on y regarde bien, cet album et THE sont très semblables, même le concept est au final la même idée de voyage intérieur/dans le temps. J'aime bien les deux, ma préférence va à THE je ne le cache pas, mais celui ci a un côté expérimental, et presque naif, là où on sent que sur THE tout est fait comme prévu, carré... Et je préfère aussi l'autre chronique ;)
Je me souviens de ma première écoute en suivant les paroles et la mort de l'Egyptienne m'avait particulièrement ému. Celle de Sharon avec les vocaux Death est très bien faite aussi. Sur un titre il y a comme une ambiance de Western c'est excellent! Sinon, la voix du Barbarian me fait penser à celle d'Hendrix : j'adore ce type de chant un peu "roots".
Cet album est une pure merveille de Metal Progressif,inventif et varié.
On ne s'ennuie pas une seconde à l'écoute de ce chef d'œuvre, avec des titres de la trempe de " Isis and Osiris,The garden of Emotions et Cosmic Fusion est ses growls.
Pour moi un incontournable du genre !
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