À chaque nouvel album, le cerveau de
Ghost, Tobias Forge, assume une personnalité différente, passant de Papa Emeritus à Papa Emeritus II. Vint ensuite le troisième du nom, suivi par le
Cardinal Copia pour en arriver aujourd'hui à Papa
Emeritus IV.
Bien qu'il ait révélé son identité (un peu forcé par les circonstances) il y a quelques années, Forge a fort heureusement réussi à maintenir un air de mystère autour de son groupe, notamment grâce à ses musiciens d'accompagnement masqués nommés « Nameless
Ghouls », ainsi qu’à un scénario continu qui laisse constamment les fans se demander quel est le prochain chapitre abordé par le Pape diabolique et ses ouailles.
Il faut également souligner que depuis leur tout premier disque, le son de
Ghost a changé et évolué au fil du temps.
De fait, le précédent opus, «
Prequelle », a reçu beaucoup d'avis mitigés pour être plus considéré comme du
Metal Disco-pop. Alors, certes, la plupart des fans n'étaient pas dérangés, mais beaucoup voulaient que les membres reviennent à leur son originel et notamment celui des albums «
Opus Eponymous » et «
Infestissumam ». Leurs exigences ont été entendues par le diabolique père et sa secte musicale, mais comme souvent, ce que le diable dit n'est jamais promis à cent pour cent. De fait, Forge a subtilement ajouté une étrange touche années 80 au grand dam des puristes pour cet opus, mais force est de constater que cela fonctionne plutôt bien !
En effet, la plus grosse différence au niveau thématique entre «
Prequelle » et «
Impera », est que le premier cité s'intéressait surtout à la peste qui prévalait au Moyen-Âge européen à contrario du deuxième qui raconte plutôt des histoires se déroulant au 19ème siècle, et, pour ce faire, Tobias Forge a déclaré avoir puisé son inspiration dans un livre nommé : "The Rule of Empires". Cet ouvrage traite de la montée puis, finalement, des échecs et de la chute inévitable des empires. Bien que «
Impera » ne soit pas un album conceptuel et que chaque chanson ne parle pas strictement d'empires, il y a beaucoup d’allusions à la politique actuelle et une remise en question certaine quant à notre place actuelle dans la civilisation.
«
Impera » est sans aucun doute un énorme pas en avant par rapport à «
Prequelle », voire l'un des meilleurs disques du combo suédois. En effet, celui-ci est encore un peu plus accessible et plus léger par rapport à leurs deux ou trois premiers albums. Privilégiant le rock au metal dans la plupart des cas, ce n'est pas un défaut compte tenu de son unification et de son excitation, et bien qu'aucun travail créatif ne soit parfait, il est difficile de trouver un seul moment terne ou un faux pas entier.
Ce cinquième évangile de la bible satanique de nos compères s’ouvre avec le premier chapitre nommé "
Imperium", qui sert d’introduction au chapitre suivant : "Kaisarion". Sa signification vient de l’allemand pour désigner le mot « empereur », donnant directement le ton sur le sujet abordé avec un démarrage en trombe de cris et un travail de guitare ressemblant au groupe Queen. Ensuite, il met en place le sujet principal susmentionné avec des rimes charmantes et détaillées : « Kaisarion, une prophétie racontée / Nous construisons notre empire à partir des cendres d'un ancien ». Il s’agit-là d'un morceau qui ne surprend pas trop. La chanson est groovy et accrocheuse comme l'enfer avec de douces mélodies, des riffs, des voix, ainsi que des chœurs mémorables. C'est un titre qui aurait aussi pu figurer sur les albums précédents et qui met l'auditeur de bonne humeur d'entrée de jeu.
S’ensuit "
Spillways", débutant par une partie de piano "Abba-esque" où les « goules » commencent à jouer une musique plus douce et plus mélodique. S'il y a une chanson qui se rapproche le plus de la perfection rock/pop de "
Dance Macabre", c’est bien celle-ci, tandis qu'à l'opposé, "Call Me Little Sunshine" se compose d’un riff de base très sombre et restant assez simple, mais le refrain est tellement accrocheur et positif que ce message satanique apparaît presque comme un persiflage venu de l’album «
Infestissumam ».
Le deuxième chapitre, "
Hunters Moon", est clairement l'un des meilleurs morceaux de «
Impera ».
Non pas que le combo satanique fasse quelque chose de vraiment nouveau ; néanmoins, il combine beaucoup d'éléments
Hard-Rock et Pop dans une chanson très explosive et mémorable, dont l'impact grandit à chaque écoute. Un parallèle peut être fait avec le titre "Respite on the Spitalfields". En effet, beaucoup de riffs de guitare vraiment déchirants soulignent un triste message d'adieu. On peut y voir quelques similitudes avec "
Life Eternal", tiré du précédent méfait de nos maléfiques Suédois.
"Watcher in the Sky" peut également rentrer dans cette catégorie, car elle a la particularité rarissime de débuter directement par un refrain assez accrocheur et dont l'air semble de toute évidence destiné au grand public.
Un petit verset nommé "
Dominion" sert d’ouverture au troisième chapitre, "Twenties". Il convient cependant de préciser que celui-ci est à l'opposé de l’intro "
Imperium" parce que "
Dominion" est lourd et sombre, avec des cornes qui le font presque ressembler à un chant funèbre. La piste est courte et il n'y a pas grand-chose de remarquable à propos de celle-ci, à l'exception de l'atmosphère qu'elle crée.
Bref, une ouverture parfaite pour le titre suivant. Ici, le quatrième du nom compare la période tumultueuse de l'Allemagne des années 1920 à l'Amérique des années 2020. Les similitudes de la chute précipitée des deux pays vers l'autoritarisme et la mort de la démocratie sont si effroyablement similaires que la chanson devient diaboliquement ambiguë. Chante-t-il sur le national-socialisme, le Trumpisme ou les deux ? De manière intelligente, Papa laisse l’auditeur en décider.
Après la tempête, vient le calme, et quoi de mieux qu’une grande ballade sincère et plongeante !
Portant le doux nom de "
Darkness at the
Heart of my Love", elle n'est peut-être pas aussi percutante que "
He Is" ou "
Life Eternal" des albums précédents en termes d'arrangements musicaux ; néanmoins compte tenu des événements des deux dernières années, les paroles de ce morceau frappent durement les gens dans leur cœur. Ne vous méprenez pas, la musique de cette chanson est incroyable et vous pouvez la sentir jusque dans votre âme. De fait, les solos de guitare vous transportent ailleurs mais cependant, si ce titre devait être directement comparé à "
Life Eternal", ce dernier l'emporterait.
Enfin, le quatrième et dernier chapitre de cet ouvrage se conclue magistralement avec "Griftwood", dont la musique amusante donne envie de danser. Composée de paroles remplies de dévotion et de sacrifices sombres, nous avons-là un beau classique du groupe en devenir, à l’opposé de "Bite of Passage", dernier des intermèdes instrumentaux d’une durée de plus ou moins 30 secondes.
De nouveau, il n'y a pas grand-chose à en retenir si ce n’est l’atmosphère qu'il crée en si peu de temps, à la fois lourde, sombre et percutante, nous dévoilant l’ultime paragraphe de cet évangile : "Respite on the Spitalfields", qui nous gratifie de guitares carillonnantes à un splendide refrain explosif apparenté à un autre riff gigantesque.
Alors que la plupart des chansons semblent désigner le point de vue de l'empire, à l'inverse, celle-ci se détache et nous montre le point de vue du peuple enfin réveillé et prêt à partir en guerre. Comme lors de toute Révolution, c’est lorsque le peuple se rend compte que son empereur est aussi vide que les promesses qu’il a faites que le bon peuple anéanti décide de renverser la monarchie en place. C'est la chanson parfaite pour terminer cet album car c'est beau et presque plein d'espoir.
Conclusion, ce cinquième méfait mérite des ovations ! Si les fans pensaient que «
Prequelle » était quelque chose de différent et d'inattendu, ils se trompaient complètement. En effet, «
Impera » l’est tout autant, et c’est ce qui se passe lorsque Tobias se déchaîne dans ses créations. Personne ne peut nier qu'il y a un génie musical émanant de cet homme.
Dorénavant le constat est simple, il est clair que
Ghost a progressivement échangé sa base
Metal traditionnel contre des tactiques Rock'n'roll accrocheuses depuis «
Meliora », et force est de constater que ce changement est devenu durable !
Développer ce qui vient d'un album précédent, changer de tactique d'écriture, et donner plus de profondeur est ce qui nous amène vers des albums de plus en plus fascinants. Il s’y passe beaucoup de choses, et la moindre concentration du combo sur la direction qu'il prendra dans le futur pourrait vraiment faire des merveilles.
Définitivement, il semble que l’écriture de Forge fonctionnera toujours de manière surprenante et impressionnante. Vous ne pouvez pas découvrir cet album en une ou deux sessions d'écoute pour vous en imprégner, cela demande beaucoup plus de temps pour y entrer pleinement.
Bien que ce ne soit toujours pas son « opus magnum » aux yeux de tous, personne ne peut nier que le groupe a fait un pas de plus vers une popularité de plus en plus grande ; état de fait dû au constat que
Ghost est sur une sacrée lancée en termes de musique, de réputation sur scène et de la façon dont les fans ou ceux qui les découvrent se sont investis dans leur mythe. Bref, la grandiloquence théâtrale de «
Impera » ne pourrait pas avoir plus de sens.
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