Si je devais citer un groupe, un seul, qui ne ressemble à aucun autre, radicalement différent, et totalement singulier, ce serait
The Gathering, sans le moindre petit soupçon de doute. Les Hollandais menés par la charismatique Anneke van Giersbergen représentent pour moi et certainement beaucoup d'autres gens l'un des groupes les plus originaux des deux dernières décennies. Il est très difficile de dire à quel autre combo ressemble
The Gathering (peut-être un petit peu
Lacuna Coil), et qui leur ressemble. C'est la définition d'un groupe original.
1995, arrivée de la diva Anneke au sein de la formation batave, et changement complet de style. Peu peuvent se vanter d'avoir sorti un album ayant eu un impact aussi important que
Mandylion. Immense succès ensuite, avec des morceaux quasi-divins, les
In Motion, Strange
Machine … Mais ils n'en sont pas restés là, et
Mandylion a vu la sortie de petits frères et petites sœurs, nommés
Nighttime Birds,
Souvenirs, ou encore le très étrange
If_Then_Else, dont il est question ici.
Étrange, le millésime 2000 de
The Gathering l'est sous bien des aspects. Le visuel d'abord : aucun lien n'est à faire avec une autre pochette du groupe, simplement parce que toutes sont différentes. On peut juste penser à
Souvenirs, pour ce qui est du flou, mais la comparaison s'arrête là. On a donc devant nos yeux ce qui semble être un couloir de métro aux heures de pointe, pas très romantique (quoiqu'il paraît qu'il y a parfois des moments de grâce, allez savoir). Le titre donné à l'album lui aussi peut attirer la curiosité ; pour moi c'est juste le nom d'actions dans un programme de calculatrice, chacun ses références.
Les Néerlandais commencent en puissance, avec le très justement nommé
Rollercoaster (qui signifie en anglais montagnes russes). Si l'on peut entendre au début du morceau des sons électroniques ainsi que quelques paroles, on ne se laisse pas avoir pour autant, car peu après arrivent les guitares, lourdes et aériennes à la fois, avec un son très saturé, comme d'habitude. Par dessus tout cela ce pose la voix d'Anneke, sérieuse, mais enjouée et très chaleureuse. Le refrain est d'une beauté renversante, laissant apparaître avec le chant un effet d'écho magnifique, tandis que la guitare propose des sons étranges mais fascinants. Les guitares se voient sur ce titre accompagnées par deux fois par des sonorités belles et mystérieuses, probablement créées au synthétiseur.
Le premier morceau est un condensé de mélodies aériennes et chaleureuses, et c'est cette chaleur qui est nouvelle sur cet album, et on la retrouvera dans pratiquement tous les titres de
If_Then_Else. Le chant d'Anneke s'est lui aussi amélioré, il est devenu encore plus amical, plus sensuel, ce qui confère à l'auditeur une sensation d'intimité reposante, par exemple sur
Analog Park "In the garden, in the park, on a bench …". Si la voix a toujours été, inutile de le nier, l'élément le plus important de la musique de
The Gathering (notamment avec la prestance de la diva), les autres instruments ne sont pas en reste. Les guitares mettent en place des ambiances fabuleuses, vives et aériennes, propres à faire voyager quiconque se laisse entraîner par leurs douces mélodies. La basse contribue elle aussi à l'atmosphère créée, avec un son très rond et doux. Quant à la batterie, celle-ci s'occupe simplement de soutenir l'ensemble avec des frappes sèches et claires, ainsi qu'un juste dosage entre cymbales et grosses caisses.
Et c'est ainsi que continue l'opus, avec le heavy et légèrement progressif Colorado Incident, un des morceaux les plus étranges probablement, en compagnie de Beautiful
War. Ce dernier laisse le champ libre à diverses expérimentations instrumentales, comme l'apparition de cuivres (qui reviendront de temps en temps dans les albums suivants de
The Gathering). Bad Movie Scene fait lui aussi la part belle aux essais et à une nouvelle petite dimension progressive, le morceau étant divisé entre une partie douce et calme au début et à la fin, et une partie légèrement typée hard rock au milieu avec un son de guitare très 70s. Shot to Pieces suit la logique du premier titre, tout en puissance, avec un rythme un peu plus rapide. Aux deux-tiers du morceau se trouve un passage mystérieux et fascinant, où Anneke chant assez grave (ce qui peut rappeler Strange
Machine) : "I come from nowhere", répété en boucle.
Amity peut aisément être considéré comme l'un des plus beaux titres des Hollandais. La voix d'Anneke colle une fois de plus parfaitement à la musique, au rythme binaire en fond, soutenu cette fois des sonorités très atmosphériques au clavier, qui donnent un sentiment de sérénité absolue. La fin de l'opus laisse entendre une petite baisse de régime (attention, pas une baisse de qualité), à la suite d'un très joli
Saturnine, agrémenté de délicates touches de violon.
Morphia's Waltz et
Pathfinder s'occupent de terminer l'album tout en douceur et en beauté, avec sur le premier un chant tellement calme, que l'on croirait Anneke murmurer à notre oreille.
Il n'aura fallu à
The Gathering qu'un seul album pour acquérir la célébrité et la reconnaissance, mais ils n'en sont jamais resté là. Ils ont continué à chercher, et à repousser plus loin les limites de leur imagination. Et cela a donné par la suite de magnifiques moments d'émotions, à travers toute la discographie du groupe, sans jamais de temps faible.
If_Then_Else apporte sa pierre à l'édifice, instillant peut-être une sorte d'intimité nouvelle avec l'auditeur, qui atteindra son paroxysme sur
Home.
If_Then_Else est un disque qu'il faut prendre le temps d'apprécier, mais surtout se laisser entraîner, lentement, dans un voyage rempli d'émotions ...
Un très bel album, dont on ne se lasse toujours pas 20 ans après. Un peu de douceur dans un monde de brutes, sans être gnangan ou sombrer dans le commercial minable pour autant. Une belle chronique qui décrit très bien ce que représente l'écoute de cet album.
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