Le début des années 90 vit nombre de formations Thrash
Metal changer (plus ou moins) leur fusil d’épaule : soufflés par le succès grandissant de scènes concurrentes, tel le grunge ou le Death
Metal, la plupart des groupes de premier comme de second plan prirent le risque de décélérer le tempo puis de proposer un son et un style différents.
Overkill n’a pas échappé à ce mouvement.
Avec
I Hear Black, le groupe new-yorkais a poursuivi, encore une fois, ces expérimentations techniques. En effet, ce qui frappe l’oreille dès les premiers titres de ce sixième album, c’est à la fois les sonorités et le rendu général des instruments : exit le son propret des deux disques précédents et place à une production et un mixage plus approximatifs ; exit également la totalité des racines Thrash originelles et place à des rythmiques groovy plus prononcées et plus lentes que celles d’
Horrorscope (qui font parfois pensées au Cowboys from
Hell de
Pantera) ainsi qu’à une forte influence bluesy dans les arpèges de la basse de D.D. Verni et les guitares de Herritt Grant et Rob Cannavino. Pour renforcer encore cet effet d’austérité, Bobby " Blitz " chante moins dans les aigus et le livret propose une mise en page rustique : paroles et crédits écrits en noir et blanc et, qui plus est, à la main avec des ratures, comme s’il s’agissait de textes écrits à la hâte. Et pour toute illustration, nous avons seulement droit à une photo, elle aussi en noir et blanc, du groupe réuni sous la voûte d’une église...
De fait, les compositions sont, comme toujours, très variées, et révèlent leur lot de surprises : un émouvant et rythmé " World of
Hurt " à la fin en boucle, un mélodique et ambiant " Shades of
Grey ", un angoissant interlude "
Ghost Dance ", un "
Undying " aux vocaux réverbérés... Mais si la majorité des titres arrivent à générer une ambiance pesante, il serait un peu exagéré de dire que l’album soit une réelle réussite.
D’abord en raison de son côté hétérogène : le groupe semble jouer sur deux tableaux à la fois, puisqu’il envoie de temps à autres quelques retours en force, tels le rythmé "
Spiritual Void ", le catchy " Weight of the World " ou le saccadé " Just Like You ". Sans dire que le choix de l’enchaînement est mauvais, on peut douter du choix de titres somme toutes assez disparates.
De plus, une question surtout se pose : le jeu du nouveau batteur Tim Mallare, qui a remplacé le très percutant " Sid " Falck, est-il un atout ou une faiblesse de l’album ? Que les accords soient volontairement rendus très secs à l’écoute via une production délibérément lo-fi, pourquoi pas ?!? Mais difficile toutefois pour l’auditeur lambda d’apprécier le son de la caisse claire de la batterie quand elle domine nettement la basse et les guitares, notamment sur les lourds " Feed My
Head " ou "Ignorance & Innocence". Manque de rigueur technique ou choix artistique ? La question reste ouverte...
En un sens,
I Hear Black est à
Overkill ce que Persistence of Time est à leurs collègues new-yorkais d’
Anthrax : un disque relativement lent, sombre et « sérieux », assez éloigné de l’aspect pêchu, épique ou défouloir des premières réalisations du groupe si on excepte deux trois titres cités plus hauts. En résumé, une œuvre atypique dans le parcours d’
Overkill, qu’on pourrait qualifier soit comme expérimentale soit comme un album relativement raté, marquant simplement la transition définitive du style du groupe du Thrash originel au Groove
Metal ; tout dépend si on apprécie ou non cette prise de risque/ce virage stylistique douteux (rayez la mention fausse). Il est toutefois assez révélateur que " World of
Hurt " ou "
Spiritual Void " soient pratiquement les seuls titres de cet album à avoir été régulièrement joués en live par le gang new-yorkais.
... Pardon ?
I Hear Black, le " Black Album " d’
Overkill ? Allons, allons, amis thrashers, ne soyez pas si amers et vindicatifs ! Si ce disque ne vous plaît pas, vous pouvez toujours tentez votre chance avec le suivant "W.F.O", plus direct et rythmé.
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