« L’espèce humaine est le moyen qu’a l’univers pour se comprendre lui-même »
Carl Sagan
L’être humain. A l’heure où il est de bon ton de descendre en flèche l’humanité pour son hypocrisie, pour son autodestruction, pour son appétit vorace des ressources et son avarice totale, que ce soit dans les médias, sur les réseaux sociaux (elle est bonne) ou dans les fictions,
Nightwish en a décidé autrement. Plutôt que d’aller dans ce sens d’aversion et de misanthropie, c’est vers l’espoir et l’appétence créatrice de l’homme que les finlandais (irlando-hollandais également) se sont tournés. Aller à contre-courant, comme souvent. Malgré les aprioris,
Nightwish n’a jamais cessé d’aller de l’avant, de créer, d’innover et de placer le metal symphonique au panthéon de la musique contemporaine, repoussant certaines limites culturelles que certains pensaient fermées à jamais. Si les adorateurs évoqueront les pérégrinations néo-classiques d’un "
Oceanborn" ou d’un "
Wishmaster", croisant un metal finnois à des vocalises d’opera à cette époque insensées, d’autres penseront à un "
Once" qui repoussa les limites du metal dit symphonique en collaborant non pas avec l’orchestre de Prague comme il est souvent de bon aloi (ou de Barcelone) mais avec le mythique "
London Studio Orchestra", ni plus ni moins que celui qui enregistre les bandes originales des plus gros blockbusters américains (Pirates des Caraïbes, Le Seigneur des Anneaux,
Inception, etc ...). Un "
Once" qui, avec "
Ghost Love Score", écrivait un titre mythique qui pouvait s’inscrire comme l’archétype du genre, une perfection qu’il serait si difficile d’effleurer dans le futur. Sans réécrire les changements de chanteuse que tous connaissent,
Nightwish est aussi à l’origine d’un album qui servira de support à un film ("
Imaginaerum"), projet pharaonique qui aboutira à une soundtrack différente de l’album pour boucler la boucle. Tuomas a également chercher à conter les mystères de la création de la vie à travers l’immense "The Greatest Show on
Earth", long de 24 minutes, nouveau monument archétypale de tout un genre, dans lequel la participation exceptionnelle du biologiste Richard Dawkins en tant que guest narratif pour citer son propre ouvrage.
Musicalement et c
Onceptuellement,
Nightwish poursuit l’héritage de "
Endless Forms Most Beautiful" en puisant son héritage dans la science et le comportement humain, ainsi que dans la Planète elle-même. Le titre "
Human : || : Nature" prend alors tout son sens. D’abord en forme d’antinomie, puisque chacun des deux disques de l’album évoqueront l’un puis l’autre, puis sous la forme d’une fusion pour la compréhension totale de l’œuvre.
Tuomas Holopainen n’a désormais plus rien à prouver. L’effort du disque précédent avait été une grande réussite sonore mais se présentait, pour beaucoup, comme une forme de best-of parfois un peu brouillonne de tout ce que le groupe avait pu proposer par le passé, que ce soit dans certains retours vers le passé plus metallique que dans des voyages plus folk désormais inséparable du groupe depuis "
Dark Passion Play". Se réinventer fut ainsi un leitmotiv et les premiers avis sont déjà fortement tranchés sur la compréhension de ce nouvel effort, beaucoup moins accessibles que les précédents albums. Pour faire simple, le premier disque ("
Human") se compose de neuf compositions « traditionnelles », sur lesquelles le
London Orchestra et le Metro
Voices (la chorale) se font relativement discret, afin de replacer au centre des chansons le groupe lui-même tandis que la seconde offrande (Nature) est un poème symphonique de trente minutes sans chant, sans guitares ni batterie. Rien qu’une magnifique ode à la nature, à la beauté du monde, de la nature et de tout ce qui nous entoure. Autant le dire de suite, vous ne trouverez pas de "
Dark Chest of Wonders", de "
Nemo", de "
Amaranth", d’"
Ever Dream" ou de "Elan" ici. Les structures des titres ne sont pas évidentes, et les deux titres dévoilés avant la sortie ("Noise" et "Harvest") sont probablement les plus à même de correspondre à la définition d’un single. Quoique ...
Les titres ne se façonnent pas nécessairement autour d’un refrain, les riffs sont plus difficiles à percevoir et le c
Oncept prend globalement bien plus d’importance que la somme d’individualité derrière les instruments. Pourtant, l’ensemble devrait être moins surchargé puisque l’orchestre ne hurle pas des trombes de cuivres sur une double pédale ardente ? Oui et non ... car "
Human : || : Nature" est surtout l’opus le plus subtil de la carrière des finlandais, le plus fin, le plus
Musical serait-on tenté de dire, ne rentrant dans aucune case.
Grand frère d’"
Endless" selon son créateur, "
Music" débute l’aventure et, ce qui frappe, c’est sa complémentarité, comme une suite, au final de "The Greatest Show on
Earth". D’un point de vue sonore et thématique, nous sommes dans une pure continuité logique, et la suite nous donnera raison puisque "
Human" peut faire défiler ses neuf compositions comme un gros pavé, tout s’enchainant, bien que les ambiances et les humeurs soient totalement différentes d’un titre à l’autre. "
Music" part ainsi dans les arcanes de la musique, le besoin de l’humain de faire de la musique, de chanter et ses origines. Une longue intro de plus de trois minutes, où un mantra conférant une connotation presque bouddhiste côtoie des percussions tribales et quelques nappes orchestrales avant que
Floor ne débute son récital. Comme une caresse, sa voix nous enlace, seule, sans autre instrument que le piano, avant de monter délicieusement en puissance sur un refrain très mélodique, très pur sur lequel Marco vient l’accompagner en harmonie, et non en lead. Ce sera une nouveauté constante de ce nouvel effort, de ne pas avoir imposé d’immenses chœurs sur les refrains mais d’avoir user des trois voix leads du groupe (
Floor, Marco, Troy) pour composer ses mélodies et ses harmonies, afin de conférer un aspect plus humain et organique. Emppu se paie un premier solo mais nous sommes loin de l’effervescence d’un "Shudder Before the Beautiful". L’atmosphère est plus feutrée, Tuomas joue des nappes de claviers comme nous n’en avions plus entendu depuis "
Oceanborn" (car l’orchestre remplaçait invariablement ça depuis "
Century Child" quasiment) et la structure en elle-même sort de l’ordinaire, comparé à "Noise" (juste après "
Music"...quelle ironie) qui se veut plus classique et fonctionne beaucoup mieux à l’intérieur de l’album qu’isolé sur Youtube. Le passage central est redoutable d’efficacité (le retour des chœurs et de la double pédale), le texte se noircie mais ne critique pas spécialement la technologie mais plus son utilisation actuelle, en mettant en surbrillance tous les bienfaits qu’elle peut apporter.
"
Human" est si particulier que chaque titre mérite une attention particulière, chacun ayant été choyé et travaillé à l’extrême, plutôt que de mettre en avant des titres plus que d’autres. Les premières écoutes nous amènent très souvent sur le monstrueusement jouissif "Pan", très old school dans le jeu de Tuomas et sur lequel
Floor est incroyable vocalement. C’est aussi le retour de gros riffs taillés pour le live et d’un jeu de batterie plus agressifs, Kai Haito semblant désormais totalement intégré depuis qu’il est acquis que Jukka ne reviendra pas. Tuomas a ainsi joué avec ses nouvelles forces en présence et "Pan" en est le plus bel exemple, particulièrement le break ou Emppu se taille de leads tranchants avant qu’un chœur absolument unique ne vienne nous émerveiller, preuve que Tuomas peut encore totalement nous surprendre, tant il sonne sombre et menaçant (pour l’anecdote, le "Metro
Voices" a dû répéter ce passage, chose qu’ils ne font pratiquement jamais, car la mélodie leur semblait trop complexe de prime abord !). Notre attention se porte également sur "Tribal", qui porte parfaitement bien son nom puisque cela défini totalement la composition, où les guitares sont au premier plan. La partie de batterie mute constamment,
Floor et Marco se font violence vocalement et surtout, on ne pourra passer sous silence ce passage incroyable, quasiment animal, où les deux hommes se transforment en créatures sur un riff syncopé et agressif au possible. Difficile de savoir si ce titre sera joué en live mais il sera probablement un moment à part où Kai aura totalement les honneurs, lui qui a carrément dit modifier son kit pour ce titre en particulier.
Ces titres, plus directs et agressifs, sont la première facette d’un album qui se découvre avec de nombreuses écoutes et dévoilent ses secrets au compte-goutte. Des secrets comme le fabuleux "Shoemaker", relatant l’histoire de cet homme dont les centres reposent sur la Lune.
Floor passe d’un couplet où elle impressionne par les variations de son vibrato, accompagnant un riff assez massif, à un pré-refrain chanté en duo avec Troy qui prend de plus en plus de place vocalement (et pas uniquement sur les passages folk). Puis, en plein milieu, alors que le titre aurait pu poursuivre une courbe toute tracée, tout s’arrête (la mort du protagoniste ?) pour rejoindre les astres sur un passage à couper le souffle. Après une narration (interprétée par la femme de Tuomas, également chanteuse de Auri, qui cite Shakespeare),
Floor dévoile un fabuleux passage en voix de tête, beau à pleurer, d’une grâce inouïe, offrant des frissons incroyables, sans que cela ne sonne à aucun moment too much. Que dire également de "
Procession", porté par
Floor, pouvant s’affilier à la ballade du disque, mais surtout à la plus belle et marquante depuis "Sleeping Sun" (on est si loin d’un "Eva", d’un "Higher than
Hope" ou même de "Decades of the Sun", pourtant très réussite). Le travail de percussions de Kai frappe juste,
Floor est sublime et Troy et ses fameuses « Space Guitars » confèrent une dimension aérienne inédite, porté par la mélodie au piano magnifique de Tuomas. Tout ça sans orchestre. Sans chœur. Sans production hollywoodienne qui servait de grain à moudre à ceux qui avançaient que le finlandais se cachait derrière des artifices. Une pépite fermera ce premier voyage, la « chanson de Marco » en la présence du très mélancolique, quasiment doomy, "Endlessness". Une mélodie très inhabituelle, à la guitare lead, la voix pleine de tristesse du chanteur et surtout un ton lourd, presque menaçant.
Floor accompagne le géant blond sur le refrain mais le barbu est bien le principal artisan du morceau.
Voilà. Presque. Forcément, certains resteront là-dessus. Neuf titres, pas loin de cinquante cinq minutes. Mais il reste ce titre fleuve, unique, osé ou suicidaire selon les avis. Un titre dans la pure veine de
Nightwish, composé par
Nightwish, mais sans
Nightwish dessus. Ce fameux "All the Works of Nature which
Adorn the World".
Une longue pièce symphonique d’une demi-heure. On aurait pu s’attendre (c’était mon cas) à un déluge de chœurs, de cuivres, à une puissance de percussions destructrice et à voir Tuomas souhaiter œuvrer sur le terrain d’un Hans Zimmer ou d’un Junkie XL. Mais non. L’ambiance n’est pas là. Il faudra plutôt se pencher vers un James Horner ou un Danny Elfman à de rares occasions, mais surtout y voir ce que Tuomas avait déjà proposé sur son périple solo ("The
Life and Times of Scrooge"). Un émerveillement où
Floor intervient sur des vocalises à de rares endroit, mais surtout un poème en l’honneur de cette planète, de sa beauté, de sa grandeur et de sa majesté. On se sent transporté, comme tout petit, mais jamais écrasé, par ce voyage à travers les mers ("The Blue"), les grandes prairies verdoyantes ("The Green") ou au contraires certaines landes désolées ("Moors"). La féérie de "Aurorae" (ce passage à la harpe ...) n’aura d’égale que l’angoisse d’"Anthropocene" (et ces pizzicatos de violons) pour nous faire prendre conscience de la merveille qui nous accueille chaque jour.A bien réfléchir, mis à part
Rhapsody of
Fire sur le controversé "
Triumph or
Agony", aucun artiste du monde metal n’avait été aussi loin dans la cinématographie, allant même jusqu’à embauché des acteurs pour la narration. C’est Geraldine James (la mère d’Alice dans le film de Tim Burton) qui prête ici sa voix comme Christopher Lee ou Susannah York sur "The
Mystic Prophecy of the
Demonknight". Elle interprète notamment sur le final "
Ad Astra" cette fabuleuse citation de "
Pale Blue Dot" (
Dream Theater y a récemment rendu hommage sur "Distance Over Time") dans lequel Carl Sagan évoque notre Terre depuis l’espace, et notre rôle vu d’en haut. Un texte poignant et d’une immense force qui trouve sa conclusion sur, cette fois-ci, un déluge de chœurs pour offrir encore plus de corps à cette conclusion, sublime sur tous les aspects. Une conclusion divinement épique, mais jamais prétentieuse ou orgueilleuse. Une conclusion à l’image de ce neuvième album.
Nightwish n’a jamais été aussi mature et humain.
Nightwish trône tout en haut de la musique, qu’elle soit metal ou pas.
Nightwish est simplement grand et vient de nous offrir un monument de la musique contemporaine, intelligente et
Musicalement d’une richesse rare. Une musique qui prône la vie, l’être humain et la Terre en harmonie. Un magnifique message de bienveillance en ces temps troublés. Nécessaire. Essentiel. Merci.
« « Regardez ce point. C’est ici. C’est notre foyer. C’est nous. Dessus se trouvent tous ceux que vous aimez, tous ceux que vous connaissez, tous ceux dont vous n’avez jamais entendu parler, tous les êtres humains qui aient jamais vécu. La somme de nos joies et de nos souffrances. Des milliers de religions, d’idéologies et de doctrines économiques remplies de certitudes. Tous les chasseurs et cueilleurs, tous les héros et tous les lâches, tous les créateurs et destructeurs de civilisations. Tous les rois et paysans, tous les jeunes couples d’amoureux, tous les pères, mères, enfants remplis d’espoir, inventeurs et explorateurs. Tous les moralisateurs, tous les politiciens corrompus, toutes les “superstars”, tous les “guides suprêmes”, tous les saints et pécheurs de l’histoire de notre espèce ont vécu ici… Sur ce grain de poussière suspendu dans un rayon de soleil. »
Carl Sagan –
Pale Blue Dot
Fan de Nightwish depuis le premier album, puis en désaccord de Once à Imaginareum, voir Floor remplacer Annette en live (et me faire aimer certains morceaux que je détestais avec Annette) fut une bonne surprise. Endless forms most beautiful est un album solide, loin d'être parfait, mais qui tient bien la route avec de très bons morceaux. L'écoute des deux premiers singles Noise et Harvest m'avait laissé bien froid. J'écoute donc l'album avec une cetaine peur. Après six fois du disque 1 et deux fois du disque 2, je suis terriblement déçu. Aucune mélodie ne me reste, aucun morceau ne m'a ému pendant l'écoute, peut être Music et Pan sont pas mal. Comme à la période Once - Imaginaerum, bien trop de "mélodies Nightwish" entendues des centaines de fois qui pourrissent les morceaux et la composante folk est bien trop présente et ramollit l'album, même si j'apprécie beaucoup Troy. La voix de Floor une fois de plus pas utilisée au mieux. Et le disque 2 ... sorte de musique originale de film sans saveur.
Après plusieurs écoutes sur utube, j'ai acheté l'album"human" finalement. Je reste mitigé mais pas plus que si je re-écoute les autres précédents. Perso j'ai toujours eu du mal avec les voix lyriques type Tarja et je préfère nettement une chanteuse plus "complète" comme Floor jansen.. Donc je n'ai jamais eu l'envie d'acheter leurs albums précédents "once", me contentant des live et des "meilleurs titres . Mais les albums de once à human me donnent sensiblement les mêmes sensations. De là à dire que l'un et meilleurs que l'autre..!? Dans "human", on retrouve quand même une belle ambiance, de belles compositions magnifiquement arrangées..Perso, j'adore le style "shudder before" ou " i want my tears back" que je ne retrouve pas ici et si l'ensemble reste un peu trop "aérien" et un peu trop "peace and love" pour moi, certains titres méritent le détour. "Pan", "music", "Noise", En résumé, en dehors de "procession" trop linéraire et "endlessness" que je n'arrive pas à apprécier, et bien sûr le disque 2 que je n'ai pas eu le temps et l'envie d'écouter entièrement, il nous reste 7 titres qui, sans m'avoir "scotché au mur" ne feront pas "tâche" dans la discographie de Nightwish
On parle de casser les codes pourtant dès que le morceau "Noise" commence on reconnaît Nightwish à fond les ballons. J'aime aussi beaucoup "shoemaker", "Harvest" (plus originale celle-ci) et pour ma part je trouve l'album plutôt réussi.
Je fais également partie des fans de Floor et je trouve que la reprise de chansons initialement chantées par Annette a permis de les redécouvrir avec une toute autre saveur !
Et bien finalement, il se bonifie avec le temps cet album. Il ne sera pas parfait, si j'attends un (prendre n'importe lequel des albums prédents) bis, alors c'est sûr que ça fait pâle figure à côté. En tout cas la fougue est parti, pour laisser place à quelque chose de plus posé.
C'est comme... épuré. Il y a peu de moments qui me font réellement tomber de ma chaise comme ça a pu être le cas pour beaucoup de passages des précédents. Et pourtant, je suis régulièrement touché.
Étrange. Je reviendrai peut être donner un autre avis dans... X temps.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire