Half Past Human

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16/20
Nom du groupe Cirith Ungol
Nom de l'album Half Past Human
Type EP
Date de parution 28 Mai 2021
Style MusicalHeavy Metal
Membres possèdant cet album28

Tracklist

1.
 Route 666
 05:05
2.
 Shelob's Lair
 05:34
3.
 Brutish Manchild
 03:43
4.
 Half Past Human
 07:24

Durée totale : 21:46

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Cirith Ungol


Chronique @ Hibernatus

29 Mai 2021

Un précieux trait d'union entre la fougue de la jeunesse et la maîtrise de l'âge mûr

La Mort Rouge endeuillait le monde. Fuyant ses ravages, cinq vénérables mages se réfugièrent dans leur vaste domaine souterrain. Pour tromper l'ennui, ils partirent à la recherche d'anciens artefacts qu'ils savaient avoir entreposés quelques éons plus tôt.
« C'est ici, maître Rob, ici que nous allons les trouver, j'en suis sûr ! », s'exclame d'une voix désagréablement crissante un des membres du quintette.
S'adossant à une étagère vermoulue, son interlocuteur réplique d'un ton las :
« Tu nous les brises, maître Tim. On a déjà fouillé au moins 665 cryptes et tu nous as seriné le même refrain à chaque f... »
Interrompant sa phrase, l'antique meuble s'effondre sous le poids de maître Rob. Insensible aux pleurs et aux quintes de l'infortuné sorcier se débattant dans les affres de l'asphyxie au milieu d'un nuage de poussière pluriséculaire, maître Tim avise un rouleau de parchemin venant finir sa course à ses pieds. Il déplie avec soin le vénérable vélin craquelant et s'exclame soudain :
« C'en est un ! Cherchons, amis, les autres ne doivent pas être loin ! »

Bon, cette intro est directement inspirée de la publicité de Metal Blade, qui n'est bien sûr pas tout à fait conforme à la réalité. Dans le contrat passé avec le label, Cirith Ungol s'était engagé à sortir un EP. Sevré de création depuis le début des années 90 et débordant de génie artistique, le groupe californien était directement passé au stade de l'album avec l'excellent « Forever Black » de 2020. La persistance de cette satanée « Mort Rouge », entraînant notamment la perte du goût de la bière et de l'odeur de sueur des pits, va conduire à l'annulation de la glorieuse tournée annoncée. Nouveau bassiste et manager, artisan de l'inespérée reformation de Cirith Ungol, Jarvis Leatherby va imposer ses vues sur la teneur de l'EP promis : il contiendra de vieux titres du groupe, jamais enregistrés jusque-là.

Jamais enregistrés, faut voir. Trois d'entre eux le furent sur le premier album de Falcon (2004), le groupe où travailla Greg Lindstrom, le seul des démoniaques Californiens à avoir poursuivi une carrière musicale après le split de 1992. Et si on veut chipoter, le quatrième sort en flexi-disc en 2020. Et si on veut encore plus couper les cheveux en quatre, Route 666 figurait sur la toute première démo du groupe (1978), « The Orange Album » ; en même temps, qui a eu l'occasion de l'entendre ? Ces quatre titres datent de la période de lycée des nécromants, entre 1974 et 1976.

Les vieux n'étaient pas très chauds, la démarche ne leur plaisait guère. « Qui a envie de regarder les dessins de bébé Picasso ? », demandait Rob Garven dans une interview récente. Moi, répond sans hésiter le fan et l'historien. Mais de toutes façons les enregistrements d'origine sont pourris et on ne les entendra jamais (jamais ? Ne jamais dire jamais ; on ne sait jamais). Les phénix récemment revenus à la vie vont réinterpréter complètement leurs titres de jeunesse, à l'aune de leur gnaque retrouvée, sans égard pour une quelconque nostalgie passéiste. « Half Past Human » est une belle réussite, avec trois très bons morceaux et un éponyme qui touche à l'exceptionnel.

La comparaison avec les titres interprétés par Falcon est édifiante. Chez ce groupe, on a d'honnêtes produits, bien ficelés mais un poil trop propres et trop ronds, manquant de discordance et d'aspérités, ces marqueurs d'excellence en Heavy Metal. Cirith Ungol a le don de Midas et transforme en or tout ce qu'il joue, lui conférant profondeur et intensité dramatique. Même ré-interprétées à l'aune de leur longue expérience, on reste impressionné par la qualité des fondations que surent poser les gamins qu'ils étaient dans cette première moitié des années 70.

Oh certes, il y a des naïvetés, que les vieux routiers ont eu l'élégance de ne point renier : on reconnaîtra dans Route 666 certains riffs très « inspirés » du Black Sabbath de l'époque. Le titre n'en est pas moins remarquable et débordant de personnalité. Agressif et déchiré, Brutish Manchild aurait sans rougir pu se nicher dans un des albums canoniques du groupe. Shelob's Lair est un peu plus daté, atypique : on devine que la bande de Ventura avait pas mal écouté les premiers albums de Rush. Mais on se laisse aisément captiver par ce (rare) titre inspiré par la lecture de Tolkien, à qui la formation doit pourtant son nom.

La musique est toujours transfigurée par le jeu des musiciens : la voix inimitable de Tim Baker, la formidable batterie de Rob Garven (Route 666, notamment), la basse plombée (partagée entre Jarvis Leatherby et Jim Baraza). Et la guitare est splendide, fruit de la collaboration fructueuse de la rythmique de Greg Lindstrom et des somptueuses parties lead de Jim Barraza, pièce essentielle du groupe en dépit de son intégration tardive (1988).

Servis par une production aux petits oignons, ces éléments trouvent une forme d'apothéose avec Half Past Human, un titre digne des meilleures réalisations de Cirith Ungol. Tout irrigué d'auguste théâtralité, partagé entre délicatesse et accélérations saccadées, le titre ne cesse de monter en émotion et en intensité, franchissant un palier dans un premier solo à la wah wah de Barraza et finissant en triomphe dans une explosion terminale. Le tout rythmé par l'implacable martellement de Garven et entonné par un Baker franchement troublant. Une vraie gemme.

Vous l'aurez compris, « Half Past Human » est loin d'un simple bouche-trou sorti pour occuper le terrain pendant le confinement. Son format réduit ne doit pas faire illusion, il est un de ces EP majeurs dans la discographie d'un groupe majeur. Un précieux trait d'union entre la fougue de la jeunesse et la maîtrise de l'âge mûr.

2 Commentaires

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Elevator - 29 Mai 2021:

Merci pour cette excellente chronique.

Je l'ai reçu hier, il y a effectivement des choses très intéressantes dans cet EP, mais seul le morceau "Half Past Human"  peut vraiment prétendre à l'excellence. Ceci étant dit, tout amateur du groupe se doit d'acquérir ce CD !

PhuckingPhiphi - 30 Mai 2021:

Il était dans ma boîte aux lettres vendredi, mais j'ai tellement de taf en ce moment que je ne l'ai même pas encore déballé… Je me contente donc pour l'heure de la magnifique illustration de l'indéboulonnable Michael Whelan en couverture, et de ta prose qui me donne envie d'envoyer mes dossiers aux chiottes pour l'écouter sans tarder.

Merci pour la kro ! :)

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