Quatre années sont passées depuis leur premier ouvrage «
Frost and Fire », le groupe californien «
Cirith Ungol » signé chez
Enigma, après un parcours tumultueux, n’est pas en reste pour autant avec les problèmes financiers. Ce laps de temps entre les deux disques est en grande partie dû à leurs soucis pour récolter la somme nécessaire pour payer les enregistrements studio. Greg Lindstrom, que l’on ne voit plus apparaître sur le line-up a pris ses distances avec la formation, car il ne peut être guitariste à plein temps. Il va pourtant signer des compositions parmi les plus intemporelles de la carrière de «
Cirith Ungol » sur ce second volume datant de 1984. Car oui, cette pièce contient des titres qui vont traverser les époques, un peu comme Elric à travers le multivers. Des changements au sein de leur musique se profilent également, au point de faire de ce groupe en retard sur son temps, en avance cette fois-ci. Le heavy doom de «
King of the Dead » fait donc suite au hard/heavy psychédélique de «
Frost and Fire ». «
Cirith Ungol » apparait ainsi comme l’un des premiers groupes américains de doom metal dans la même vague alors que «
Pentagram », «
Saint Vitus » et «
Trouble », qui ont sorti respectivement leur premier full lenght entre les années 1984 et 1985. Goûtez au côté sombre de la légende.
La légende aurait le goût de guerre nucléaire sur « Atom Smasher ». C’était d’ailleurs une véritable obsession en ce début des années 80, tellement les tensions entre l’Amérique et L’
Union Soviétique se sont ravivées. Après un bruit d’explosion atomique, on entend comme des coups de semonce, des riffs par à-coups et une voix qui accentue fortement ses intonations. Déjà que Tim Baker avait un chant réputé particulier, pas étonnant qu’il rebute encore certains. C’est scandé avec un petit côté fantomatique, qui en fait toute l’originalité, mais qui néanmoins épouse parfaitement la démarche plus sombre du heavy metal de «
Cirith Ungol ». Même si « Atom Smasher » parait bouffi à prime abord, on découvre au fur et à mesure sa subtilité, avec un solo impérial de Jerry Fogle en prime. L’impression n’est pas très différente à l’écoute de «
King of the Dead ». L’entame peut nous sembler chaotique, déconstruite. Mais, on remarque que ça prend de l’ampleur aussitôt, pesant, intimidant, avant de s’aérer après 1 :40 dans un heavy spatial très proche de celui de «
Hawkwind ». On reprendra pieds néanmoins avec un heavy doom tapi et intimidant dès l’apparition du chant torturé de Tim. Rien n’est donc fait pour nous réconforter, bien au contraire.
L’obscurité est un repoussoir comme une attraction. Soit elle vous dégoute, soit elle vous fascine. Serez-vous capable d’ignorer seulement un titre aussi hypnotique que «
Master of the Pit » avec son énorme jeu de basse, où on dénote une légère influence aux premiers albums de «
Black Sabbath ». Le titre est loin de se montrer imperturbable. La guitare s’illustre bavarde, éloquente, surtout en seconde moitié du morceau, délivrant un final frénétique et de grande envergure. Cette dextérité guitaristique s’affirme en apothéose sur la reprise sidérante de la célèbre toccata en do mineur de Jean-Sébastien Bach, n’ôtant d’ailleurs rien de l’atmosphère chargée et stressante qui règne sur l’opus. Le sombre et riche morceau «
Cirith Ungol » en est une parfaite illustration, aussi un extrait des plus efficaces et envoutants proposés, ne faisant pas impasse à la fluidité malgré un ton résolument froid et distant. Le titre se s’avère plutôt exceptionnel en
Live, comme le tend à prouver l’extrait bonus figurant sur la réédition par
Metal Blade de l’album précédent, «
Frost and Fire ».
Néanmoins, il y a plus prodigieux encore. Difficile de se montrer indifférent de « Black
Machine », reprenant bien les codes du heavy metal de ce début des années 80, avec un refrain scandé, des riffs simples, répétés mais directement prenants. Un titre qui serait dû à l’attachement que portait le batteur Robert Garven aux bolides de course. Ne vous attendez pas pourtant à foncer à toute allure avec ce « Black
Machine », les riffs y sont paresseux, mais touchent leur cible sans problème. « Death of the Sun » se contraste fortement à celui-là, car le rythme y est soutenu et se compose de puissantes, insistantes et rapides salves. Nous aurons droit ici à un superbe ballet de guitares qui se répondent. Un de ces duels qui nous fait tant frémir. Si le dézingueur « Death of the Sun » a les moyens pour vous mettre en transe, l’entame et le tiers-fin acoustiques de « Finger of the
Scorn », composé intégralement par Greg Lindstrom, peut vous faire couler une larme. Rares sont ceux qui renferment autant d’émotion et de tendresse. Ces parties acoustiques encadrent un heavy doom complètement inflexible, lent et prédateur. L’enfer associé à un paradis.
Entre «
Frost and Fire » et «
King of the Dead », le choix est compliqué. Ces deux pièces de «
Cirith Ungol » sont si différentes et ont tous deux marqué l’univers metal, malgré les mauvaises critiques des magazines de l’époque. La presse n’avait pas eu le nez pour révéler l’incroyable niveau de ces musiciens, ni même d’accueillir d’un bon œil l’émergence d’un doom metal à l’américaine qui serait habilité à concurrencer celui en provenance d’Angleterre. «
King of the Dead » est assurément un objet surréaliste, novateur, très éloigné du heavy metal en vogue alors. Comme un héros de heroic-fantasy, il est en prise avec les puissants, solitaire, évoluant complètement en marge de la société. Il est dit que sa légende sortirait un jour de l’ombre et serait contée de générations en générations. Ainsi, les vrais héros ne meurent jamais.
16/20
Bravo pour ce com' sur Whelan, artiste encore présent sur le forum du site, dont on pourrait également évoquer une partie du dyptique "Cause of Death"/"Epidemic of Violence" présent aussi sur le très bon album de The Mist "Phantasmagoria", que je recommande en passant.
Sinon, ce King of the Dead est l'album peut-être le plus accessible de Cirith Ungol, avec les envolées de Baker et une base heavymetal plus prononcée que sur le premeir disque. Album qui s'affirme au fil des écoutes, avec une mention particulière à la présence de la basse, donnant un cachet unique à ce disque ("Master of the Pit"). Merci pour la chronique (désolé, mais les "j'aime" je peux pas, haha).
Juste une réponse au commentaire de Phucking Phiphi je pense que pour Cirith Ungol les paroles ne signifient pas que l´Œil est dans la tour mais juste que comme c’est l’entrée du pays de Mordor, l’Œil de Sauron peut voir ce qu’il s’y passe tu devrais réécouter la chanson
Le nom du groupe est remplacé par le mot Live, entre guillemets. Je suppose qu'un bug a altéré la chronique, pour une raison probablement étrange.
@Deminion:
C'est pour ça qu'on aime tous Spirit Of Metal... Merci à toi.
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