Il faisait un froid de canard sur
Paris en cet hiver 1986. La neige était aussi de la partie et tout moyen de se réchauffer s’avérait le bienvenu. La pochette de ce premier album de
Nuclear Assault montrant la fuite éperdue d’une foule face au souffle cataclysmique d’une explosion nucléaire n’a pourtant pas été l’élément déclenchant mon achat. Le simple fait de voir Danny Lilker tenir la basse du groupe au verso de ce 33 tours suffisait amplement.
Retour sur le parcours de ce musicien atypique qui vit le jour le 18 octobre 1964 à Bayside, près de New-York.
A 17 ans, il fonda
Anthrax avec Scott « Not »
Ian et forma la première paire de guitaristes du groupe. Les divers changements de line-up finiront par ancrer Danny au poste de bassiste alors qu’il croisa furtivement John Connelly, roadie du groupe, au poste de chanteur éphémère, avant l’arrivée de Neil Turbin. Malgré son rôle de co-compositeur du premier album « Fistful of
Metal », le chevelu fut viré d’
Anthrax sans ménagement par les membres du groupe, rejetant son penchant pour les plaisirs extrêmes et interdits et quelques incompatibilités artistiques. Danny le libertaire ne tardera pas à rebondir en créant en 1984
Nuclear Assault avec John Connelly, désormais guitariste-chanteur. Mike Bogush, second guitariste, et Scott Duboys, batteur, complétaient la toute première composition du groupe.
Délivrant un thrash metal agressif et fier de quelques démos,
Nuclear Assault partit écumer l’état de New-York. Premier gig dans le New-Jersey à l’
Union Jack de South River en fin d’année 1984. Les mois suivants furent riches de performances, réalisées dans les bars et les clubs de la côte Est, qui finirent par ruiner la santé de Mike Bogush, remplacé par Anthony Bramante au printemps. Même sort pour le poste de batteur qui revint très vite à l’ex
TT Quick, Glenn Evans, jugé mieux armé pour tenir le rythme de l’infatigable bassiste. L’année 85 s’acheva pour Danny Lilker par la sortie du mythique « Speak English or
Die » chez Megaforce avec ses potes de
Stormtroopers Of Death (SOD pour les intimes). Association de malfaiteurs en somme qui vit Danny Lilker, Scott
Ian, Charlie Benante (cogneur d’
Anthrax) et le poids lourd-léger Billy Milano enfanter un pamphlet anarcho-déjanté et puissant qui collait à la peau du quatuor.
Cet esprit vindicatif, satyrique et frondeur a toujours été l’essence créatrice de Danny Lilker. Aucune barrière, aucun plan de carrière ou attitude conforme à une quelconque norme ne sauraient brider l’inspiration du jeune musicien.
Ce premier album en porte d’ailleurs la marque indélébile.
Ce souffle de liberté artistique traverse dans une bourrasque l’instrumental «
Live, Suffer, Die », sorte de shoot primaire constitué d’un mixage de genres flirtant avec les limites et plongeant les racines du crossover de
Nuclear Assault dans un bain épileptique où rythmiques et bases musicales tremblent sur leurs fondements dans un trépignement incessant.
Les 4 new-yorkais vont jouer en permanence avec cette matière, au combien, fissible.
L’assaut nucléaire atteint un premier stade de criticité avec le thrashcore «
Sin » au riff entêtant et la ligne de basse fulgurante. La découverte du chant de gorge à bout de souffle de John Connelly surprend mais n’est pas désagréable. La double grosse-caisse actionnée sans retenue et l’excellent break précédant une reprise effrénée de guitare punkcore complètent la panoplie d’un brulot d’une violence inouïe. Le rythme de «
Cold steel » sans atteindre les sommets de rapidité d’autres titres de l’album est parcouru par un riffing radioactif en piston de moteur diesel à l’orée du surrégime et une terrifiante bastonnade en règle du kit de batterie. « My name is
Evil » nous rappelle John Connelly qui distille avec son compère Anthony Bramante des soli shreddés avant un pont désarçonnant aux frontières du mosh. Troisième indice d’alerte d’une réaction en chaine imminente avec « Stranded in hell » dont l’attaque hallucinante des guitares se poursuit dans une recherche d’accélération permanente du rythme. Danny Lilker, secondé par le jeu chargé de nitroglycérine de son collègue derrière les fûts, nous assomme d’une rythmique de pachyderme transgénique alors que le chant est plus posé, tout en restant vindicatif. Au final, cette tuerie ultra rapide nous invite à un headbanging schizophrénique.
En l’espace de 10 minutes, la messe est dite :
Nuclear Assault a converti les troupeaux de brebis égarées que nous étions, illuminées par la puissance dégagée et admiratives de l’orgie de vitesse en quasi perte de contrôle proposées par ses nouvelles icones.
Ne répondant à aucune logique, Danny et ses boys agrémentent ce premier album de trois « respirations » d’inspiration SODiennes, avec un amphétaminé et blasté «
Hang the Pope », puis la parodie du thème publicitaire pour glace, « Mr Softee theme » et enfin l’ultra concis « My America » qui rappelle que quelque part « Punk’s not dead ».
Dans cette frénésie de double croches et refrains imparables,
Nuclear Assault s’essaye au heavy avec un «
Betrayal » au riff en contre tempo et un chant habité. Déstructuré dans la ligne rythmique et les soli, il n’en reste pas moins un titre réussi mais un ton en dessous de la perle de nacre « After the holocaust », construite de manière plus classique sur une base heavy thrash de laquelle se distinguent un chant particulièrement maitrisé ainsi que des guitares assurant en doublette et de manière autoritaire le riffing rugueux et les soli sauvages. Enfin, «
Nuclear war » parachève la partie plus lourde voire angoissante de l’album, au prix d’un lead riff froid et métallique, d’une frappe sèche des peaux et d’une ligne de basse suffisamment pataude, instaurant ainsi l’ambiance attendue par son titre. On remarquera même une pointe de
Mercyful Fate en fin de morceau.
La fuite en avant ne s’achève pas, propulsée par exemple par un «
Radiation Sickness » accueillant une rafale de riff aussi coupante qu’une meuleuse sur une tige de titane et une ligne de chant un peu trop poussée dans les extrêmes. Les soli de Connelly et Bramante confirment que les deux jeunes musiciens valent mieux que de simples manieurs de manches. A la basse, Danny Lilker effectue un travail rythmique d’horloger Suisse. «
Vengeance », autre morceau frisant le coulage de bielles, est porté par le chant guerrier du hurleur Connelly, qui devient grave et décharné sur le refrain. La furie des guitaristes, dont les soli déracinent tout sur leur passage, transmutent ce titre en un speed/hardcore dévastateur, éclaboussé par la trame de basse de goret et le pédalage de maillot jaune du Tour de France de Glenn Evans.
Le parfait étalage technique des musiciens et la synthèse du style brut de fonderie de
Nuclear Assault se cristallisent dans un ébouriffant «
Brain Dead », titre hyper-speed dont la longue introduction de guitare acoustique nous emporte vers une overdose de riffs secs et nerveux, saupoudrés d’un chant aigu et d’un intermède musical assez long, salvateur pour la reprise de souffle.
Ce souffle à nouveau, porteur d’un mouvement contestataire et anticonformiste dans la planète thrash naissante. Danny Lilker, sorte de Daniel Cohn-Bendit du Heavy-
Metal, conservera tout au long de sa carrière sa liberté de ton et de création, évitant ainsi l’inquisiteur «
Game Over » signalant la fin de partie anticipée sur le flipper de sa vie de musicien.
Stranded in
Hell
Ring
Satan's bell
There's nothing else you can do
Stranded in
Hell
Hear your death knell
'Cause the
Master is coming for you
Didier –
Septembre 2012
J'aime beaucoup, et le groupe doit beaucoup aux vocalises mélodiques de Connelly. Toutefois, noyé dans la masse desorties de cette époque, NA n'a pas obtenu le succès mérité. La dernière tournée française au milieu des 90's fut désastreuse (50 personnes tout au plus à Toulouse !!!).
Au bien beau souvenir, et un premier album marquant.
Les 15/20 sont mérités, pour ma part, ceci étant une très bonne note !
Perso je suis d'accord avec l'analyse de ce disque rédigé avec sérieux,un bon album avec quelques tatonnement mais posant de manière définitive le style caractèristique de ce groupe
Album fougueux et spontané ....je continue ma remontée à contre courant et découvre qlq "bonnes vielles saloperies" de ces chères annees 80. Lors de mes premiers achats de CD il fallait choisir avec patience et minutie le bon groupe ...maintenant tout est plus facile!
Meme si la scene Thrash sud americaine réserve de ci dela qlq pepites....les annees 80 avaient ce truc en plus faisant que les groupes etaient juste excellent...
Au demeurant ce disque est tres bon malgré les "défauts" évoqués par les uns et les autres...mais reste dans l'ombre des grands...
A ecouter nostalgiquement.
J'aime beaucoup ce Game over bien dynamique qui oscille entre agressivité et passages groovy avec une pointe de punk sympa. Une excellente surprise pour moi que je découvre seulement maintenant.
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