Une des plus grandes divergences existante entre le guitariste allemand
Axel Rudi Pell et celui auquel il fut parfois comparé, de manière un peu superficiel et approximative, à savoir le suédois Yngwie G. Malmsteen, tient au fait crucial que le saxon, contrairement à son homologue nordique, continue, aujourd'hui encore, de privilégier la musicalité de son expression, évitant ainsi l'écueil insupportable de cette étalage démonstratif né de l'égo de plus en plus ridiculement caricatural du musicien scandinave qui pourtant aura offert au monde tout le génie d'un talent musical sans précédent exprimé dans certaines frasque Neo Classique, désormais, absconses.
Si l'analogie entre ces deux grands artistes démontre une parenté actuellement peu évidente, il y a toutefois, entre eux, une certaine collusion qui va trouver quelques points communs au cœur de ce
Eternal Prisoner. Outres un amour immodéré conjoint pour l'instrument à six cordes, les deux hommes sont, notamment, doués d'une redoutable intelligence pour exacerber les aptitudes de certains autres musiciens qu'ils impliquent dans leurs diverses projets. Ainsi, sur ce nouvel opus, l'allemand va, non seulement, recruter un nouveau chanteur extrêmement compétent, mais rien moins que celui qui fut la voix qui officia au sein du groupe d'Yngwie, à savoir l'extraordinaire
Jeff Scott Soto. S'il fallait un indice supplémentaire de l'admiration que le teuton voue à son confrère compatriote d'Alfred Nobel, celui-ci en est un assez troublant. Et si la preuve n'est pas irréfutable, la coïncidence, selon moi, est trop belle pour n'être que le fruit du hasard.
Il faut également noter que ce changement de chanteur révèle aussi une certaine forme de lucidité de la part d'Axel quant à la qualité du travail de son groupe puisque ainsi il aura su objectivement palier les imperfections récursives de ces deux premières œuvres. Le pari audacieux de cette modification révèle d'autant plus l'intelligence du musicien que les caractéristiques de la voix particulièrement groovy et sensuelle de Jeff auront la conséquence de bouleverser quelque peu la musique d'
Axel Rudi Pell en l'éloignant légèrement de ce Heavy
Metal traditionnelle pour le rapprocher d'un Heavy
Metal aux accointances, infimes mais suffisamment notoires pour être évoquées,
Hard Rock.
Un chanteur prodigieux à la voix chaleureuse et tout emplie d'un feeling somptueux, un guitariste adroit capable de composer des riffs et des soli formidables, mais aussi, entre autres, un phénoménal batteur sont autant d'ingrédients qui augurent de la réussite possible d'une entreprise encourageante.
Mais cessons ce suspense inepte et disons tout de suite que cette promesse séduisante tient tous ses engagements. Tant et si bien qu'un splendide
Streets of
Fire véloce, les fabuleux Long Time, Wheels Rolling On et son break aux voix claires, Sweet Lil' Suzie et ses passages de percussions ou encore Ride the
Bullet, titres plus posés dans lesquels Axel fait de la notion de
Riff mélodique efficace un art, sont autant de morceaux à l'excellence délicieusement admirable élevant cet album à une perfection indiscutable. Et que dire encore d'une piste aussi divine qu'
Eternal Prisoner qui nous égare dans les lancinants lacis hypnotiques d'une chanson lente et délicieusement entêtante, sinon qu'elle nous ravit?
Même des titres plus périlleux, pour un genre davantage accoutumé à une certaine vigueur, telle que la ballade Your
Life (Not
Close Enough to
Paradise) ne parviennent pas à discréditer la majesté de ce disque. Ce morceau laisse Jeff exprimer tout son talent à véhiculer l'émotion de sa voix charnelle.
Seul l'instrumental Dreams of Passion est ici quelques peu déconcertants. Nous sommes bien loin des témoignages expansifs souvent inexpressifs du grand
Yngwie Malmsteen mais ce titre, outre le fait d'être assez discutable, dénote d'une volonté propre à la manifestation d'un individualisme pas forcément nécessaire au cœur de l'exemplarité d'un tel ensemble. En quelques sortes, pas structurellement inintéressant, ce morceau, déçoit pourtant. Il démontre toutefois, assez crûment, que les chants de
Jeff Scott Soto apportent un supplément d'âme aux propos de cette formation et que sans eux, le groupe est moins magistral.
On pourrait encore ajouter d'autres paragraphes pour exposer encore les qualités marquantes de ce
Eternal Prisoner, néanmoins aucune de ces lignes ne pourrait traduire exactement le parfait aboutissement dont il est coupable. Les mots sont parfois vains et seule la beauté de l'art exprimé peut alors nous convaincre de ses vertus.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire