Un avis de tempête est à signaler chez la plantureuse et calme formation «
Axel Rudi Pell ». Un pivot, un mat s’est retiré du navire. Mike Terrana, le redoutable batteur américain, avait figuré dans chaque opus du groupe depuis le fantastique « The Masquarade Ball » de 2000. L’homme voit plus grand. Il semble pressentir l’avenir quelque peu bouché d’une formation allemande vouée à ne faire que du sur-place. Cette longue collaboration a été un paradoxe, car Mike n’a jamais tenu en place à vrai dire. La raison officielle de son désistement a été l’incompatibilité de sa présence chez «
Axel Rudi Pell » avec ses autres engagements. A croire que travailler pour
Tarja Turunen se révèle plus rentable. Ou même que le début d’une carrière solo est un gage de plus grandes libertés. Si je vous abreuve autant à propos de ce simple départ, c’est qu’ «
Axel Rudi Pell » n’avait connu jusqu’à présent que deux batteurs, et pas n’importe lesquels. De vraies stars dans leur domaine. Avant Mike Terrana, il y a eu l’illustre Jörg Michael. Il est stupéfiant de remarquer combien le groupe de l’ex guitariste de «
Steeler » aura servi de tremplin à ses batteurs, aujourd’hui estimés en véritables monuments. Ce ne sera pas le cas de Bobby
Rondinelli, successeur de Mike, et déjà bien connu pour ses courtes apparitions chez «
Rainbow », «
Black Sabbath », «
Riot » ou «
Doro ». Il sera invité à participer à l’élaboration d’ «
Into the Storm », nouvel opus qui nous fait le témoignage d’un «
Axel Rudi Pell » érodé par le temps.
Comme il est fréquent chez eux, l’introduction est plus là pour garnir. « The Inquisitional Procedure » nous fait entendre ce qui a déjà été maintes fois entendu, avec son ambiance atmosphérique à l’ancienne, un brin épique et pompeux, faisant sonner des claviers presque antédiluviens. Les premiers morceaux qui arrivent après cette mise en bouche sont toujours cruciaux chez «
Axel Rudi Pell ». C’est souvent dans les trois premières pistes postérieures à l’introduction que l’on y décèle chez eux les bonnes petites perles. Dès la lecture de «
Tower of
Lies », il y a de quoi être stupéfait et quelque peu dérangé. Le riffing y est abusivement rêche. Le léger fond sonore arrive à peine à l’adoucir. Johnny Gioeli se montre plus à la hauteur que son ami guitariste, mais il ne parvient pas à nous combler de cet ordinaire. Oui ! L’ambiance plus pesante d’un «
Circle of the Oath » laissait croire à une relative remise à niveau de la formation. Son successeur va nous prouver, encore une fois, qu’ «
Axel Rudi Pell » n’est pas un adepte du changement.
Il y a toutefois le jeu parfois abrasif de la guitare, préalablement signalé, qui fait office d’innovation. On en aura une nouvelle démonstration moyennement agréable peu après la douce entame de « Touching
Heaven », offrant un contraste saisissant avec les mélodies d’orgue Hammond si radieuses. Ces riffs encaissés ne sont pas très communs de la part d’Axel, même si ses compositions se basent bien souvent sur des riffs courts, répétés. Il en donne d’ailleurs la recette classique sur le titre éponyme «
Into the Storm ». On y retrouve en plus de cela les éléments caractéristiques des opus de la formation. A savoir, un chant volumineux, un fond atmosphérique, beaucoup de candeur et de pesanteur, apportant une touche de solennité. Le truc en supplément sera les airs arabisants, assez réussis. On doit le reconnaître. Mais diable que le titre est long.
Plus de 10 minutes pour entendre le basique du basique de la formation allemande, c’est un peu trop. La lassitude vient à guetter. Il faut donc souligner cette impression de déjà entendu, notamment avec « Long Way to Go », quelque peu inspiré du style «
Scorpions », abondamment pratiqué par le groupe de Bochum depuis pas mal d’années.
Sans s’étonner, le disque comporte son lot de ballades. Retenons le tendre et langoureux « When Truth
Hurts » excellemment interprété par son chanteur, qui monte sa voix aux cimes.
Pas de quoi tomber à la renverse, cependant moins poreux qu’un «
Hey Hey My My » redondant et pas très expressif. «
Axel Rudi Pell » se permettra de sortir un peu de son cadre avec un «
Burning Chains » inspiré par un «
Rainbow » période « Long
Live Rock’n’ Roll ». Les germains insistent néanmoins plus sur la puissance et la mélodie. Le rapprochement doit aussi à l’orgue, qui s’illustrera de belle manière sur un « High Above » particulièrement chargé et intense, mais souffrant comme d’autres morceaux du volume de ses longueurs. Ce qui ne sera pas le cas de « Changing Times » qui n’est autre que la fameuse perle que l’on cherche dans chaque album de la formation. Cette sixième piste s’impose par un son blindé, par une certaine subtilité, des riffs solides et un refrain entêtant. Il a fallu cette fois se montrer plus patient pour dénicher le trésor.
Je vois venir ceux qui connaissent déjà «
Axel Rudi Pell ». Ils vont s’attendre à du très classique, à un yaourt nature sans rien dedans, pas même du sucre. Il y a ceux qui en ont marre, et ceux qui prennent, malgré tout, histoire de se maintenir en bonne santé. Il est difficile de défendre un groupe qui donne trop souvent l’impression de rééditer le même album. On retient toujours la voix emportée de Johnny, les salves d’Axel, le fond semi-épique en toile de fond. Reste le batteur, qui j’avoue s’est montré très discret. Ce n’est donc pas avec ce nouvel album qu’ils rançonneront les ports et écumeront les nations. Juste un bateau fantôme qui vogue autour du monde, objet de conversation et de frissons de quelques anciens, nostalgiques de leur vie de vieux loups de mer.
13/20
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