Est-il réellement possible de mettre d’accord les fans les plus intransigeants de la scène black avec ceux du grindcore ? Vous revoyez déjà le tableau de la guerre fratricide qui opposait il n’y a pas si longtemps death metal et black metal. Hormis quelques exceptions comme
Dissection, ou plus récemment
Behemoth, les deux mouvements se sont toujours regardés en chien de faïence. Alors avec les grinders, qui se contrefoutent de leur look comme de
Satan, et qui en plus revendiquent le statut de champion du style le plus violent, il n’y a pas moyen de s’entendre, vont me dire les blackmétaleux. La réciproque étant sans doute vraie.
Oui mais voilà (revenons à nos moutons),
Anaal Nathrakh, lui, a réussi le tour de force de se faire aimer des deux camps, à tel point qu’il serait bien délicat d’apposer une étiquette stylistique en fer forgé aux anglais.
L’usage commun veut qu’on les rattache à la scène black, ce qu’eux-mêmes revendiquent. Certes. Pour autant, avec leur look de gendre idéal, leur habitude d’appeler Shane Embury ou Danny Herrera pour faire des piges sur scène ou lors des enregistrements, et leur nationalité anglaise (ouh le vilain cliché réducteur), la culture death/grind n’est pas négligée. Cessons donc cette digression qui n’a finalement que peu d’importance, dont le seul but est simplement de prouver qu’avec du talent on peut allègrement casser les barrières stylistiques souvent trop rigides qui régissent notre petit monde du métal…
Rentrons donc dans le vif du sujet, à savoir la musique. Et avec
Anaal Nathrakh, l’entrée en matière est vive,
Bellum Omnium Contra Omnes, comme vos vieux souvenirs de latin l’indiquent, n’est pas un hymne à l’amour.
Riff ultra rapide, ambiance black très guerrière, et ça blaste sans franchement souffler. Nous voilà déjà gonflés à bloc, la hache au poing, prêts à taillader tout ce qui bouge. L’enchaînement avec Between
Shit And Piss We Are
Born est redoutable.
Outre son titre encore une fois très suggestif, ce morceau qui a servi à faire les previews et la promo du disque est presque caricatural d’
Eschaton : une entrée en matière plutôt grind, avec un chant criard, un riff très basique, puis une accélération déhanchée typique, qui nous conduit brutalement au refrain qui bascule dans le black symphonique à grande vitesse, façon
Emperor, avec une mélodie épique et SVP un chant clair du plus bel effet. La mise à profit conjointe des deux écoles est prodigieuse, tant elle paraît naturelle et évidente.
Timewave
Zero et The Destroying
Angel laissent moins transpirer l’aspect symphonique, pourtant, vitesse impressionnante, puissance et intransigeance sont les maîtres mots. Ce qui est remarquable, c’est que malgré une brutalité et une vitesse qui confinent au black le plus brutal, on sent vraiment une maîtrise artistique incroyable qui s’appuie aussi sur une technique exemplaire. Des onces mélodiques parsèment les morceaux, et la cohérence harmonique n’est jamais effacée devant la violence musicale. Tout ce que je viens de décrire, d’une manière ou d’une autre, signifie bien qu’on est en face d’un grand disque de black metal. Et l’apport de touches grind est utilisé avec pertinence, car il permet à la fois de casser la linéarité des compos, et de réinjecter un soupçon de puissance dans une musique qui ne demande que cela. Ainsi, Waiting For The Barbarians nous emmène dans une ambiance épique, très guerrière, où tous ces différents ingrédients stylistiques sont assemblés avec talent. N’allez pas pour autant croire que l’album est trop linéaire et répétitif : avec par exemple When The
Lion Devours
Both Dragon And Child,
Anaal Nathrakh prouve qu’il sait aussi jouer du death technique et lancinant, en s’appuyant sur des riffs qui restent gravés dans la tête, élégants et monumentaux. La personnalité du disque en est encore rehaussée, l’atmosphère devient sur ce morceau délicieusement suffocante, sans perdre de sa prestance et son côté dramatique.
C’est d’ailleurs ce qu’il faut retenir d’
Eschaton. Dans sa capacité à pousser très loin la brutalité,
Anaal Nathrakh parvient à conserver une maîtrise artistique remarquable ; les touches mélodiques, tantôt portées par les guitares, ça et là renforcées par du chant clair du plus bel effet, permettent d’apporter une finition soignée à ce déferlement de haine et de violence. L’ombre d’
Emperor n’est pas très loin en fait… ce qui vous situe le phénomène.
Eschaton, de mon point de vue, est l’un des deux ou trois disques de l’année 2006, dans la catégorie du métal…extrême (histoire de ne froisser personne…).
Mention spéciale pour "Waiting for barbarians", qui m'a scotché à l'écoute.
Merci Anaal Nathrakh!!!!!!
Plutôt branché Grind que Black, j'ai tendance à parler d'Alchemical Grind, ou de Schizophrenic Grind. Mais peu importe ! C'est de la gastronomie Metal et c'est marre !
Et ce n'est pas fini !...
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