A travers les affres de la décadence musicale instaurée par
Therion ou
Blind Guardian, une nouvelle scène a progressivement germée. Amalgame d’une puissance totalement empruntée au métal, d’un lyrisme tiré du légendaire et d’une grandeur musicale inspirée de la musique classique, ces groupes ont aujourd’hui acquis un statut majeur sur la scène métal. Une vision musicale plus large n’y est probablement pas étrangère, une volonté de mélanger les étiquettes pour les rejeter encore plus loin et faire fi des conventions étouffantes et inadaptées à une composition d’une richesse incroyable.
Dans cette lignée, les suiveurs ont longtemps tenté d’atteindre le maître, rarement à ne serait-ce que caresser la cheville des dieux initiaux, souvent handicapés par des problèmes de production et de moyens; l’art du métal symphonique ou à tendance cinématographique nécessitant une qualité sonore irréprochable et une inspiration sans faille, les fans étant d’un niveau d’exigence souvent très fort. C’est donc ainsi que des artistes, pourtant très talentueux, tels que
Savage Circus,
Persuader ou
Neverland ont eu quelques soucis a réellement convaincre une assemblée plus que sur ses acquis. Trop de perfection tuant l’âme, la précieuse étincelle de génie semble parfois n’appartenir qu’au passé…
…c’est alors qu’"
Easton Hope" est sortie de nulle part. "
Vale" n’ayant pas réellement connu de popularité, il apparait aujourd’hui comme le premier album vivant une heure promotionnelle…et le voici enfin !
Non pas que le heavy métal ou le speed mélodique n’est réellement besoin de révolution, mais le power instauré par les allemands de
Blind Guardian ou
Running Wild semblait bien avoir du mal à vivre un second souffle, c’était avant que
Orden Ogan ne dévaste probablement tout sur son passage.
"
Easton Hope" s’affiche clairement comme l’une des révélations du début de l’année, à la puissance écrasante, aux mélodies enchanteresses, aux refrains ultimes et aux symphonies ne tombant jamais dans la surenchère et jouant judicieusement la carte d’une certaine mélancolie et noirceur musicale.
"Rise and Ruin" instaure un climat mélancolique, évoquant nostalgie et souvenirs dans une douce caresse symphonique emplie de grâce. Sans jamais avoir un sentiment de réel aspect pompeux, on ressent une grandiloquence belle et majestueuse, qui monte en puissance de manière épique…avant de se faire littéralement aplatir par ce jouissif "
Nobody Leaves" qui ouvre réellement l’album. Une production dantesque, puissante et très claire, au son de batterie écrasant et aux riffs tétanisant forment bientôt un mur dans lequel l’auditeur se retrouve dès les premiers instants. Seeb (chant) dévoile des trésors d’inspiration dans ses vocaux, parfois proche de Hansi Kürsch, mais à la personnalité affirmée, entre des couplets rageurs et un refrain plein de grandeur et de poésie (ces chœurs…). Une rythmique impitoyable, à la limite du thrash dans ses accélérations de double pédale, démontre que
Orden Ogan ne se limite à aucun genre et propose très rapidement une musique qui lui est propre. Un solo hallucinant, finissant sur une partie en tapping surmontée d’une double jouissive, envoie directement l’auditeur au septième ciel…qu’il ne quittera que peu de temps lors de cet ambitieux concept de près de soixante-cinq minutes.
Les orchestrations sont omniprésentes sans jamais être envahissantes, au contraire. Un morceau comme "
Easton Hope", laisse apercevoir une utilisation très sombre des symphonies, presque tragique (ces appels de cuivres saisissants), tandis que Seeb démontre toutes les facettes de son organe vocal, impressionnant de mélancolie, parfois éraillé mais toujours emplie d’émotions et de sincérité (et toujours ces rythmiques syncopées à se tordre le cou). La section rythmique est en constant mouvement (quel batteur ce
Sebastian Grütling) et offre toujours une démonstration de technique sans jamais succomber à l’appel de la démonstration. Si le groupe n’oublie pas parfois d’être plus direct et sans fioritures ("All These
Dark Years", "The
Black Heart"), il développe parfois des mélodies d’une beauté à couper le souffle ("GoodBye"), marquée par un sceau épique simplement splendide. "
Nothing Remains" et son ouverture au piano le démontre, avant une ouverture lumineuse de guitare et un solo magnifique. Le tempo s’emballe, les chœurs sont rapidement monumentaux (réalisés à l’aide d’une véritable chorale d’église) mais toujours marqués plus par la mélancolie qu’une volonté pompeuse d’en mettre plein la vue. Les lignes vocales sont une mine d’or, puissante sur les couplets, presque à bout et pleine de tristesse sur le pré-refrain (et cette mélodie…) avant un refrain mémorable et gracieux.
Flirtant plus facilement avec le power festif sur le décalé "We Are Pirates",
Orden Ogan peut également se targuer d’avoir écrite une ballade magnifique, chose finalement de plus en plus rare avec le temps. La bien nommée "
Requiem" offre ainsi la sensation de plonger dans un hiver lent et paralysé, fouetté par un souffle épique dont les superlatifs manquent pour le qualifier. Seeb y est impérial, sensible et imposant, d’une maturité stupéfiante, presque seul face à un orchestre que l’on sent monter en puissance, que l’on pourrait rapprocher de l’univers d’
Avantasia.
Puis le final…le rideau tombe…définitivement sur ce chef d’œuvre de presque neuf minutes répondant au nom de "Of Downfall and
Decline". Dès l’intro, les cuivres résonnent, l’explosion est immédiate, les riffs saccadés, la double pédale martiale et omniprésente, la mélodie vicieuse et tortueuse, terriblement originale. Les chœurs prennent progressivement place, presque terrifiants. Une ligne de basse slappée vient accompagner un vocaliste touché par le spleen, à la personnalité assurément unique. Morceau à tiroir, ce final offre de multiples cassures rythmiques et un développement des plus complexes, entremêlé par d’innombrables soli tout aussi mélodiques qu’ils ne sont tranchants et vindicatifs.
…écrasant et exténuant…puis tout semble fini…l’album se termine, mais la mémoire a tout retenu, et n’attend plus qu’une seule chose, d’être à nouveau rafraichie. Sortie presque de nulle part, "
Easton Hope" est déjà grand et admirablement complet, et sans doute une future pierre angulaire d’un style qui méritait un dépoussiérage.
Orden Ogan a fait plus que ça, il a actualisé un genre musical en le fusionnant dans de multiples directions tout en lui conférant une solidité, une fluidité et une cohérence impressionnante. Du haut du trône qu’il s’est lui-même érigé, il toise une scène dont il s’est magnifiquement extirpé. "
Easton Hope" est simplement grand.
combien de fois tu la lue ?
^^
Je pense qu'on ne perd pas au change!
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