Fallujah est un groupe déjà reconnu pour quiconque s’intéresse à la scène deathcore/death progressif. Déjà fort de deux albums dont un The
Flesh Prevail très remarqué par les amateurs de death technique et brutal à touches progressives et spatiales, le jeune combo californien nous revient en avril 2016 sur
Nuclear Blast avec leur nouvelle livraison,
Dreamless.
Ici, le quintette exploite au maximum la direction musicale initiée sur l’album précédent, à savoir un deathcore violent et sporadique enveloppé de longues plages atmosphériques et planantes à mi chemin entre
Born of Osiris et
Cynic. L’ambiance se veut plus que jamais stratosphérique, suggérant un voyage intersidéral, et le mélange détonant du combo entre brutalité death et mélodies spatiales atteint ici son paroxysme. Le son, extrêmement synthétique, n’aide pas à s’immerger dans ces 55 minutes, même s’il faut reconnaître qu’il se prête plutôt bien à ce style qui se veut froid et mécanique.
Face of Death s’ouvre sur le bruit mystérieux d’un espace vide et glacial et se mue en une musique épique à base de claviers planants, de percussions et de petits bidouillages électroniques. Puis les guitares arrivent, lourdes et saccadées, appuyées par une batterie subtile lâchant des salves de double pédale assassines avant que la voix d’Hofman ne résonne, bien agressive et puissante : tout cela s’enchevêtre, pour un morceau à la fois massif, lent, mélodique et aux forts relents progressifs.
Le choc n’en est donc que plus violent quand déboule
Adrenaline, bien plus rapide et percutant, démarrant sur les chapeaux de roue sur ce riff à la fois complexe et accrocheur. Gros blasts, growl ultra caverneux, beatdowns gras, envolées lyriques et virtuoses des guitares qui tricotent à tout va sur des rythmes atrophiés et affolants de complexité, le tout baignant toujours dans ces sonorités stellaires apaisantes… On a même le droit à une fin de titre feutrée et jazzy, qui fait la part belle à la basse et au jeu fouillé d’Andrew Baird.
D’une manière générale, le quintette alterne parties saccadées appuyées par une double supersonique et ces guitares progressives qui égrainent un chapelet de notes aiguës et synthétiques qui sonnent parfois comme un clavier. Le growl d’Alex Hofman, lassant sur la longueur car manquant de variété, cohabite parfois avec un chant féminin (
The Void Alone,
Dreamless, le bon
Abandon, qui semble garder une certaine cohérence mélodique, avec cette fin de titre entêtante avec notes spatiales, riffs en saccades et salves de double ultra carrées) qui incarne la facette plus atmosphérique de la galette.
Le titre éponyme coupe l’album en deux, proposant pendant 6,18 minutes une mélodie légère qui semble flotter comme en apesanteur, avec quelques vocaux chuchotés et lointains, une batterie aérienne et des guitares tout en fluidité. La suite sera plus mélodique et apaisée par rapport à une première moitié d’album plus agressive, et The Prodigal Son fera office de transition, avec un bel arpège et un nouveau riff de tueur, à la fois tordu et mélodique, suivi d’un deathcore à la fureur et à la complexité extraterrestres qui vient nous perdre dans un fouillis de rythmes et de riffs inextricables.
Le tout est évidemment incroyable de technicité, et la prestation des zicos force le respect, mais
Fallujah semble pêcher par ambition, tentant de concilier deux styles qui se heurtent parfois au sein d’un même titre de manière un peu forcée. L’espace sonore est parfois trop chargé par tous ces instruments qui s’enchevêtrent de manière un peu stérile, annihilant trop souvent l'émotion qu commençait à poindre.
Il est donc plutôt difficile de suivre le quatuor dans ses expérimentations musicales, et il est probable que de nombreux auditeurs risquent d’être écartelés entre la violence ponctuelle de certaines parties qui pilonnent sec (Scar Queen avec ces roulements de batterie supersoniques et les vocaux assommants du chanteur) et ce côté atmosphérique incarné par quelques passages entièrement instrumentaux assez légers (le début de
Wind Wings, titre plutôt réussi avec cette intro relaxante et progressive où les instruments metal viennent se greffer petit-à-petit tout en douceur). On constatera d’ailleurs que les Américains explorent toujours plus le côté expérimental et planant de leur musique, avec notamment Fidelio et Les Silences en deuxième partie d’album, qui nous plongent dans une sorte de sérénité vaporeuse sur fond d’électro ambiant spatial et éthéré.
Attention, on ne peut pas dire que
Dreamless soit un mauvais album : la dextérité des musiciens, la richesse instrumentale des pistes et la complexité des structures en font un album indubitablement intéressant, mais ces douze titres sont vraiment difficiles à aborder; on regrettera aussi un côté un peu trop intellectuel et artificiel, un manque de spontanéité qui étouffe l’émotion pure qui aurait pu nous emporter dans la béatitude du grand vide cosmique.
Voilà donc un album que les fans de progressif et de belles envolées guitaristiques pourront apprécier, mais qui risque de décevoir les fans d’un death plus direct et agressif. Même si on appréciera la prise de risque, on se tournera plutôt vers la livraison précédente de
Fallujah pour se prendre une grosse mandale car
Dreamless, comme son nom l’indique, ne fait pas vraiment rêver…
Pas super d'accord, personnellement je trouve l'apogée de la musique dedans : originalité, ambiance unique (surhumaine), technicité, diversité dans les chansons. Seul hic, la voix semble avoir perdue en variations par rapport à The Flesh Prevails, étrange.
Rien que le début de Face of Death me donne l'impression de transcender la misérable existence et d'atteindre les hautes sphères de l'univers, une sensation que je retrouve dans les chanson Dreamless et Lunca ainsi que The Night Reveals de The Flesh Prevails. Ce n'est surement pas un album à écouter en geekant ou en faisant du sport (enfin, pour certains), mais pour moi, c'est l'apogée. Quand je vois tous les groupes qui tombent systématiquement dans leurs clichés, ou dans une musique tout simplement vide d'intérêt. Honnêtement, j'adore les albums concept, un thème, un album. Et le cap est suivi jusqu'au bout.
Peut-être que Les Silences fait un peu tâche, des sonorités proches de Dreamless auraient été mieux à la place.
Assez surpris par la chronique à vrai dire car je dois dire que c'est à ce jour l'album de Fallujah que j'ai le plus apprécié.
Je trouve que ce mélange entre moments planants et moments violents est osé mais réussi. Et en plus, avec un côté progressif, que demander de plus ? Alors c'est vrai qu'il manque un peu de variation dans le travail vocal et peut-être qu'un ou deux morceaux font un peu tache mais dans sa globalité, je trouve vraiment l'album intéressant et captivant.
Merci en tout cas pour la chronique !
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