A l’automne 1985, les membres de
Killers quittèrent leurs verts pâturages du Pays Basque pour « monter » sur la Capitale enregistrer au studio
Campus puis mixer le fruit de leur second labeur au fameux studio Couleurs d’Auvers-sur-Oise sous la houlette de Laurent Thibault. L’ingénieur du son, encensé par le groupe sur l’envers de la pochette intérieure, parvint à donner à la production de cet album de
Killers une certaine ampleur et une rondeur massive dès lors que la rythmique, surtout l’attelage basse-batterie, et le chant étaient concernés.
Mais bon sang, quelle mouche a bien pu le piquer pour le son de guitare sur les soli de Didier Deboffe ? Est-ce un choix délibéré ou bien une erreur grossière ? A vouloir trop gonfler à bloc et moderniser le son de
Killers, les parties du soliste ressemblent à un croisement désastreux entre une corne de brume et une sirène de bateau ! La structure mélodique toujours aussi percutante des compositions de Bruno Dolheguy et Didier Deboffe perd aussi par moment son effet dévastateur suite à des périlleux choix de mixage. Imaginons l’instrumental «
Parabellum », si énergique avec sa ligne de guitare digne d’un groupe de black metal, s’il avait été encore mieux traité à la console. On se serait retrouvé plaqués contre le mur, sonnés, comptés et sauvés par le gong.
Malgré tout,
Killers conserve sur cette offrande de huit titres sa fameuse dose de vigueur et de fougue véhiculée par la paire de guitaristes, par Patrice Le Calvez au chant ainsi que par Michel Camiade à la batterie, assisté de son compère bassiste Pierre Paul. La pointe de naïveté de certains textes trahit encore la jeunesse du quintette mais à aucun moment l’auditeur ne pourra se dire que ces gars-là n’ont pas l’amour de leur musique chevillée au corps et une furieuse envie de réussir !
Pour y parvenir, rien de mieux que de nous offrir des hymnes à la trame lourde, moment de communion attendu avec les fans lorsqu’il sera venu le temps de les jouer live.
L’exemple du morceau ouvrant la face 1 est d’ailleurs représentatif de la couleur souhaitée par
Killers sur ce nouvel opus. « Heavy-
Metal Kids », porté par la frappe surpuissante de Camiade, va chercher au fonds de chaque individu le gène identitaire du rassemblement tribal, invectivé par la voix nasillarde de Patrice Le Calvez et ses paroles, simples au possible. La découverte du son horrible dont est gratifié le premier solo de Deboffe ne parviendra pas à nous écœurer de poursuivre l’écoute et contraste avec le grain corrosif du riff de Bruno et la dose de
TNT qu’il envoie.
Killers récidive avec le pamphlet au refrain viril et communautaire « Minorité », heavy en diable et dont le pont fait penser immédiatement au «
Metal Heart » d’Accept. La grenade est désormais dégoupillée. Au rayon du bon rock des familles que n’aurait pas renié
Trust, citons « A la santé de Bon », qui, loin d’être une chanson imbuvable, ne parvient pas tout à fait à prendre son envol.
Par contre, lorsque le groupe revient à ses fondamentaux speed, le combat est gagné d’avance.
« Bouffon » contient les ingrédients essentiels pour partir à la castagne. Malgré un son de batterie moyennement mixé sur la caisse claire, cette ode anti-CRS bouillonne d’une énergie brouillonne attisée par une frénésie de guitare et d’un passage de basse thermonucléaire de l’ami Pierre Paul. Le déséquilibre entre instruments arrache finalement un sourire à tout speed-freak en attente de sa ration d’avoine quotidienne.
La délivrance intervient avec « Maîtres du
Metal » qui fait l’effet de la foudre s’abattant sur la pinède des Landes. La double pédale bien présente s’accroche à un lead riff acéré et tranchant comme le fil d’un rasoir. Les couplets de Patrice Le Calvez rebondissent avec délice sur un rythme époumonant tracté par une basse hautaine et qui s’arrêterait presqu’avant d’avoir satisfait à toutes nos envies de conquête d’Empereur d’opérette.
La tuerie précédente laisse maintenant la place à deux perles de sensibilité et de feeling dont
Killers aura su se revêtir sans pour autant perdre de sa hargne.
La batterie claque et la basse ronfle avec chaleur sur « L’assassin », titre troublant par le thème abordé et poignant pour sa touche de douceur et de rage contenue. Le riff de guitare colore avec beaucoup de justesse et d’âpreté cette chanson qui se hisse parmi les titres majeurs de
Killers en matière d’intensité. Le solo parvient à sortir un peu son épingle du jeu alors que résonne toujours ce refrain entêtant « Tu es la mort, tu es le plus fort, tu es l’assassin. Un assassin, assassin à tuer ».
L’émotion monte d’un cran avec la deuxième perle « Délire de
Mort » qui, plus de six minutes durant, nous transporte vers les rives de l’autre Monde sur un tempo lent sublimé par une frappe de plomb de Michel Camiade et un refrain d’anthologie pouvant tirer des larmes au plus obtus des bourreaux de l’
Inquisition. Le traitement du son des guitares leur confère un cachet à la fois discret et stellaire pendant que le solo plus en toucher disparait derrière les vocaux abrasifs et singuliers de Patrice Le Calvez. « Je n’ai pas peur de mourir, je n’ai pas peur de souffrir, si telle est ta volonté, je veux bien me sacrifier », plus que des mots, une déchirante profession de foi.
La
Fils de la Haine n’a pas disparu. Tapi dans l’ombre, on le sent prêt à tout instant à nous sauter à la gorge.
Le groupe puise son énergie dans une envie indéfectible de réussir malgré un show-business à la française qui ne leur fait guère de concession. Dans une sorte de jeu à la vie, à la mort,
Killers se lance tête baissée et orgueil en avant dans la conquête de territoires inconnus, aidé par une base de fans qui n’aura de cesse de grandir. Style résolument heavy et approche détonante finiront par classer nos Basques bondissants dans la catégorie des sparring-partners dont il faudra se méfier dans le futur.
Didier – Décembre 2013
Dans un autre temps, je m'en allais errant
Cherchant mon chemin, je suivais mon instinct
Je fuyais la médiocrité, je voulais mon idéal
Détenir l'invincibilité
Je voulais être maître du métal
Merci Didier pour la chro. Ce disque, pour moi c'est "L'assassin". Je ne sais pas trop pourquoi mais j'ai toujours adoré ce titre, mon préféré peut être de toute leur discographie ou tout du moins de ce que j'en connais. J'attends maintenant avec impatience et curiosité de lire comment tu vas t'en sortir avec "Résistances", assez moyen à mon goût...
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