Le langage, outil stylistique complexe et souvent rabaissé à la qualité de seconds couteaux, n’échappe cependant pas à la mondialisation de cette langue anglophone devenue dominante dans un nombre incalculable de secteurs.
Quels groupes un tant soi peut ambitieux ne préfèrent pas aujourd’hui utiliser la langue de Shakespeare, simplement dans une volonté de compréhension du plus grand nombre pour commencer, puis d’une certaine simplicité il faut bien l’avouer.
Pourtant, certaines langues cachent des mines d’or enfouies.
Rammstein aurait-il eu le même impact sans la rigidité narrative du langage de Goethe ?
Tuatha De Danann serait-il aussi magique sans l’apport d’une certaine légèreté latine ?
Manigance serait-il si classieux sans la richesse naturelle du français ?
Car il faut bien admettre que le français est une langue très complexe, très littéraire et quiconque ose s’y frotter n’a pas le droit à l’erreur. Erreur totalement absente chez Didier Delsaux, parolier de
Manigance et proposant une prose non seulement belle mais souvent poignante et affreusement réaliste.
D’un Autre Sang, second opus longue durée des Patois, contiendra probablement des textes plus contemporains mais on ne peut plus édifiants de notre société ("Ange et Démon" et "L’ombre et la Lumière" étant plus métaphoriques !), traitant de guerre, de génocides et du certaines pertes de notre façon d’ « être ».
Qui ne pourra se retrouver dans les magnifiques paroles de "Mourir en Héros" (sur les tranchés), "L’héritier" (réminiscence de "Run To The Hills" ?), "Mémoires" ou le splendide "Damoclès" sur la découverte d’une maladie condamnant une vie à la mort?
Venons-en à la musique, on ne peut plus professionnelle et travaillée, à l’image des paroles. Il faut dire que
Manigance dispose avec François Merle et Bruno Ramos de véritables tontons flingueurs de la six-cordes, comme le prouve le démarrage en trombe d’"
Empire Virtuel", qui n’est pas sans évoquer les virtuoses américains de
Symphony X (rien que ça !).
Ces guitaristes ont ce petit truc qui fait toute la différence, ce talent inné qui leur fait dévaler des plans tous aussi techniques les uns que les autres mais avec un naturel désarmant, sans jamais trop en faire ni tomber dans la démonstration. Le solo de "Mourir en Héros" en est le parfait exemple, un bonheur d’écoute lié à une instrumentation aussi subtile que fouillée, n’oubliant pas les claviers pour renforcer un certain aspect épique.
Et quelle voix ! Magnifique et pleine d’émotion. "Damoclès" ne pourra laisser personne indemne en raison de l’intensité de son chant, criant de vérité tandis que Didier sait se faire plus vindicatif lorsque les affres de la "Mémoires" nous offrent la malheureuse possibilité d’oublier des actes qui jamais plus ne devront rester inconnus.
La ballade "La
Mort Dans l’Ame", superbe au piano confirmera le talent de ce chanteur exceptionnel et polyvalent, sachant se faire bien plus sombre et abattu sur le très noir Maudit, au riff plombé et lourd.
Quelques faiblesses rythmiques sur le titre éponyme ainsi qu’un "Hors la Loi" un peu trop proche du hard rock de Sortilège à mon goût viendront cependant gâcher une fête qui s’annonçait totale.
La production signée Merle est également perceptible concernant la batterie, incroyablement creuse et sans relief (c’est le problème de tant de groupes…la batterie est un instrument très complexe à sonoriser !) même si, pour le reste, elle s’en tire avec les honneurs, notamment au niveau des grattes incisives et assassines.
Un très bon album au final pour n’importe quel fan de heavy speed (à noter que le tempo est largement plus élevé sur cet album que sur le précédent !) francophone qui, une fois octroyé de ses défauts, deviendra un modèle du genre deux ans plus tard sous le nom de "L’ombre et la Lumière".
Mais ceci est une autre histoire…
A découvrir d'urgence!!! J'attends le prochain album avec impatience...
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