À chaque album sa charrette d’affaires extra-musicales, ainsi fût émaillée l’histoire de
Burzum jusqu'à son "Hlidskjalf" de 1999, reléguant souvent l'aspect purement musical au second plan. Onze ans plus tard, le constat n'a pas changé pour ce tout nouveau "
Belus", premier album enregistré hors du milieu carcéral depuis "
Filosofem" (mis en boîte en 1993 et publié en 1996) par le seul et unique maître à penser du projet, le norvégien Varg Vikernes. C'est tout d'abord le changement de l'intitulé du disque, initialement prévu pour être "Den Hvite Guden", soit "Le Dieu Blanc", ce qui peut évidemment gêner quand on connaît l'idéologie du gonze, … c'est ensuite le coup du reversement d'une partie de l'argent récolté via les ventes de "
Belus" aux victimes de la catastrophe d'Haïti alimenté par une page web plus que douteuse, … et voilà que déboule l'habituel imbroglio de faits concrets, de polémiques et de rumeurs plus ou moins avérées mais assurément très controversées qui auront de quoi alimenter les discussions et donner aux biographes matière à écrire une nouvelle page de l'histoire de
Burzum, aussi longue que son casier judiciaire est gratiné.
Le cadre contextuel est planté, inutile de s'y appesantir davantage, votre écrivain du jour n'étant pour l'occasion point biographe mais chroniqueur. Place à la musique donc…
Et bien là aussi, la recette n'a pas changé, ou très peu.
Faisant une croix sur les essais ambiants bas de gamme tout en poursuivant sur les thématiques païennes qui lui sont chères, Vikernes retrouve Pytten et ses légendaires studios Grieghallen pour sonner avec "
Belus" le grand retour aux sources du black metal tant attendu et espéré par bon nombre de nostalgiques qui en auront ici pour leur Comte … enfin, je voulais dire leur compte, bien entendu. Car l'impression qui prédomine est celle de déterrer des morceaux fossilisés de l'époque 1991-1993, conservés tels quels, quasi-inaltérés malgré les années, avec en tête ce grain de cordes électriques, grésillant, parfaitement reconnaissable entre milles, sec et rêche comme l'écorce d'un arbre séculaire.
Après l'intro "Leukes Renkespill" aussi fugace que dispensable, ne serait-ce pas là le riff de l'ouverture de "
Jesu Død" qui affleure sur celle de "
Belus' Død" ?! … Non, bon sang, ou du moins pas tout à fait. Il s'agit d'une variante, de son faux jumeau distinguable après réécoute, mais il faut avouer qu'au premier abord, c'est à s'y méprendre ! Point d'enchaînement sur la double grosse caisse ensuite, mais "
Belus' Død" donne le ton, confirmé par la suite de l'album : Vikernes reprend les choses là où ils les avaient laissées avec la facette de "
Filosofem" développant un black metal à l'essence automnale selon des harmonies simples et des tessitures répétitives, entre lenteur hypnotique et tempo plus soutenu sans pour autant être agressif, avec néanmoins un songwriting plus élaboré, dans la veine de "
Hvis Lyset Tar Oss".
Ainsi, "
Belus' Død", "Glemselens Elv" et "Morgenrøde" défilent suivant un ouaté flot continuel, entêtant tout en induisant suffisamment de nuances dans les accords et tonalités, suffisamment de détails subtilement accrocheurs pour ne pas lasser, tel le développement évolutif des percussions sur la seconde partie de "Morgenrøde". La coloration mélodique, particulièrement vivace sur "Glemselens Elv", rapproche alors quelque peu
Burzum d'un
Summoning période "Dol Guldur", ce morceau dégageant une légère saveur de "
Nightshade Forests", les claviers en moins.
Des claviers avec lesquels Vikernes n'a jamais été véritablement convaincant à mon sens, et je me réjouis donc de constater qu'il a quasiment renoncé à l'emploi de cet instrument, exception faite de discrètes incursions au sein de "Keliohesten" sous forme de sonorités de cors, y insufflant un semblant d'élan épique, en même temps qu'elles éveillent l'attention de par l'intéressant décalage qu'elles offrent avec la vélocité de la rythmique, comme le fait l’alternance dynamique des passages en voix claires psalmodiées et des séquences rapides et revigorantes dans un "Kaimadalthas' Nedstigning" fort d'une progression au relief accentué.
"Sverddans", quant à lui, se pose en point de démarcation en plein milieu du disque, faisant jaillir des souvenirs plus reculés, ceux des temps de l'éponyme, de la vélocité et la concision du morceau en question jaillissant le spectre de "
War" armé de son solo guerrier.
"
Belus" marque le retour de ce que beaucoup considèrent comme une légende (très souvent pour les mauvaises raisons, cela dit), mais point de révolution Varg ne déclenchera, car Varg fait du Vikernes, ceux qui aimaient s'amouracheront à nouveau, et ceux qui crachaient allégrement dessus continueront à user de leur salive. L'histoire se répète.
Pour ma part, je trouve l'écoute de ce "
Belus", non pas transcendantale, loin de là, mais agréable et plaisante. J'y trouve, à l'exception de "Sverddans", une sorte de paix et de sérénité toute bucolique, quelque chose de plus lumineux que ce qu'évoquaient les vieilles œuvres.
J'apprécie par ailleurs l'adoption d'un timbre vocal différent, plus rauque et profond que par le passé. Un timbre que je trouve mieux en harmonie avec l'atmosphère sylvestre imprégnant l'instrumentation que cette sorte d'étranglement aigu et torturé qui m'a toujours fait grimacer, comme ces travers faciles et exagérément répétitifs que je retrouve au détour de l'interminable conclusion "
Belus' Tilbakekomst", égrenant ses percussions comme le tic-tac d'une horloge se rapprochant peu à peu de l'heure du retour de
Belus, mais rapprochant inexorablement ma pomme de l'heure d'aller se pieuter.
Dommage, mais là n'est pas ce qui me chiffonne le plus. Non, c'est surtout le fait que "
Belus", sorti de tout son contexte extra-musical et de la célébrité du personnage de Vikernes, a tout de l'album qui serait passé quasi-inaperçu. Démonstration : qui, par exemple, avait repéré il y a un peu plus de 3 ans de cela et se souvient encore aujourd'hui du "Philosophy of
Winter" des hongrois de
Forest Silence, réalisé dans un style totalement
Burzumien (ou
Burzumesque ?), à l'extrême limite du plagiat, et à la qualité ni meilleure ni plus mauvaise que celle des œuvres de son mentor ? Hein ? Ah ! J'en vois deux que lèvent le doigt au fin fond … Mais ça pèse pas bien lourd tout ça, vous en conviendrez… Et des exemples comme celui-ci, il y en a à la pelle !
Cependant, l'histoire est ce qu'elle est : le retour de Varg d'entre quatre murs était attendu de pied ferme et le norvégien a eu fort heureusement le bon goût d'éviter de resservir sa fadasse soupe ambiante et l'honnêteté de proposer ce qu'il sait jouer le mieux, à savoir un black metal à haute teneur atmosphérique, se voulant ensorcelant dans ses leitmotivs autant que dépouillé dans sa mise en forme, sans artifices ni fanfreluches superfétatoires.
Bref, de l'authentique
Burzum sans chichi, quoi.
Raziel_88, oui, toutes les psites sont plutôt lentes. Mais un conseil écoute les 4 premiers albums qui sont largement au dessus de cet album et surtout à des années lumières du dernier! ;)
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