Nous espérons souvent, enchaînés à une pensée quelque peu fanatique, que l’émotion nous gagne encore à l’écoute d’une nouvelle œuvre évidente jouée par ceux qui furent, autrefois, coupables d’un premier émoi. Nous attendons donc toujours avec une fébrile impatience la nouvelle fresque de musiciens dont nous savons tout le talent. Cette habitude de ne fouler essentiellement que terres connues, nous poussant à nous intéresser surtout à ce que nous connaissons et à dédaigner parfois d’énigmatique espoir bien trop peu exposé, est la branche la plus fertile sur laquelle poussent, de temps à autres, d’étonnants bourgeons méconnus mais superbes.
Et rien ne pouvait vraiment laisser présager que
Dragonland, formé en 1999, pourrait prétendre à une quelconque éclosion magnifique tant par le passé il aura produit une musique bien trop impersonnelle,
Power aux reflets très similaires à celui de
Rhapsody, pour véritablement offrir un quelconque intérêt. Pourtant en poursuivant sur l’idée primordiale de cette opiniâtreté salutaire à vouloir inscrire sa musique dans une vision plus personnelle, démarche entamée avec l’album
Starfall, le groupe va incroyablement mûrir.
Avec ce quatrième album,
Astronomy, les Suédois donnent un relief particulier à son propos, mêlent avec discernement de nombreuses influences. A la fois Heavy, à la fois symphoniques, à la fois progressives et à la fois néoclassiques, il nous démontre ici tout l’étendue de son talent. À l’énoncé d’un tel nectar, aux particularités si variées, la complexité d’une musique technique et grandiloquente, à l’incessant étalage de capacités, certes, extraordinaires mais impuissantes à véhiculer la moindre émotion, nous effleure, désagréablement, l’esprit. Pourtant
Dragonland ne cède jamais à cette facilité nombriliste démonstrative, et nous offre les plaisirs simples de moments tout simplement excellents. L’emphase solennelle de son visage orchestral demeure également très mesurée et ses constructions, d’une lisibilité exemplaire. Ainsi des titres tels que l’excellent Supernova, l’admirable Cassiopeia aux voix féminines célestes superbes, mais aussi le bon Contact, par exemple, en témoignent.
Evoquons aussi un sublime Beethoven’s
Nightmare, digression aux guitares et aux mélodies néoclassiques subtilement mêlées aux pianos superbement virtuoses, pour un résultat captivant. Cette pièce véritablement charmeuse, dont le propos évoque la surdité du génial compositeur allemand, lui rend un hommage vibrant. Elle se propose, subrepticement, de nous rappeler quelques-unes de ses compositions, avec notamment une très jolie improvisation autour de sa Sonate au Clair de Lune.
Dans le paysage de ces éléments soufflés par des influences diverses, unies avec un discernement délicieux, les Suédois ajoutent ceux d’origines plus extrêmes. De sorte que certains morceaux se parent, furtivement, de voix écorchées, criardes et gutturales, et de rythmes binaires agressifs, symptomatiques, toutes proportions gardées, du Thrash ou du Black. Citons, par exemple, le merveilleux
Antimatter ou encore Direction Perfection.
Pour clore cet incroyable voyage,
Dragonland nous propose un instrumental de près de quatorze minute articulé en un triptyque intitulé The
Old House On The Hill synthétisant parfaitement le style de cette formation, exception faite, peut-être, de ces éléments plus ''extrêmes'' qui le caractérisent, ce tableau final est scénarisé de telle sorte qu’il ne laisse jamais poindre un quelconque ennui.
Nul doute qu’avec cette œuvre admirable
Dragonland ne devrait avoir que considérations méritées. Pourtant, a contrario de certains de ses camarades bien moins inspirés enfermés dans un confort et une routine artistique déplorable, il ne récoltera, sans doute, jamais la juste reconnaissance née d’un album aussi réussi et aussi séduisant. Regrettable...
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