L’album
Antipop sorti en 1999 marquera le dernier tournant de la carrière de
Primus. D’abord, cet album se fera sans Tim Herb’ Alexander qui avait quitté le groupe en 1996 pour divergences musicales. Ensuite car ce sera à la suite de cet ultime opus que les trois « fous » de San Francisco se sépareront, et ce malgré quelques retours lors de tournées évènements. Avant
Antipop, les moments forts du groupe furent le génial album Sailling The Seas Of Cheese, album référence depuis 1991, et la renommée internationale renforcée par la composition fin 1996 de la musique du générique de la série-animée South Park.
Antipop devait être le dernier album avant l’entrée dans le deuxième millénaire, et pour le coup,
Primus a mis le paquet. D’abord par un style résolument plus rock qu’avant. Le coté décalé et humoristique auquel nous avait habitué le groupe est toujours là, mais cette fois la pluie de clowneries laisse sa place à de la « loufoquerie aristocrate ». En effet, dans l’ensemble le style est plus carré, plus maitrisé qu’avant, plus sérieux. Les structures des chansons sont alors plus académiques, avec moins d’improvisations délirantes.
Cependant, le
Primus qu’on connait demeure, et l’état d’esprit détendu et drôle qu’on connaissait chez eux n’est pas mort.
Le groupe s’est également fait plaisir avec quelques collaborations musicales plus ou moins inattendues, comme Tom Morello, l’ancien guitariste au style rappeur de
Rage Against The Machine et de
Audioslave,
Jim Martin connu pour avoir joué dans
Faith No More et
Angel Dust ou James Hetfield qui cette année-là mit de coté
Metallica pour venir partager quelques trucs de musique avec les San Franciscains. Coté production, on notera aussi les contributions de Matt
Stone (co-créateur avec Trey Parker de la série South Park) sur Natural Joe, du magnifique Stewart Copeland (Police) sur Dirty
Drowning Man et de l’exaspérant Fred Durst (
Limp Bizkit) pour Laquer
Head.
Mais surtout, le disque sera clôturé sur Coattails of a dead man, un duo entre
Primus et un vieil ami fort sympathique, à savoir le génial Tom Waits, qui avait déjà participé à un duo avec
Primus sur la chanson Tommy The Cat de l’album Sailling The Seas Of Cheese.
Peut-être un bon présage donc, quand on connait le succès qu’ont eu les mers de fromages.
L’album recevra un accueil mitigé chez les fans malgré un large succès commercial.
Primus avait cherché à séduire un public plus large en limitant les clowneries et en orientant la musique vers un coté résolument rock-heavy, et ce demi-succès de
Antipop les avait donc précipité vers la rupture, même si encore une fois des tournées évènementielles ont lieu, et que des rumeurs de nouvel album persistent.
Avant un détail plus approfondi des chansons, il convient d’abord de dire que cet album est fabuleux, car bien que différent de tous ses prédécesseurs,
Antipop regorge de nouveautés et de bons moments, ce qui en fait en ce qui me concerne, un très bon album, à l’instar du fameux Sailling The Seas Of Cheese.
L’intro consiste en un avant goût de dix-sept secondes de la superbe et dernière chanson Coattails of a
Dead Man.
Un lancement à la one, two, three, puis on attaque sur le premier tube du disque, à savoir le génial Electric
Uncle Sam. Tube disais-je, car le son très rock nous séduit dès les premières notes de basse de
Les Claypool, la guitare saturée de Lalonde, et la batterie de Mantia très pointue.
Les paroles de la chanson ont aussi concouru à faire de cette chanson un must, et notamment lors du trippant refrain : « don’t get caught with your fingers in my pie .. ». Le rythme et la voix de
Les Claypool font plaisir à nos oreilles. Une belle entrée en matière donc.
Natural Joe est excellente elle aussi. La basse de Claypool est jouissive sur ce rythme trépidant tout le long du morceau, mais plus encore sur le pont qui permet surtout à Larry de nous jouer un solo divin, dans un ton heavy semi-saturé et semi-psychédélique.
Le plaisir reste intact sur un Laquer
Head très prenant, ou la guitare fait métronome avec une note unique. Puis la guitare reçoit en réponse un son de basse percutant de Les, qui nous fait un grand numéro. Le batteur dans tout çà ? Pour le moment Bryan Mantia se contente de suivre le rythme. Son style est résolument plus discret que Herb’, cependant on notera un bon son de ses tomes impeccables à l'instar de son prédécesseur. Et justement pendant les refrains, il s’essaie quand même à faire des petits combos à la Tim Alexander, et çà rend plutôt bien.
A noter aussi que cette chanson est très spéciale pour Claypool, car elle a pour thème la drogue, qui fut selon lui indissociable de sa jeunesse et une bataille difficile pour en sortir.
La chanson
Antipop démarre par une petite ambiance qui n’est pas sans rappeler dans le fond l’introduction de la chanson
Black Sabbath, à savoir des cloches, la pluie. Mais ici,
Primus remplace l’orage par un petit grelot de chèvre. Puis survient un son lourd de basse. Le batteur se détend un peu les bras. Le couplet est dominé par la rythmique de la basse, mais par-dessus Larry Lalonde nous sort quelques arpèges au style mélancolique. Le refrain est également réussi avec une ligne de chant rapide séduisante, et des paroles amusantes par leur répétition rapprochée et la justesse des rimes : « i am the
Antipop, i’ll run against the grain till the day i drop, i am the
Antipop, the man you cannot stop ». Très rythmé donc.
Eclectic Electric est une chanson au style quasi progressif durant environ huit minutes. Le rythme est plus lent dans un premier temps, mais la longue introduction de deux minutes est musicalement une merveille. Les quelques accords de guitare du début sont joués par James Hetfield, et
Jim Martin joue également quelques accords ci et là.
Des rythmes psychédéliques s’enchainent, et c’est sur cette séquence que le batteur Mantia nous délivre des lignes proches de celles de Herb’ avec un style très personnel.
Les couplets sont très sombres, avec des mots amers.
S’ensuit un pont très rapide de slapping-basse d’anthologie, ponctué de la voix de Claypool qui devient épileptique, puis ce grand refrain déclaratif très puissant.
Primus nous avait rarement habitué à une telle débauche d’énergie en un refrain. La suite de la chanson se compose d’un autre pont dominé par la guitare très juste de Lalonde et une reprise du couplet de début. Cette chanson recouvrait une structure discontinue grossière typique des premiers albums.
Greet The Sacred Cow qui commence par la voix d’un minaret subit effectivement une petite influence orientale au niveau des arpèges de la guitare. La rythmique sortant de la basse de Claypool est ici encore monstrueuse, et la mélodie globale est trippante à souhait. Pour le coup on était revenu à une structure musicale classique.
Venons-en à
Mama didn’t raise no fool qui hélas agace très vite. La mélodie de basse est ici quelconque, moins puissante, et on ne sait pas trop comment se placer sur ce rythme trop joyeux sans nuance.
Vient alors la grande chanson de l’album à savoir Dirty
Drowning Man avec une mélodie qu’on entonne dès la première écoute. La folie est atteinte sur le milieu de la chanson lorsque des inconnus entonnent l’air en aparté de la voix de Claypool. On croirait une confrérie champêtre de mecs bourrés qui essaient d’imiter la basse, et on y retrouve bien le coté décalé du groupe : chanter comme une merde c’est valorisant.
Ballad Of Bodacious est comme son nom l’indique une ballade très entrainante, avec un thème à la guitare vraiment inoubliable ; ici, la basse ne sert donc que d’accompagnement, sauf en outro.
Power Mad est un bon rock, mais me laissant personnellement sur une mauvaise impression, car on ne rentre jamais réellement dans la chanson. La mélodie se rapproche pourtant, dans SES NOTES (non dans le son) d’une mélodie qu’aurait pu jouer un groupe typique du heavy metal des 70’s. D’ailleurs ce choix peut s’expliquer par le fait que la chanson est antimilitariste et que chanter sur un air très heavy, c’est une façon de dresser un clin d’œil à cette période de rébellion (mouvement punk) contre la société de consommation, et également période très militaire, avec la guerre du Vietnam, les coups d’états en Amérique du Sud et autres conflits. Mais ici la voix de Claypool semble ne pas se marier sans accrocs avec ce nouveau registre pour
Primus. C’est choquant, et on préfère passer au douzième titre.
The Final Voyage Of The
Liquid Sky, titre à rallonge, a toutes les apparences d’un classique de
Primus. Déjà par ce titre surréaliste (le dernier voyage du ciel liquide).
Ce titre s’inscrit dans un style progressif, dans lequel le groupe a recours à de nombreux effets et de sonorités se rapprochant de l’electro pour installer une ambiance sombre. Des passages plus puissants grâce à la basse de Claypool viennent casser ce rythme lancinant.
Pour finir, Coattails of a deadman est une chanson démentielle. L’instrumental se résume surtout au mellotron au son tragique, joué par maitre Tom Waits, qui de plus chante. La voix aux cinq paquets de cigarettes quotidiens de ce dernier est reconnaissable entre mille. Loin d’être ridicule, ce treizième morceau nous propose un refrain inoubliable avec ces mots si significatifs « on the coattails of a deadman, she’ll ride, she’ll ride ». Il paraitrait même que cette chanson traiterait du rôle de
Courtney Love dans la mort de
Kurt Cobain.
Au-delà de çà très bonne chanson.
Mais ce n’est pas fini, car une minute de silence plus tard se cache une chanson bonus, qui est un remix de la chanson The Heckler, présent sur l’album live
Suck on This de 1989.
Un grand album de
Primus, plus accessible sans doute que les autres. De belles trouvailles, un style plus rock très réjouissant, de bonnes compositions agrémentées de collaborations de qualité comme celles de James Hetfield, ou Tom Waits.
Grandiose.
17/20.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire