« L’identité n’est pas donnée une fois pour toutes, elle se construit et se transforme tout au long de l’existence »
Amin Maalouf
Musicalement, on peut avoir coutume de penser qu’une identité artistique se résume à un membre, à une voix ou un compositeur. Et, selon les situations, qu’elle subsistera aux changements de personnels comme elle pourra en être irrémédiablement impacté.
Quand
Nightmare perd sa voix en après "
The Aftermath", c’est une identité forte qui s’efface. C’est celle que Jo Amore et son chant si particulier (le «
Dio français » comme la presse aimait l’appeler) avait façonné depuis tant d'albums avec l’aide de Yves Campion (basse) et de leurs multiples partenaires. Si les guitaristes et compositeurs s’étaient succédés au fur et à mesure du temps en parvenant à conserver une identité propre, peu avaient espoir de voir
Nightmare rester celui qu’il était sans son chanteur émérite. Repartir à zéro ? Engager un jeune sans bagages ? Ou un vieux briscard déjà connu ? Les grenoblois avaient pris tout le monde de court en recrutant la célèbre Magali Luyten, certes connue de la sphère heavy power metal mais opérant déjà pour un chant féminin mais paradoxalement dans une veine bien plus agressive que ne l’était son prédécesseur. On l’avait connu pour
Beautiful Sin, pour
Epysode ou
Virus IV et nous savions effectivement où allait le groupe. Les guitaristes Matt Asselberghs et Franck Millileri s’en étaient alors donné à cœur joie en concoctant un "
Dead Sun" emplie de riffs beaucoup plus violents, puisant dans le thrash voir le death comme l’avait été la tentative plus extrême de "
Genetic Disorder" quelques années plus tôt. Le résultat avait été un disque plus sombre mais qui perdait justement l’identité de
Nightmare, dans lequel il était difficile de se frayer un chemin dans ce dédale de riffs et de double pédale dans lequel ne ressortait que peu de mélodies ou de lignes vocales marquantes, choses qui étaient tout de même ce qui fondamentales dans le succès de disques majeurs comme "
The Dominion Gate" ou le superbe "
Insurrection".
Deux ans et Magali, fidèle à sa réputation (un peu comme Kelly Carpenter) de ne jamais enregistrer plus d’un album avec le même groupe, quitte le groupe pour se focaliser sur de nouveaux projets. Retour au point mort. Retrouver un homme ? Continuer avec une femme ? Le choix du groupe se portera sur une jeune inconnue (pour la majeure partie du public tout du moins) en la personne de la belle Madie (Marianne Dien) au CV encore relativement vierge.
Un changement de batteur plus tard, "
Aeternam" voit le jour et il est peu dire que tout le monde n’était pas spécialement optimiste pour l’avenir de ce combo pourtant aux allures de groupe culte français. Je ne dirais qu’un mot. Quelle claque ! (ça en fait deux)
La production signée Simone Mularoni est déjà un modèle du genre comme il sait si bien le faire. C’est bien simple, depuis "
Insurrection" et le son d’Achim Koehler, jamais
Nightmare n’avait aussi bien sonné, avec un équilibre parfait entre puissance, modernité, tradition et surtout cette sensation d’énergie qui déborde de chaque instrument. Et s’il commence à se dire qu’"
Aeternam" prend une voie bien plus mélodique via le timbre plus léger de sa nouvelle vocaliste, ce serait un raccourci incorrect que de coller une image moins conquérante de ce onzième album.
"
Aeternam" est emplie d’une énorme puissance et parvient à créer un équilibre entre la rugosité de certains riffs, les mélodies vocales et la relative brutalité de certains passages rythmiques là où on pouvait reprocher aux deux précédents opus une dimension trop uniforme dans laquelle chaque morceau avait tendance à se ressembler en optant pour des schémas trop ressemblant.
Ici, chaque composition dispose d’une identité propre, d’une cohérence qui s’inscrit dans un plan d’ensemble, faisant d’"
Aeternam" un disque complet et cohérent, formant un tout quasiment conceptuel et non un ensemble de chansons comme c’était trop le cas précédemment. On retrouve une âme et une aura qui fait que chaque morceau trouve sa place dans cet album et non dans un autre, à l’instar de ce qu’était "
The Dominion Gate", "
Insurrection" et, dans une moindre mesure, "
The Burden of God" (sur lequel on reprochait surtout la production avant de parler des compos).
D’un "
Lights On" au caractère heavy mélodique très lumineux à son successeur éponyme ultra burné et thrashy (quel jeu de batterie du nouveau venu Niels Quiais) en passant par le caractériel quasi death mélodique de "
Black September", "
Aeternam" ne se refuse rien et passe en revue toutes les forces vives du combo sans jamais perdre l’auditeur ni faire preuve de facilité. Les compositions émaillent de petites idées, de cassures rythmiques tout en conservant des lignes vocales catchy qui rentrent inéluctablement en tête. Car c’est bien là l’une des principales différences entre Magali et Madie. Si la première bénéficiait d’une puissance naturelle qui apportait une indéniable noirceur à la musique, Madie a un background moins metal, lui permettant, même quand elle montre les dents ("The
Passenger"), de conserver une approche mélodique et très chantante.
C’est de cette façon qu’un "
Divine Nemesis" basé sur une cavalcade bien heavy (si Maiden rencontrait du thrash) se permet un pré-refrain de toute beauté ponctué de claviers atmosphériques sans jamais sonner symphonique ou prétentieux. Les influences plus extrêmes des guitaristes éclatent également sur un "Downfall of a
Tyrant" au riffing carrément black metal vicieux, conférant une ambiance des plus épiques à la composition. Madie s’y trouve tout autant à l’aise dans ce registre plus grave, profond et sérieux, avec comme point d’orgue un refrain impérial avec quelques chœurs permettant d’appuyer le ton solennel du morceau. Il en va de même sur le lourd et claquant "Under the Ice", aux riffs hurlants et à l’atmosphère ténébreuse, aidée par quelques incursions de growls lorsque le tempo s’accélère.
"
Aeternam" se démarque également par le fait que chaque titre semble avoir des points de repères pour l’album, possède ce petit quelque chose qui le démarque des autres. Entre les titres déjà nommés, le final au tapping du sublime "
Crystal Lake" (un peu de
Arch Enemy là dedans...et ce n’est pas la première fois !) ou le trio vocal de "Anneliese", "
Aeternam" se distingue par sa grande variété de tons, d’ambiances tout en conservant une grande cohérence et homogénéité.
Yves Campion est parvenu à canaliser ses troupes pour concocter son meilleur album depuis plus de dix ans et, si les conditions actuelles n’inspirent pas au franc optimisme, il pourra du moins se targuer d’être toujours totalement dans le coup en 2020. Sans spécifiquement apporter grand chose de neuf,
Nightmare propose un disque complet et emprunt d’une totale maîtrise de son sujet, risquant de marquer plus durablement la scène que ses deux ou trois opus précédents. Un nouveau départ ? Tous les feux sont au vert pour que ce soit le cas. Ne reste que l’épreuve de la scène, quand elle sera disponible, pour faire exploser aux yeux de tous cette nouvelle frontwoman. Ad vitam Eternam ...
Très bonne chronique et très juste. L'album tourne depuis quatre jours et je ne trouve pas vraiment de points faibles.
On sent les musiciens bien impliqués et le fait de changer de chanteur.se régulièrement doit les aider dans leur création musicale je pense.
Mention spéciale à Divine Nemesis qui est un bijou dans tous les domaines.
Mis à part "The Burden of God" que je trouve mollasson et trop faiblement produit, ce groupe me bluffe à chacune de ses sorties depuis le monumental "Dominion Gate" ou le mésestimé, mais néanmoins excellent "Genetic Disorder". Je reconnais volontiers faire partie des inconsolables du départ de Jo Amore. Pour autant, les riffs bien dark de cet Aeternam sont monstrueux et placent Nightmare tout en haut de la scène Heavy/Trash actuelle. Chapeau! \m/
Après moulte écoutes le verdict tombe: album avec une production irréprochable , un son magnifique la nouvelle chanteuse fait honneur à son nouveau poste,(l'ayant rencontré avec son deuxième groupe ,elle est très sympathique )il me tarde de les voir en live, seul bemole ce côté un peu symphonique beaucoup plus présent que sur Dead Sun qui est pour moi supérieur à celui ci.
Malgré ça Aeternam reste un très bon album
C'est carré, puissant, brutal par moments. Les relents légèrement symphoniques sont même bienvenus, le timbre de la chanteuse, locale de plus !, convient parfaitement. Ca puise dans le death mélo avantageusement. Aucun ennui dans les réécoutes. On peut classer ce dernier pous parmi les grands albums français de l'époque. Nightmare maintient la barre très haut sur la scène française et peut légitimement s'étalonner parmi les meilleurs du genre à l'international.
Dieu que c'est bon !
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire