Savez-vous à quoi reconnaît-on la chute d’une civilisation ? Tout simplement lorsqu'en l’espace de moins d’un siècle, on passe de la volonté de puissance de créer le surhomme à celle d’espérer en devenir un. Une fois ce constat établi, que reste-t-il à faire ? S’asseoir et regarder la fin du film ou tenter autre chose. L’Art ouvre la porte à l’accomplissement de rêves terrifiants.
A New Race for a New World parachève le contre-feu allumé par Planet Zog –
The End pour ensevelir une société dite moderne sous ses propres cendres.
Le service de propagande de
Herr Wodhanaz ne cesse de tourner à plein régime. Son organe de prédilection,
Ad Hominem, se renforce au premier regard : le blason s’est densifié passant de l’épurée, rune Algiz renversée, tout en barbelés, à la Croix de Fer aux pointes tranchantes, sanglée d’une double cartouchières, intégrant la rune initiale, signe d’affirmation et de fierté. Le message est clair la faction devient armée. Le loup solitaire rassemble, forme et équipe ses légions.
Kaiser prend place au milieu de chars et de bataillons de soldats tapis dans l’ombre. Bien sûr comme il l’annonce lui-même, il n’y a aucune dimension politique qui se cache derrière la glorification de la guerre, la volonté d’exterminer des populations entières et de forger dans le feu et le sang une nouvelle civilisation débarrassée de ses poids morts.
Contrairement à ceux qui se voilent la face, l’idéologie traduite en paroles, chants et musique ne doit certainement pas être écartée au prétexte d’une dimension artistique, ou provocatrice quelconque, car sinon, tous les abus, sévices et crimes pourraient être justifiés au nom de l’Art. Sans compter que ce n’est pas en tournant le dos aux questions, qu’elles disparaissent de fait. Dans ces conditions il est nécessaire de se plonger dans ce qui apparaît comme un corrosif bain d’acide en forme de programme d’éradication systématique de la vermine condamnée pour en prendre la pleine mesure : «
A New Race for a New World is the reason I fight for ».
L’écoute de cet album ne fait appel à aucun plaisir. Le cadre d’ultra-violence posé aux relents militaro-totalitaires met à l’épreuve l’auditeur dés les premières secondes et jusqu’à ce que mort s’ensuive. Planet Zog –
The End regorgeait d’intros et de riffs accrocheurs, ou plutôt addictifs, de rythmiques martiales, grâce à l’emploi pragmatique d’une BAR, et de samples guerriers, qui réussissaient parfaitement à camoufler les scènes d’horreur décrites dans les paroles.
A New Race for a New World ne s’embarrasse plus de séduire l’oreille de l’auditeur. L’agression sonore perpétrée en conscience par le Maître des lieux n’a de cesse de retourner le cerveau en plus de nous lacérer les membres. Les guitares ne dominent plus comme avant, la puissance dégagée par l'ensemble révèle le resserrement des lignes entre les instruments afin de décupler la dimension intransigeante du mouvement entier déployé. L’arrivée d'un batteur ne présente pas une différence stupéfiante par rapport à la maîtrise de la BAR développée sur Planet Zog. Enfin dans le torrent de récriminations évoquées, des cibles sont dressées « I shoot the Pope », des comportements déviants fustigés « Impotent pedophile pig », des massacres organisés « We invite your family to join the herd of useless beings » ; un seul remède face à cette chute annoncée, l’amputation des membres gangrénés. Le sang doit couler en cascade pour nettoyer les bassesse d’une humanité qui n’a cessé de se vautrer dans la luxure, la corruption, la trahison et le métissage « I’ll never forget those who betrayed me, my blood, my race ».
Kaiser a jugé et l’humanité doit plier.
Le Black
Metal totalitaire d’
Ad Hominem s’inscrit dans un élitisme réactionnaire virulent. Il ne rejoint pas
Absurd,
Kristallnacht, Der Sturmer, au panthéon des groupes de NSBM. En couplant la froideur de samples guerriers et martiaux à un black metal haineux et furieux,
Ad Hominem a trouvé une formule dévastatrice sans pareille à travers une volonté inflexible de coupler la musique, les mots, les idées et l’imagerie pour forger un concept absolu et sans faille. Cet objectif est rempli sans conteste. Rares sont ceux qui parviendront à se hisser à un tel niveau, en 2007, deux œuvres, Diktatura de NKVD et Doxa o
Revelation de
Crystalium, raviveront des blessures similaires. Adepte de la peine de mort à l’échelle de nations et peuples entiers,
Kaiser se rêve en grand purgateur de la fin des temps mettant un terme à une morale judéo-chrétienne jugée hypocrite et mensongère, affaiblissant les corps, esprit et âme de toute une civilisation. Ce qui apparaît comme le délire d’un seul est en réalité devenu le phantasme de plusieurs. Prenez garde, l’aube s’annonce rouge.
Superbe. Cette galette était sur mes tablettes pour une potentielle future chronique, il n'en est désormais plus. Papier haletant, corrosif, percutant, en un mot digne d'un projet qui incarne l'essence du metal extrême notamment au travers la gêne, peur ou dégoût qu'il peut engendrer chez autrui, et c'est encore plus drôle quand c'est chez le fan de metal lambda qu'Ad Hominem provoque un malaise ou des tentatives de justification fumeuses.
Un grand groupe que j'espère revoir en live très vite après Luynes 2011, car c'est sur les planches que l'aura et l'impact charismatique du combo de Kaiser W. prennent toute leur dimension.
Dans sa réception, physique et auditive, cet album incarne l'archétype de l'oeuvre qui bouscule et impose un positionnement clair : ou tu es avec moi, ou contre moi. Il prend à contre-pied une société qui en permanence louvoie entre les lignes. Une société qui se plaît à ranger dans des cases toujours plus petites l'individu qui a subi une déconstruction totale de ses valeurs et cercles de socialisation (famille, ami, travail, sport, kermesse et j'en passe). Le classer, c'est le tuer. D'accord, mais les chemins sont devenus si étroits, que même en louvoyant, le quidam ne s'en sort pas, et devient une caricature de lui-même, restant dans le tiède, l'indéfini, expérimentant en boucle des situations qui ne cessent de le rabaisser (bisexualité, alcoolisme mondain, cigarette électronique, slap contest, Peste Noire, Macron, post Black...) Des expériences qui ne symbolisent absolument pas l'affirmation de soi, incapables de compléter une quête d'identité majeur qui échappe à tous, qui demeurent une suite de divertissements sans fin appellant la mort de toutes ces forces, afin que ce cirque s'arrête une bonne fois.
KW c'est le grand coup de rangers dans les glaouïs qui siffle la fin de la récré, et un retour à l'ordre naturel. Ce n'est jamais agréable, mais toujours salutaire.
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