Plus réputée pour être une terre de vignobles d’excellence qu’un berceau métallique, la région Aquitaine a pourtant enfanté le plus gros monstre du metal hexagonal avec
Gojira et, d’autres rejetons très turbulents mais aussi très doués comme
Demented et...
Gorod. Ce dernier, pouvant se targuer de posséder une discographie ne souffrant d’aucune faiblesse, trouvait son apogée avec «
A Perfect Absolution » (
2012), le prédécesseur du dernier full-length en date des Bordelais, nommé «
A Maze of Recycled Creeds ». Comme certaines traditions ont la vie dure,
Gorod se présente avec un nouveau line-up, exit donc Samuel Santiago qui quitta la formation peu après la publication de «
A Perfect Absolution » et après avoir marqué de son empreinte la personnalité musicale du groupe, grâce à son jeu unique, ce qui rendra la tâche encore plus ardue à son successeur, Karol Diers. L’autre changement majeur, visuel celui-ci, concerne le logo qui se trouve plus épuré. En général, cela n’augure rien de bon car, trop souvent, cette modification signifie une nouvelle orientation musicale, et les exemples de mauvais goût sont légion en la matière.
« L’Air De L’Ordre », petit instrumental introductif, est en charge d’ouvrir «
A Maze of Recycled Creeds ». Ce titre, uniquement basé sur du piano, se trouve être en complet décalage du reste de l’album. Nous avons l’impression d’être plongés au milieu d’un restaurant guindé BCBG où un pianiste, que personne n’écoute, est en charge de créer une ambiance douce et apaisante. Mais le calme va être perturbé par une violente déflagration sonore.
Et quelle déflagration ! Après cet instant zen,
Gorod nous saute au faciès sans crier gare, nous attrapant à la gorge pour ne plus jamais la lâcher. «
Temple To The Art-
God » prouve que les Bordelais n’ont en rien renié leur brutalité et que leur savoir-faire est toujours intact. La vitesse d’exécution est juste hallucinante, le riffing impressionnant et le rendu toujours très extrême.
Mais après plusieurs écoutes intégrales de cet dernière œuvre, force est de reconnaître que le propos de
Gorod a quelque peu changé. Une sorte d’évolution dans la continuité, car le mélange des styles, apanage de la formation, est toujours de mise. Rares sont les groupes à réussir cette mixité des genres avec autant d’aisance. Les racines de
Gorod sont bien ancrées dans le death-metal et la fulgurance des accélérations en témoigne. «
Temple To The Art-
God », « Celestial Nature », « Dig To Yourself », « The Mystic Triad Of Artistry » ou « Inner Alchemy » et « Syncretic
Delirium » laisseront assurément quelques gencives amputées de leurs dents, tant les coups lâchés par les Aquitains font mal.
L’évolution réside principalement au niveau des mélodies et du côté progressif de l’ensemble, poussé ici à son paroxysme. Même si
Gorod reste extrême, la musique développée ici est émaillée de nombreuses mélodies accrocheuses, bien plus mises en avant qu’auparavant, comme sur « Celestial Nature », « Inner Alchemy » ou « An Order To Reclaim » et « From Passion To
Holiness », pour ne citer que ces titres. Ces harmonies servent souvent de ligne directrice, guidant l’auditeur au travers des méandres et des enchevêtrements des plans assénés par les musiciens. La facette progressive est également mise en exergue sur ce dernier méfait. Ecoutez donc « An Order To Reclaim », « Syncretic
Delirium » ou « Inner Alchemy » pour en être convaincus, ces « expérimentations » ont le mérite d’aérer le propos de
Gorod et de rendre sa masse musicale moins compacte.
Malgré cela, la formation conserve néanmoins son identité propre et son style unique. Les influences jazzy (« Inner Alchemy », « Syncretic Dlirium ») ou funky (« From Passion To
Holiness ») sont toujours présentes et très bien intégrées à l’ensemble. Avec «
A Maze of Recycled Creeds »,
Gorod semble en proie à une liberté de composition totale, repoussant sans cesse ses limites. Le quintette se permet même d’intégrer des gimmicks de « Amicalement Vôtre » sur « From Passion To
Holiness » et de reprendre le thème principal de « I Put
Spell On You » de Jay Hawkins sur « Rejoice Your Soul » (je vous mets au défi de reconnaître celle-ci), amenant au rendu global de ce morceau un côté 70’s (certes léger) non négligeable et vraiment plaisant.
Outre le travail titanesque apporté à l’instrumentation, les paroles abordées sur «
A Maze of Recycled Creeds » sont, elles aussi, très recherchées. La thématique tourne autour de la secte de l’Ordre Des
Rose-Croix, fondée par Joséphin Peladan à la fin du dix-neuvième siècle. Et, comme
Gorod ne fait pas les choses à moitié, « L’Air De L’ordre », morceau introductif, est l’œuvre d’Erik Satie (Gymnopédies et Gnosiennes), compositeur pour piano, qui fut un temps disciple de l’Ordre des
Rose-Croix. Ce titre est proposé dans sa forme originelle sur l’album. De plus, la composition « Syncretic
Delirium » est basée sur le dialogue entre Satie et Peladan, lorsque qu’Erik Satie décida de quitter la secte, comprenant la manipulation dont il avait fait l’objet.
Tous les membres du combo sont au diapason. La paire Alberny-Mathieu enchaîne les multiples plans avec une dextérité déconcertante sans jamais tomber dans la démonstration stérile, la section rythmique pilonne sans aucune faiblesse, Karol Diers ne souffre aucunement de la comparaison de son prédécesseur et s’en sort plus qu’avec les honneurs, aidé en cela par la basse vrombissante de Barby. La palme revient cependant à Julien «
Nutz » Deyres qui utilise toute la palette que son organe vocal lui propose, allant de growls caverneux, en passant par du chant hurlé ou clair, des « spoken words », jusqu’à un « gruik » porcin éructé sur « Rejoice Your Soul », annihilant toute forme de linéarité ou de lassitude.
Sans vouloir jouer les rabat-joie et, même si «
A Maze of Recycled Creeds » est une réussite à tous les niveaux, l’évolution mélodique et progressive fait naître en votre serviteur quelques craintes car les divers ingrédients sont savamment dosés sur cette galette. Mais qu’en sera-t-il si le groupe décide d’appuyer encore plus en ce sens à l’avenir ? La face extrême de leurs compositions sera-t-elle préservée ? Rien n'est moins sûr...
«
A Maze of Recycled Creeds » sera certainement l’album de la consécration pour
Gorod, tant ce dernier frôle la perfection. Le groupe a su conserver dans sa complexité une certaine accessibilité en y incorporant plus de mélodies et d’éléments progressifs, aérant son death-metal raffiné, ce qui lui permettra d’attirer de nouveaux aficionados dans son escarcelle. Cependant, cet évolution l’éloigne inexorablement du death primaire de ses débuts et fait naître quelques inquiétudes quant à la future orientation musicale des Bordelais. Wait and see.
Sur "Temple to the Art-God", en 4 minutes, tu as l'impression d'entendre 3 chansons en 1 :D
Je suis un chieur, un vieux de la vieille à qui "on ne la fait pas". Et bien là, ils m'ont mis sur le c*l ;)
Bravo les artistes !
Et merci pour la kro ;)
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