C’est fois, pour les Bordelais, ça pourrait être la bonne.
Non, il ne s’agit pas de football et du titre de champion échu aux Girondins. Mon propos va vers une forme d’injustice que subit
Gorod depuis déjà quelques années. En effet - et tous les heureux possesseurs de leur album précédent (
Leading Vision) ne me contrediront pas – le relatif anonymat dans lequel évolue
Gorod dans son propre pays est injuste, et franchement inversement proportionnel à son immense talent. On ne va pas refaire l’histoire et égrener les raisons de cet état de fait, toujours est-il que de l’autre côté de l’Atlantique, mieux exposé,
Gorod est bien connu des deathsters avisés, tandis qu’un
Kronos ne parlera pas à grand monde…et oui. D’ailleurs, le maître
Immolation himself ne s’y est pas trompé en choisissant nos frenchies pour l' accompagner lors de sa tournée européenne.
Donc, ce coup-ci, j’y crois à mort. D’abord parce que ce nouvel album sera distribué par Listenable, qui va faire ce qu’il faut en terme de promo, deuxio parce que la tournée avec
Immolation va répandre la bonne parole, et tercio, et c’est la meilleure des raisons, parce que
Process of a New Decline est une merveille de death metal technique et inventif.
En fait,
Gorod ne s’est pas vraiment réinventé. Il est reparti de ce qu’il fait si bien, et a laissé une nouvelle fois agir son talent créateur. De la sorte,
Process est l’héritier légitime de
Leading Vision, mais les quelques années qui les séparent semblent avoir le même effet sur la musique de
Gorod que sur un grand cru de Bordeaux.
Plus dense, plus multiple, plus profond, plus puissant, plus maîtrisé…le death technique de
Gorod a encore franchi un palier, semble t-il, sans rien perdre de ce qui faisait sa force. On notera assez rapidement que le nouveau batteur n’est pas pour rien dans cette évolution. De formation jazz, il a le répondant pour se frotter aux trois instruments à corde poussés dans leurs retranchements par la virtuosité de leurs maîtres. N’allez pas me faire dire que Sandrine, qui officiait jusque là aux fûts, était manchote, loin de là, mais on a la sensation que le quatuor a trouvé une osmose créatrice qui dépasse les fondements classiques d’une formation de death metal.
Seul le guttural plutôt conventionnel de Guillaume semble rattacher
Gorod aux standards du genre.
Si vous n’avez jamais entendu
Gorod, j’imagine que jusque là la lecture de cette chronique revêt un caractère un peu abstrait.
Pour décrire
Process of a New Decline, on peut s’amuser au jeu des comparaisons, mais avec ce drôle de combo là, cela s’avère délicat.
Son death technique assez alambiqué va plutôt chasser sur le territoire d’un
Necrophagist, par son goût pour la vitesse, la virtuosité et le côté classieux et mélodique de ses nombreux leads.
Cependant, bien loin de faire dans le plagiat du maître incontesté du genre, les Bordelais font preuve d’une inventivité et d’une densité dans l’enchevêtrement des compositions qui n’est pas sans rappeler par exemple le sophistiqué
Illogicist.
Néanmoins, de mon point de vue,
Process of a New Decline surpasse nettement les réalisations des Italiens, en évitant tous les écueils inhérents au genre. Malgré sa densité et sa complexité, les enchevêtrements de riffs et de leads mélodiques alambiqués ne génèrent pas cet aspect synthétique qui peut parfois apparaître chez d’autres.
C’est là le tour de main bluffant de
Gorod : le groupe n’oublie jamais la musicalité et le groove qui assurent une assise fluide et puissante, générant ce qu’il faut de passages accrocheurs et directs pour se rappeler au bon souvenir des fondamentaux du death metal. Les amateurs de brutal death seront donc bien aises de recevoir leur saoul de blasts et de riffing massif (comme l’imposant Gilded Cage par exemple), même si assurément
Gorod ne s’adresse pas en priorité aux fans de
Krisiun…j’entends aussi par là qu’il ne faut pas chercher non plus chez
Gorod une influence
Origin, même si on sent bien que techniquement les gars en ont potentiellement assez sous la pédale.
Il faut d’ailleurs reconnaître que certains pourront se lasser de la longueur de l’album (presque 50 minutes) et de sa prédisposition à s’évader dans des sphères progressives (The
Path) ou à emprunter parfois largement au jazz (Guilty Of Dispersal et surtout Watershed). Il faut reconnaître également que cette profusion tend parfois à modifier l’équilibre que pouvait avoir un
Leading Vision, qui demeure peut être plus direct (question de feeling très personnel). Mais pour quelques frustrés, combien se retrouveront avec la chair de poule en retrouvant insidieusement des sensations que l’on croyait enfouies dans le souvenir d’une écoute passée d’un
Atheist ?
C’est finalement le paradoxe de la voie choisie par
Gorod : ne s’interdisant rien, laissant libre cours à une créativité qui semble sans limite, le groupe s’enferme par là même dans un style difficile d’accès qui ne fera jamais vraiment l’unanimité.
Quelle importance après tout : amateurs du genre, précipitez vous sur ce disque, je vous garantie l’ivresse que seuls les grands disques peuvent générer. Ceux là même générés par les grands artistes…
A titre personnel, bien qu’il soit difficile & hasardeux d’extraire une plage du lot, j’apprécie tout particulièrement le premier morceau Disavow Your God, avec ses guitares aériennes & entremêlées en son milieu, m’emportant très loin à chaque écoute, ainsi que le superbe The Path, titre d'une coloration progressive plus que délectable.
Quel talent et quelle sobriété ! C’est impressionnant.
Rider of the Death culture.
Fabien.
(et vive la france!)
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