Voilà donc nos dandies anglais en passe de devenir des adultes mûrs, réfléchis, rangeant définitivement dans la boîte à souvenirs leur sulfureux Death / Black au satanisme obsessionnel, plein de folie rageuse et de virulence mal dégrossie. Comme si le port systématique du costume 3 pièces avait fini par faire son effet. Oh bien entendu, les prémices du changement avaient déjà insidieusement affleuré du transitoire
Choronzon.
Mais cette fois-ci, les premières impressions ne laissent pas vraiment place au doute. Un artwork –du moins en façade- et des titres ne laissant plus apparaître de lien avec la lubie blasphématoire, sans oublier la stabilisation d’Akerocke chez un label (Earache) qui semble taillé pour lui permettre de changer de braquet –s’éloigner pour de bon de l’undergound disent les esprits chagrins. Et si ce groupe à part avait finalement réussi à vendre son âme au diable, à force de le réclamer ?
La brute indécrottable qui se serait contentée de l’écoute du premier morceau, Verdelet, pourrait presque abonder dans le sens de cette conclusion aussi hâtive qu’injustifiée. En effet, voilà une entrée en matière déstabilisante. Quelques growls typiques furtivement passés, c’est d’abord ce riff thrashisant, fluide et accrocheur, qui étonne...le tout avec une production presque trop clinique, en tout cas d’une qualité sonore qui n’a jamais été mise à disposition du groupe. Alternance avec un passage rapide au chant clair étonnamment mélodique, retour à ces phases plus engagées, il faut attendre la fin pour renouer avec une forme de black sympho d’une grande émotion, parachevant une montée paroxystique drapée d’inquiétude. Méconnaissable
Akercocke...le problème, si j’ose dire, c’est que le résultat est incroyable, qu’on s’emballe pour la qualité de cette composition à la conception très classique mais à la richesse époustouflante, un petit bijou de metal qui peut sans doute plaire à un public assez large, étonnamment.
Méconnaissable ? Je grossis scandaleusement le trait. La musique reste brutale, le chant caméléon de l’inquiétant Mendonca toujours plus épatant, l’atmosphère ne perdant pas non plus ce petit relent de danger. Surtout, la suite de l’album est emplie de ces sérieux rappels à la nature profonde d’Akercoke, et regorge de ces passages gratinés à la brutalité très crue (grunts d’outre-tombe, batterie endiablée, basse cinglante, riffs et soli tourmentés et suffocants).
Je vais donc cesser dès maintenant ce pseudo exercice de style pour admettre la vérité profonde :
Akercocke a certes changé, abordant avec bonheur des univers musicaux qu’il n’avait jusque là qu’effleurés. Mais
Akercocke a gardé sa force, et quasiment le meilleur du visage qu’on lui connaissait jusque là.
Sa personnalité profonde respire au travers de certaines notes de l’album, et demeure toujours aussi noire et tourmentée. Mais plutôt que de persister dans le blasphème direct et obsessionnel, la souffrance est ici avant tout cérébrale. Words that Go
Unspoken est une ode à la schizophrénie, ménageant sous ses airs séducteurs une double personnalité qui n’a jamais été aussi tourmentée. Musicalement parlant, son sens du riff, de la mélodie et des touches atmosphériques ou mélancoliques, utilisées jusque là comme des respirations parcimonieuses au milieu d’une messe noire suffocante, sont promus au premier rang des compositions. Une enveloppe globale d’une grande beauté, qui renferme cependant une folie tortueuse qui ne va pas en s’arrangeant. Words that Go
Unspoken, c’est en fait le chant des sirènes, diablement séducteur et capable d’attirer des oreilles envoûtées qui ne supporteraient pas cinq minutes d’écoute de
The Goat of Mendes. Mais là où les premières productions d’
Akercocke écrasaient de souffrance des auditeurs masochistes consentants, ce chef d’œuvre là –le mot est lâché – sait se faire séducteur pour mieux enfoncer son message cauchemardesque.
En considérant simplement les dix minutes de
Shelter from the
Sand, on résume le coup de maître : la créativité débordante transpire dans les méandres étourdissants d’une composition à tiroirs, tandis que l’efficacité et la maîtrise technique s’affirment dans tous les répertoires musicaux explorés (Death
Metal furieux, passages progressifs séduisants, transitions mélodiques et élégantes, intermèdes inquiétants et anxieux). Un véritable tourbillon émotionnel, un jeu enivrant...
Akercocke est plus que jamais diabolique, un comble. Le disque est à l’unisson, une splendide mosaïque musicale qui ne s’éparpille jamais, bien que puisant tout à la fois dans l’énergie et la brutalité du Death et du Black, voire du Thrash, le classicisme mélodique du Heavy
Metal, la légèreté aérienne du Rock Progressif et de ses claviers, quelques touches d’Indus ou d’Ambiant, voire même jusqu’à certaines structures rythmiques très jazzy. Est-il si loin, le temps de
The Goat of Mendes ?
En fait,
Akercocke n’a pas vraiment changé. Son génie éclate au grand jour, voilà la vérité. Drapée dans son costume 3 pièces, avec son élégance séduisante de dandy, la bête n’a jamais été aussi dangereuse. De quoi conquérir et corrompre l’âme de tout metalhead normalement constitué avec ce disque somptueux et définitivement unique.
Pas grand chose à ajouter, si ce n'est confirmer que Akercocke y montre un visage plus abordable, plus séduisant, sans se départir de sa personnalité sulfureuse.
Un album parfaitement en phase avec l'illustration de la pochette, montrant ce personnage très classe et propre sur lui, mais également fort inquiétant et que l'on sent capable des pires atrocités. Un clin d'œil évident au célèbre Jack L'Eventreur s'apprêtant à faire un petit tour du côté de Whitechapel.
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