De
Bathory à
Amon Amarth, en passant par Manegarm et
Thyrfing, force est de constater que la Suède est un terreau fertile pour les groupes inspirés par la mythologie nordique. Mais laissons ici le Black et le Death pour nous intéresser à
Grand Magus, figure de proue du stoner doom suédois qui, lui aussi, aime chanter à la gloire d'
Odin.
Et ce n'est pas leur dernière production en date, "
Wolf God", qui fera exception à la règle. Le trio, mené de voix ferme par Janne Christoffersson (alias JB), continue sur sa lancée après trois albums où combats et mythologie s'entremêlaient pour des réussites indéniables. Ici, les choses ont changé dans la façon de concevoir l'album. Il ne s'agit plus de travailler à distance et d'assembler partie par partie chaque morceau comme un vulgaire puzzle. Nos trois musiciens se sont retrouvés dans une grange aménagée en studio au milieu de nulle part, pour laisser place à la magie de l'instant, en parfaite collaboration tant dans l'écriture que dans l'interprétation avant d'enregistrer.
Avec ces nouvelles dispositions, le dernier venu sera-t-il à la hauteur des attentes qui pesaient légitimement sur lui ? Suivra-t-il exactement le même cheminement musical, par-delà les thématiques abordées ? Autant de questions auxquelles nous allons tenter de répondre dans les lignes qui suivent.
Mais tout d'abord, un petit point animalier. Car oui, à côté de son amour pour les mythes et légendes nordiques, JB est aussi très attaché à la nature, et tout particulièrement à la figure du loup. Et leur discographie en est parsemée, qu'il s'agisse du titre de leur troisième album «
Wolf's Return » ou encore les illustrations de «
Iron Will » et «
Hammer of the North », ce dernier étant la véritable pierre angulaire de leur discographie. Pourquoi le loup, me direz-vous ? Eh bien parce qu'il est souvent perçu comme une figure menaçante pour l'humain (merci aux frères
Grimm et aux contes populaires en tous genres) et que JB tient à lui redonner ses lettres de noblesse, pour tout ce qu'il incarne : force individuelle et collective, protection, sagesse.
Venons-en au fait. Pour la première fois en vingt ans de carrière, l'album s'ouvre sur une instrumentale, qui pourrait tout aussi bien être composée par leurs voisins d'
Apocalyptica, avec ces pizzicato au violoncelle rejoints ensuite par des percussions qui font monter la tension avec ce sentiment de commencer une véritable épopée, avant la première attaque du titre éponyme qui poursuit avec cette intention.
Le loup suédois nous amène en terrain connu, avec un mix plus équilibré que leur précédente offrande "
Sword Songs" : le son de la batterie n'est plus aussi prépondérant et nous permet de nous focaliser sur l'ensemble de ce qui est proposé. Rien d'exceptionnel ici, un mid tempo au refrain aussi simple et court qu'efficace, une voix puissante doublée lorsqu'il le faut pour plus de profondeur. « Brother of the Storm » suit la même logique, avec une alternance entre voix et instruments qui semblent se répondre avant de se rejoindre pour notre plus grand plaisir. Rien à dire, ils savent interpréter avec panache des compositions qui font mouche.
Avec «
Glory to the
Brave », le loup sort des sentiers battus et avance à pas de...bah du coup oui, de loup, forcément. Ludwig aux fûts y va d'un pattern au crosstick simple pour accompagner la basse de
Fox (par souci de congruence, on considérera ici qu'un renard n'est autre qu'un petit loup roux) qui tourne en boucle pour laisser doucement place à quelques notes claires de guitare générant un véritable effet d'attente avant l'arrivée du riff proposé par les griffes acérées du chef de meute, particulièrement imposant dans son interprétation chantée du refrain. Les choses s'accélèrent en cours de route avec l'impression d'un galop qui suit une bataille victorieuse. Mais comme les paroles le laissent à penser sur « He Sent
Them All to Hel », ce n'est qu'un combat gagné sur un chemin parsemé de souffrances. Ce titre est peut-être la production la plus simpliste de l'offrande, mais il n'en est pas moins interprété avec impétuosité. Vous vous surprendrez dès la première écoute à chanter le refrain, dont la simplicité n'a d'égale que le plaisir qu'il procure, avec la distorsion vibrante dont JB a le secret.
Grand Magus nous plonge dans la mythologie scandinave avec « Spear Thrower », véritable ode à
Odin (je vous mets au défi de prononcer dix fois rapidement ces trois derniers mots sans bafouiller!), le Dieu connu comme le loup blanc, qui a sacrifié un œil pour obtenir le savoir absolu. Il s'agit du titre le plus court de l'album – en dehors de l'intro – et le tempo va bon train ! Bien que le son soit complètement différent, on pourrait croire un morceau composé par
Judas Priest époque British Steel, tant dans les riffs et le solo de guitare que la batterie galopante, double-pédale en plus. Les fans des débuts le verront peut-être d'un mauvais œil (sans mauvais jeu de mots...), mais ce titre sans prétention touche sa cible, comme chacune des lances projetées par le père des dieux. Ce côté Heavy Speed se laisse entrevoir aussi sur le morceau de clôture diablement efficace, «
Untamed », où Ludwig ose se mettre en avant et proposer des breaks d'une rapidité que l'on ne lui connaissait pas sur les trois albums auxquels il avait participé.
L'inspiration mythologique chère au groupe se retrouve également sur « A Hall Clad in Gold », où le
Valhalla attend ceux qui perdront fièrement la vie au combat, contrairement à qui prônerait mensonge et cupidité comme mode de vie. Les couplets sont portés par une rythmique enlevée tandis que les refrains plus posés permettent à la voix de JB de se démarquer. Le solo de guitare est peut-être l'un des plus inspirés de cette dernière production.
Néanmoins ce disque n'est pas exempt de défauts. Bien qu'on ne puisse reprocher à aucun des titres d'être mauvais, on trouvera à redire à certaines fins qui, si elles ne sont pas bâclées («
Glory to the
Brave », « A Hall Clad in Gold »), usent d'effets qui n'apportent rien d'autre qu'une bien maigre transition vers le morceau suivant (« He Sent
Them All to
Hell »). Le loup autrefois si adroit pour ôter la vie de ses proies semble désormais les laisser agoniser d'une façon bien peu élégante.
En définitive, la célèbre meute suédoise propose ici un album qui suit la trajectoire posée par ses grands frères, avec ici et là des petites trouvailles pour continuer à apporter des évolutions (mineures, soyons honnêtes) à leur musique. Bien que le son et l'interprétation soient à saluer, les compositions manquent parfois d'intérêt. Non par manque de qualité, mais plutôt parce que la recette certes délicieuse reste sensiblement identique aux précédents efforts. Cependant, pas de quoi crier au loup, car
Wolf God saura sans conteste satisfaire le plus grand nombre, pour autant qu'on n'attend pas de lui une véritable mue, dans la mesure où la dynamique des quatre derniers albums se poursuit ici, avec une légère baisse de niveau.
Tout espoir n'est toutefois pas perdu, car, comme ils le suggèrent eux-mêmes dans le morceau qui clôt l'opus, « Il y a une raison de désirer, mon ami. La recherche de la force ne sera jamais finie ».
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