Fen est aujourd’hui un groupe reconnu, et quiconque s’intéresse de près à la scène post black/black atmosphérique a forcément déjà entendu parler du groupe anglais. Après quatre albums dont un
Carrion Skies d’excellente facture, le combo britannique est devenu l’un des fers de lance de cette nouvelle scène de black, à la fois sensible, progressif, atmosphérique et gorgé d'influences post rock. C’est donc avec de nombreuses attentes que les amateurs de ce style accueillent ce cinquième full length sobrement intitulé
Winter, et dont l’artwork représente à merveille le contenu musical, maussade, mélancolique, noyé dans la brume et tiraillé entre des tons sombres et gris et le pâle rougeoiement de braises incandescentes.
Commencer un album par un pavé de 17 minutes n’est peut-être pas la chose la plus aisée du monde. Ceci dit, Pathway nous éblouit d’entrée, présentant avec brio tous les éléments qui font de
Fen ce qu’il est aujourd’hui et incarnant à lui seul l’âme du groupe et de cet album : d’une part, ces arpèges doux-amers et mélancoliques, ces guitares au son si particulier qui font définitivement l’identité du groupe, délicieusement planantes et oniriques, aux notes délayées et dont le chant serein semble nous parvenir d’un autre monde, ces longues respirations acoustiques, apaisantes et contemplatives, émergeant de la brume humide et irréelle des nuages et nous berçant de leur langueur cotonneuse ; et d’autre part, fonctionnant par contraste et magnifiant la musique des Anglais par cette opposition constante et si fragile, ces cavalcades épiques et heavy aux sursauts colériques, la voix toujours aussi arrachée et expressive de The Watcher, ces accélérations hallucinées qui rendent le propos plus intense et bouleversant, cette fusion entre riffs black et guitares aériennes gorgées de feeling qui nous emmènent si loin.
On retrouve également avec plaisir ces longs soli qui nous transportent, cette basse sobre et discrète aux quelques moments de grâce et ces parties de chant clair juste et touchant (
Interment), bien loin des essais naïfs des premiers albums
Avec six titres s’étalant entre 9,44 et 7,08 minutes pour un total de 75 minutes, inutile de vous dire que
Winter est d’une richesse considérable, et que les morceaux, foisonnants et complexes, ne s’apprivoisent pas en une ou deux écoutes. Entre le martèlement sourd de la batterie et les hurlements écorchés du chanteur qui interviennent à 3,13 minutes de Fear, fureur toujours guidée par ces guitares lumineuses qui finiront par muer l’agression en une sorte de sérénité, et la conclusion qu’est Sight, apaisée et presque solaire, s’emballant en une rythmique plus rapide et s’animant de cris désespérés en milieu de titre mais toujours baignée d’un chant clair et chaud et transcendés par l’art des gratteux,
Fen tisse différents mondes qui sont tous les siens et nous narre avec une grande sensibilité une journée vers la rédemption et le sacré avec une sensibilité et un art musical bluffants.
A ce niveau-là, inutile de perdre du temps à citer des noms pour situer la musique du trio, c’est plutôt
Fen qui influence les autres groupes et non l’inverse, et le seul rapprochement que j’oserais faire même si leur musique est assez éloignée serait avec le vieux
Opeth, les deux combos se rejoignant dans leur amour pour les morceaux à tiroirs et les structures progressives, cette ambivalence musicale reposant sur un clair-obscur permanent ainsi que cette ambiance noire et mélancolique qui enveloppe l’ensemble de leurs compositions.
Que dire de plus ? Si vous avez aimé
Carrion Skies, nul doute que vous adorerez ce
Winter pour peu que vous preniez le temps de l’apprivoiser.
Plus mûr, plus abouti, plus riche dans ses contrastes, dans sa musique et dans la palette d’émotions qu’il dépeint, intemporel et inépuisable,
Winter est incontestablement la pièce maîtresse de la discographie de
Fen, et il comblera à coup sûr n’importe quel amateur de metal progressif, émotionnel, mélancolique et lumineux à la fois.
Pas de doute,
Winter is coming, et pour une fois, pas besoin d’attendre avril pour commencer à voyager.
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