Fen, ce nom ne vous dit peut-être encore rien, mais ce quatuor anglais commence doucement à se faire un nom sur la scène post black mélodique et progressive avec un mélange intéressant de black metal et de sonorités plus contemplatives entre folk et post rock. Fondée en 2006 et déjà forte de trois albums dont le remarqué
Dustwalker l’année passée, la formation nous revient déjà en cette fin novembre avec leur nouveau bébé,
Carrion Skies toujours signé chez Code666.
Sur Our Names Written in
Embers, Part 1 (
Beacons of
War), on retrouve immédiatement l’empreinte du groupe telle qu’il l‘avait imprimée sur l’effort précédent, avec ces guitares nébuleuses aux lointains accents oniriques qui nous élèvent d’entrée, et ce son si particulier. Ceci dit, ces guitares mélancoliques se muent rapidement en un riff haché et progressif que n’aurait pas renié
Opeth, entamant une imparable montée en puissance et en émotions, remarquablement servie par la voix black profonde et puissante de The Watcher, les chœurs légers et évanescents bien plus justes que sur
Dustwalker, et ces guitares mêlant riffs lourds et terrestres et envolées aériennes en une fusion électrique à la fois puissante et mélancolique. Le passage dès 3,30 minutes, tout en douceur acoustique, nous berce d’une langueur presque jazz, notre âme s’envolant au gré de ces résonnances de toms et de ces notes de guitares cristallines, alors que cette partie lente, introspective et lancinante aux alentours des 7, 30 minutes rappelle incontestablement
Agalloch. Le jeu du batteur Theutus est à souligner, subtil et nuancé, servant parfaitement le côté progressif de ce premier titre qui atteint les 11 minutes, nous berçant avec une fluidité et une cohérence déconcertantes.
Our Names Written in
Embers, Part2 (
Beacons of
Sorrow) démarre sur un riff plus post rock et spatial admirablement rythmé par le batteur, et nous présente par la suite un mélange toujours aussi savoureux et atypique de folk halluciné et planant couplé à un black plus agressif (il y a du blast, même si le tout reste toujours aussi mélancolique et chargé en émotions). Certains passages rappellent le titre
Spectre en moins naïf, notamment dans certains motifs de guitare, cette ambiance ouatée presque chimique et le placement vocal assez similaire, même si ici il n’y a aucune trace de chant clair. Ce passage dès 4,05 minutes à la beauté céleste nous propulse dans les étoiles sur ce canevas de six cordes aux sonorités envoûtantes et nous fait toucher du doigt la béatitude.
Carrion Skies regorge d’une belle richesse musicale qui se révèle au fur et à mesure des écoutes et nul doute qu’il a une durée de vie bien supérieure à celle de son prédécesseur. Ici, le style de
Fen est tout bonnement magnifié, l’album étant à la fois plus sombre et violent (il n’y a qu’à écouter le début de
Menhir - Supplicant avec ses blasts imparables), mais les parties atmosphériques étant paradoxalement plus prenantes que jamais, pour un style qui, d’après The Watcher « invoque un spectre d’atmosphères allant du froid impalpable des lointaines étoiles au sang et à la terre qui vibrent sous nos pieds ».
Décrire les titres uns par uns serait donc inutile tant chaque morceau regorge de subtilités et d’un feeling débordant qui nous chavire dans certaines montées en intensité poignantes, enchaînant avec maestria rythmiques à la fois complexes et accrocheuses, parties acoustiques apaisantes et contemplatives et déchaînements blacks toujours parfaitement maîtrisés et guidés par un sens mélodique impérial.
L’album s’achève paisiblement sur un Gathering the Stones de presque 13 minutes, titre solennel, mélancolique et rêveur , nous offrant une évasion salvatrice avec ces chants clairs fragiles et justes, ces choeurs graves et résignés, et la beauté poignante et simple de ces riffs tout en sensibilité. Certains passages nous enveloppent d’une brume vaporeuse et douce qui nous apaise tandis que les parties les plus agressives où la voix black gronde et où la batterie se fait plus martiale sont toujours contrebalancées par un travail mélodique des guitares tout bonnement admirable.
Fen nous offre donc avec ce cru 2014 sa plus belle réalisation à ce jour, s’éloignant des influences parfois trop présentes ternissant ses réalisations précédentes (
Alcest,
Agalloch et Lantlos) pour tracer sa propre voie avec une identité et une maturité musicales étonnantes. Si vous aviez jusqu’à présent une excuse pour ne pas les connaître, il est l’heure de prendre des cours de rattrapage, car le doute n’est plus permis, il va falloir désormais compter avec ces Anglais qui s’imposent avec
Carrion Skies comme l’un des combos les plus prometteurs et talentueux de la scène post black actuelle.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire